MONTRÉAL – Le processus de la vente des Alouettes aura été très particulier jusqu’à sa conclusion et il s’annonce tout autant intrigant pour la suite. Après de longs mois de spéculations et de rebondissements, les entrepreneurs ontariens Sid Spiegel et Gary Stern ont acquis l’organisation montréalaise en l’espace de trois semaines.

Fait encore plus inusité, Stern a eu vent que les Alouettes étaient sur le marché en regardant la Coupe Grey, le 24 novembre dernier, dans son sous-sol.

« Je regardais le match, comme tous les ans, dans ma man cave avec quelques proches. On parlait à quel point la LCF était merveilleuse et c’est alors que l’un de mes meilleurs amis, Dale Lastman (le nouveau président du conseil des gouverneurs de la LCF et gouverneur des Argonauts de Toronto), m’a demandé si je savais que les Alouettes étaient à vendre. J’ai répondu non et il a voulu savoir si je voulais m’impliquer. J’ai dit oui si bien que Dale a appelé Randy (Ambrosie, le commissaire de la LCF) et il était dans mon bureau le lendemain et ça s’est concrétisé ensuite », a raconté de manière fascinante Stern, qui espère annoncer l’identité du nouveau président et du nouveau directeur général d’ici vendredi.  

Plusieurs questions surgissent immédiatement sur l’identité de ces nouveaux propriétaires ontariens qui dirigent l’entreprise Crawford Steel (Spiegel en tant que président et fondateur alors que Stern agit à titre de chef de la direction) et ils en sont bien conscients.

« La question à laquelle j’ai dû répondre le plus souvent est celle-ci : en tant qu’Ontarien, comment allez-vous composer avec la langue, les partisans et la barrière culturelle? Ma réponse est simple "Pourquoi ils ne nous accepteraient pas. On a le même but de bâtir une équipe passionnée et gagnante" », a dévoilé Stern qui ne tourne clairement pas autour du pot même s’il n’avait jamais parlé publiquement auparavant.

La logique aurait été de croire que leur intérêt aurait été plus fort envers une formation ontarienne comme les Argonauts de Toronto qui ont été à la recherche de propriétaires il n’y pas longtemps. La réponse de Stern a été savoureuse.

« C’est difficile, mais prenez le tout de la bonne manière. Les Argos sont nuls! Est-ce que je peux dire ça? J’aimerais que Sid soit là pour vous expliquer à quel point ce fut facile de choisir d’acheter les Alouettes », a lancé Stern en précisant que son partenaire, absent en raison d’un souci familial, était un visionnaire.

Il faut aussi savoir que leur entreprise gère deux aciéries en sol québécois (à Longueuil et à Rouyn-Noranda). Stern n’a donc pas été pris à dépourvu quand on lui a demandé sa connaissance de la relation différente que les Québécois entretiennent avec la LCF comparativement au reste du pays.

« Ce n’est pas juste relié à la LCF, c’est vrai dans tous les domaines. On opère des entreprises au Québec et on l'a appris il y a bien longtemps quand on a acheté le tout. Dans la première année, on a procédé à des changements et ça se déroule très bien. La même chose va se produire dans cette équipe. La communauté est fière ici et les gens veulent que l’équipe gagne », a répondu Stern.  

« Les partisans devront apprendre à nous faire confiance et je le comprends parfaitement puisqu’ils ont vécu une période difficile. Mais ils vont y arriver. Je vous le promets, on est sincères dans nos intentions. On va réussir et encore plus vite que les gens peuvent penser », a-t-il ajouté.

De ce qu'on a pu comprendre, le volet financier de ce duo a été très rassurant pour la LCF alors que ce n'était pas le cas pour les quelques acheteurs intéressés par les Alouettes. Ambrosie a même évoqué la somme d'un milliard pour estimer leur valeur. 

« Gary et Sid se distinguent pour certaines raisons. Parmi les autres groupes intéressés, certains devaient trouver des investisseurs pour financer le tout. Un groupe fonctionne quand ça va bien entre les différents partenaires, mais c’est plus difficile quand ça va mal. Eux, ils sont partenaires depuis des décennies et ils n’ont besoin de personne pour financer le tout », a précisé le commissaire. 

Et le français dans tout ça?

Avant même le départ de la famille Wetenhall du portrait, de nombreux fidèles des Alouettes ont manifesté le désir que l’équipe soit détenue par des Québécois qui peuvent s’exprimer en français.

La LCF a rencontré quelques candidats qui répondaient à ce souhait, mais la paire Stern-Spiegel assure qu’elle ne va pas négliger ce facteur. Les deux hommes entendent d’ailleurs passer à l’action rapidement surtout via l’embauche du prochain président qui succèdera à Patrick Boivin qui a été démis de ses fonctions par la LCF.  

« On accorde une grande considération à cet aspect. On a rencontré des francophones et des anglophones. Je vous promets qu’on y accorde une grande importance », a déclaré Stern.

Lorsque la question a été refilée au commissaire Ambrosie par la suite, Stern a jugé qu’il devait ajouter une précision majeure.

« Je peux dire que le prochain président parlera français de manière fluide », a confié Stern.

De son côté, Ambrosie a voulu relater une information révélatrice sur ce sujet.  

« Dès notre première rencontre après la conclusion de la transaction, on est allés à leur bureau et Gary avait déjà entamé des leçons de français avec l’aide d’un tuteur. Ça démontre qu’ils veulent faire les choses de la bonne manière. »

Un président et un directeur général dès cette semaine?

Même si le dévoilement des nouveaux propriétaires a été effectué le 6 janvier, Stern et Spiegel sont déjà à la recherche du nouveau président et du nouveau directeur général depuis la mi-décembre environ.

Voilà pourquoi Stern a promis des annonces imminentes à ce sujet.

« Ce sera deux emplois distincts effectués par deux personnes. Je crois vraiment être en mesure d’annoncer un nouveau président et un nouveau directeur général d’ici vendredi. C’est notre but de le faire maintenant », a-t-il dit.

« La difficulté demeure de déterminer quelle personne engager entre une personne qui s’exprime de manière fluide en français comparativement à la meilleure personne pour ce poste parce qu’on veut vraiment gagner. Selon les personnes rencontrées, on peut remplir tous ces critères », a poursuivi celui qui deviendra le gouverneur des Oiseaux.

Heureusement, Stern entend respecter la logique selon laquelle le président doit approuver la sélection du directeur général. Les prochains jours seront déterminants à ce propos.

« Il me reste une dernière personne à rencontrer et on doit ensuite prendre les décisions sur quel est le meilleur modèle à privilégier », a noté Stern en laissant croire que certains candidats auraient pu camper un rôle ou l’autre.

Pendant sa rencontre avec les médias, Stern a plus d’une fois vanté les mérites de l’entraîneur Khari Jones et il a expliqué qu’il avait sollicité son avis pour compléter l’organigramme du club.

« Il est très impliqué dans le processus, il nous a fourni ses recommandations et je crois qu’on peut finaliser le tout rapidement en lien avec ça », a conclu Stern.

* Mardi, dans un deuxième article, on s’attardera notamment sur le style de gestion prôné par Stern et Spiegel tout en effectuant un retour sur les difficultés rencontrées par la LCF durant ce processus de vente.