Aperçu de l'univers complexe et fascinant des recruteurs des Alouettes
MONTRÉAL – Déjà que le recrutement est un art très complexe, imaginez quand vous devez repérer d'excellents athlètes, mais pas assez bons pour la NFL. Et ça, tout en analysant des calibres aussi différents que la NCAA, la XFL, la USFL et la NFL. Laissez-vous transporter dans l'univers particulier des recruteurs de la LCF.
Chez les Alouettes de Montréal, ce mandat de taille est réparti entre Danny Maciocia, Éric Deslauriers, Jean-Marc Edme, Pier-Yves Lavergne, Byron Archambault et Allyson Sobol.
Au printemps 2022, Maciocia et Archambault, se retrouvent à Dallas pour assister à un camp destiné à des joueurs autonomes. Ils espèrent y trouver une ou deux perles cachées pour joindre les Alouettes.
« C'est l'avenue la moins commune », précise Archambault d'entrée de jeu.
Très souvent, plus de 100 joueurs – et parfois jusqu'à 200 - se présentent à ces essais où une ambiance très compétitive se propage étant donné la rareté des postes à gagner.
Cette journée-là, l'action se déroule dans un dôme entouré de murets de béton. Archambault se souvient d'être côte à côte avec Maciocia quand les confrontations individuelles s'enclenchent entre les receveurs et les demis défensifs.
Ils sont très attentifs quand arrive le tour d'un receveur au physique intéressant.
« Il fait un tracé vers le coin. Mais tout le monde se bat férocement dans ces camps. Et les demis défensifs sont très agressifs, aucun arbitre ne supervise les exercices. Et là, le demi défensif s'accroche au receveur, il le plaque avant même l'arrivée du ballon. Ce serait une punition évidente. Mais le receveur réussit le catch et il arrivait tellement vite qu'il tombe, roule et fonce directement dans le muret. Au point où on a demandé s'il était correct. Il se relève tout de suite, prends le ballon et retourne se placer. Son catch était incroyable et il n'a pas dit un mot », a raconté Archambault en mimant une grande partie de la scène.
« Danny et moi, on se regarde en se disant ‘Ok, il a quelque chose de spécial lui. On a approfondi nos recherches, on a trouvé des images de son parcours universitaire et on a fini par l'embaucher », a-t-il ajouté. Cole Spieker
Ce receveur, c'était Cole Spieker. Celui qui a étonné et épaté bien des partisans des Alouettes lors de son entrée en scène, en fin de saison 2022, après avoir passé l'année avec un salaire réduit sur l'équipe d'entraînement.
« Il a toujours continué de progresser et il trouvait toujours une façon de tirer son épingle du jeu », a vanté Lavergne, le directeur du dépistage national pour les Alouettes qui est notamment responsable de bâtir un top-80 ou top-100 des meilleurs espoirs canadiens en vue du repêchage.
« Cole vient de l'Université Wisconsin-La Crosse, pas Wisconsin. On n'a même pas les vidéos de cette équipe dans nos outils informatiques! », a exposé Archambault donnant une bonne idée de la tâche qui repose sur le département de recrutement.
Car en général, les dépisteurs s'attardent à trouver les meilleurs athlètes partout où ils passent. Mais une couche de complexité s'ajoute au mandat des dépisteurs des équipes de la LCF. Ils doivent oublier les athlètes d'exception et plutôt cerner ceux qui ne s'établiront pas dans la NFL.
« Tu dois chercher les gars qui sont juste pas assez bons pour la NFL, ceux qui obtiendront des essais ou qui sont sur la limite », a noté Archambault qui occupe aussi les fonctions de coordonnateur des unités spéciales et adjoint à l'entraîneur-chef.
Chaque indice devient précieux. À titre d'exemple, les recruteurs des équipes de la NFL peuvent devenir des sources intéressantes pour leur indiquer ceux qui risquent d'être retranchés.
Mais là où ça se complique, c'est quand on ajoute l'évaluation du USports (le réseau universitaire canadien), de la XFL et la USFL. Le défi de devoir ajuster son regard, selon le calibre, peut brouiller l'équation.
« C'est ça, on doit ajuster notre regard en continu et tenter de projeter la suite. Est-ce un gars qui sera en compétition pour être partant dès son arrivée? Est-ce qu'il aura besoin d'un an, mais ça vaut la peine d'investir? », a commenté Archambault.
De plus, pendant que les camps d'entraînement de la LCF se déroulent, les Alouettes doivent épier ce qui se passe chez les autres clubs. Edme, Lavergne et Deslauriers s'occupent de surveiller ce qui se passe de côté.
Byron Archambault« Il y a du pain sur la planche, il y a des vidéos illimitées à regarder. Mais on a une belle gang, on travaille bien ensemble », a confié Archambault alors que le travail s'effectue à 4-5 personnes comparativement à plus d'une vingtaine dans la NFL.
« On aime échanger et débattre sur des candidats potentiels. Ça crée une atmosphère positive. Dans d'autres endroits, quand tu es moins expérimenté, tu n'as pas vraiment droit de parole, tu dois prendre ton trou. Ce n'est pas comme ça ici », a-t-il poursuivi.
En 2023, les responsables du recrutement ont bien hâte de voir l'évolution de trois joueurs trouvés via la voie plus commune, celle des athlètes qui n'ont pas percé après un camp NFL : Mustafa Johnson, Jabari Ellis et Nick Heninger.
La saison dernière, Johnson a fini par devenir partant sur la ligne défensive tandis qu'Ellis a inscrit un touché après avoir bloqué un dégagement contre les Argonauts.
« On est très confiants de les envoyer sur le terrain cette année », a conclu Archambault, fier du boulot accompli par le département du dépistage.