Vivre le Québec en courant pour Bruno Blanchet
Allô les Coucous, vous dirait-il.
Sympathique, Bruno Blanchet. C'est ce que j'avais envie de lui dire après les premières minutes de notre entretien.
Un être particulier que l'on a avantage à connaître, à découvrir, intriguant par sa riche personnalité.
On l'a réveillé, un samedi matin. Il devait récupérer après son périple entre Lévis et Le Bic en compagnie d'Anne Genest pour qui il n'avait que des bons mots, où il a rejoint l'animateur Guy Jodoin dont il meublera l'une de ses émissions, un peu plus tard cet été. « Je me prépare un café ! »
Tardivement, tout comme moi d'ailleurs, il s'est mis à courir à 40 ans pour occuper ses après-midi lorsqu'il travaillait comme maître-plongeur aux Îles Fidji. Il avait tenté d'apprendre la boxe thaïlandaise à cette époque. Blessé régulièrement, son coach lui a conseillé de pratiquer une autre discipline considérant son âge avancé.
À 49 ans, courir était devenu sérieux.
« Je regarde maintenant les nouvelles. Ça fait plusieurs jours que je ne me suis pas informé. Il n'y a pas juste la course à pied dans la vie », m'a-t-il lancé à la blague, empruntant une phrase célèbre de Stéphane Richer sur le hockey, à quelques jours de son départ pour la Thaïlande où il y s'séjournera pour les cinq prochaines semaines.
S'entretenir avec Bruno, c'est philosopher sur la course à pied. À son avis, ceux qui courent et ceux qui aiment courir ne sont pas les mêmes. « Je ne suis pas né pour courir mais j'apprécie l'effort qui me pousse de l'intérieur dans les moments où l'esprit me conseille d'arrêter. Je ne suis pas un naturel, je suis un glisseur, un joueur de hockey, j'aime me laisser-aller. Quand je cours 80 km, les dix derniers sont les plus beaux. »
J'AIME ÇA FAIRE DES SACS
En Thaïlande, il pouvait courir pendant 12 mois. L'année qui a suivi ses débuts, il a participé à 37 compétitions. Un vrai passionné. « J'aimais courir rapidement mais avec le temps, les distances se sont étirées et la vitesse a diminué, l'ordre naturel des choses, me direz-vous. Graduellement, j'ai eu envie de transformer la course en une aventure et ainsi voyager. »
De ce fait, lors de son récent défi, il a eu l'impression de partir avec cette attitude. « J'aime ça faire des sacs. Par exemple, avec les ennuis que nous traversons présentement, je me suis mis dans la tête de faire un seul sac pour mon périple en Thaïlande », souligne celui qui dit ne pas avoir de domicile fixe.
« Je me nourris du hasard. Je vous dirais même que l'ensemble des coureurs l'ignore mais ils détiennent cet aspect en eux. Bien sûr, il faut de la disponibilité pour l'exploiter, je comprends. Je me suis d'ailleurs patenté un métier pour disposer de liberté. On doit nécessairement y consacrer du temps. Le combat commence alors avec la tête, ça doit devenir une façon de vivre, un mal nécessaire car au moment où tu te dis que tu n'es plus capable, c'est là que tu réalises de belles choses. Si c'était facile, ça m'ennuierait. Quelqu'un m'a dit : Le mal disparait mais la fierté reste ».
Bruno souffre pourtant de certains ennuis physiques. Le bas de son dos est en train de se souder et il n'est pas la personne la plus flexible au monde. « Je dois profiter de ce que mon corps peut me permettre. De plus, je m'entoure de personnes meilleures que moi, qui vont m'inspirer, me pousser. »
Il ne se considère pas un athlète et ne vit pas comme eux car « on se permet de boire des petites bières à l'occasion ! »
Il n'a jamais eu l'ambition de devenir un grand coureur et il n'en sera aucunement frustré.
PAR LÀ
Âgé de 58 ans, il n'accepte pas de voir des gens qui se découragent car à ses yeux, il ne sera jamais trop tard pour accomplir ses rêves les plus fous.
Il raconte que l'idée de départ de son dernier défi était de parcourir un chemin, ne pas traverser une épreuve. Oui, avec certains objectifs mais aucunement en mission. « Je ne pensais pas que les gens allaient nous encourager aussi intensivement. J'ai appris de nombreuses leçons de vie lors de ce trajet et sincèrement, je ferais le tour du monde de cette manière. »
En Thaïlande, à 50 ans, Bruno se souvient qu'il avait décidé de partir pour traverser le pays avec un petit sac, tout simplement par là ! « Le hic, se sont les chiens là-bas, ça devient agaçant, il y en a partout. » Pour résoudre le problème, il est parti en vélo mais reconnait qu'il a moins trippé qu'en courant !
« Tu sais, lorsque je ne pourrai plus courir, je vais marcher pour conserver ce feeling de liberté qui est dur à battre. Lors de ce défi avec Anne (Genest), les gens que nous avons croisés ont senti qu'ils pouvaient réaliser quelque chose pour eux. Moi, je suis passé pour accueillir leurs sourires. Je sais que je n'ai pas encore saisi toute l'ampleur de l'événement. Dorénavant, je ne regarderai plus jamais une carte géographique de la même façon. »
JE RÉPONDS : JE M'INSCRIS
À son retour au Québec, Bruno préparera un automne bien rempli avec Harricana, Charlevoix, le marathon de Granby et d'autres. « On me demande souvent comment je fais pour courir d'aussi longues distances ? Je réponds toujours : Je m'inscris ! »
Il ressent continuellement le besoin de bouger. « Par exemple, tu ne me verras jamais sur une plage, assis sur ma serviette. Il y a de l'eau, je vais nager car je vais filer coupable si je n'en profite pas. Je vais me trouver paresseux et ennuyant. C'est au delà d'un besoin. C'est indissociable, c'est mon identité. »
Il sait qu'il a ouvert des portes pour plusieurs personnes lors de son dernier challenge et « je n'ai pas tiré sur la manche de personne ».
Bruno se préparait pour courir avec Anne et Joan plus tard dans la matinée. « Une belle journée et la montagne est tout près ». Puis, dans l'après-midi, une petite visite chez sa maman dans Chomedey-Laval. Et pour le reste de la journée, la vie s'en chargera.
Un homme qui ne laisse personne indifférent.
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