La marche athlétique, une discipline à découvrir
Je m'intéresse au marcheur canadien Evan Dunfee depuis plusieurs années. D'abord parce qu'il est très actif sur les médias sociaux pour défendre les athlètes pratiquant son sport et pour décrier les décisions qu'il juge ridicules de la part des dirigeants de la Fédération internationale d'athlétisme, mais également et surtout en raison de ses excellentes performances sur la scène internationale. Il a déjà remporté une médaille olympique, le bronze, sur 50 kilomètres à Tokyo en 2021.
Mon intérêt pour la marche athlétique remonte à un événement très précis. Plusieurs penseront ici qu'il s'agit de Marcel Jobin aux Jeux olympiques de Montréal en 1976 ou de la superbe médaille d'argent de Guillaume Leblanc au 20 kilomètres des Jeux Olympiques de Barcelone en 1988. Après tout, c'était la première fois en 88 ans qu'un sportif québécois remportait une médaille olympique dans une discipline de l'athlétisme. Pourtant non!
Il faut plutôt remonter à une vingtaine d'années. Je participais à une course de 10 kilomètres au parc Lafontaine à Montréal et je m'étais fait doubler par un marcheur de l'équipe canadienne. Je n'en revenais pas! Comment un marcheur pouvait-il être plus rapide que moi? Pourquoi cette démarche bizarre avec les bras qui se balancent à un rythme fou et pourquoi ce déhanchement exagéré?
Dunfee, 32 ans, est actuellement le marcheur canadien le plus rapide et un des meilleurs de la planète. Sa spécialité est la marche de 50 kilomètres et de 35 kilomètres. Pourtant, le 19 août dernier, aux Championnats mondiaux d'athlétisme, il a pris le quatrième rang de l'épreuve de 20 kilomètres.
Lors de cette marche, le Britanno-Colombien a pulvérisé le record national avec un temps de 1 heure 18 minutes et 3 secondes. Faites un petit calcul, cela signifie une vitesse moyenne de 15,22 km/h. Sur un marathon, cela signifie un chrono final de 2h44. Hallucinant! Je rappelle qu'il marche. Le record du monde du 20 kilomètres marche masculin appartient depuis 2015 au Japonais Yusuke Suzuki (1 heure 16 minutes et 36 secondes). Chez les femmes, il revient à la Chinoise Yang Jiayu (1 heure 23 minutes et 49 secondes).
Qu'est ce qui différencie la marche rapide de la course à pied? Plusieurs choses puisqu'il s'agit de deux disciplines distinctes au sein de l'athlétisme, caractérisées par des différences importantes en termes de technique, de rythme, de règles et d'effets sur le corps.
Lorsqu'on court, on se déplace le plus rapidement possible en utilisant une foulée alternée des jambes. Cela signifie que nos deux pieds quittent le sol pendant une fraction de seconde à chaque pas. La très grande majorité des coureurs ont une cadence plus élevée que les marcheurs rapides.
D'un autre côté, la marche rapide est une discipline où un pied doit toujours être en contact avec le sol. Cela signifie que l'un des pieds est au sol pendant toute la durée de la foulée. C'est la raison du déhanchement exagéré des participants.
Pendant les compétitions de marche, des juges à l'œil aguerri n'hésitent pas à disqualifier les athlètes fautifs et surpris en phase de vol. On assiste parfois à des scènes déchirantes lorsque cela survient à quelques minutes seulement de l'arrivée après presque 20 ou 50 kilomètres de marche épuisante.
On ne marche pas uniquement avec les jambes! La marche rapide implique une cadence rapide avec un balancement actif des bras pour maximiser l'efficacité et la vitesse. C'est une technique difficile à maîtriser parfaitement.
Pour le commun des mortels, marcher rapidement est moins intense sur le plan aérobique que la course à pied, mais pour des athlètes élites comme Evan Dunfee la condition physique est portée à un autre niveau. Le grand gaillard de 6 pieds et un pouce pour 147 livres est dans une forme exceptionnelle qui lui permet de maintenir des vitesses impressionnantes sur de longues distances. Avant sa quatrième place aux Mondiaux, il s'était entraîné en altitude pendant six semaines en Suisse.
Il est à souhaiter que les performances de Dunfee attirent les regards et suscitent l'intérêt des amateurs. Déjà, le Comité international olympique a décidé de retirer le 50 kilomètres marche de ses prochain jeux à Paris. Trop long et ce n'est pas bon pour les cotes d'écoutes! Il ne restera que le 20 kilomètres marche.
Pourtant, il y existe un réel intérêt à regarder des athlètes comme Dunfee se déplacer si rapidement et si longtemps sans jamais vraiment quitter le sol. Au même titre que les marathoniens élites en course à pied, les marcheurs rapides représentent le meilleur de l'athlétisme. Ça vaut la peine de les suivre.
Bonnes marches et bonnes courses!