Un rendez-vous raté par Antonio Pipkin
Alouettes mardi, 18 sept. 2018. 15:56 jeudi, 12 déc. 2024. 22:38Je dois commencer ce texte en abordant le rendez-vous manqué d’Antonio Pipkin la semaine dernière contre les Lions de la Colombie-Britannique.
On savait que la laisse était courte en ce qui concernait le quart des Alouettes avec la présence de Johnny Manziel derrière lui. Pipkin méritait ce départ en vertu de ses prestations précédentes et il avait su mener l’équipe à deux victoires. Il aurait également pu conserver son poste malgré la sortie la semaine dernière de Manziel, car jusqu’à preuve du contraire, il était le quart qui offrait les meilleures chances de gagner aux Alouettes. Jusqu’à vendredi dernier du moins, c’était Antonio Pipkin.
Le résultat de ce match vient changer la donne, alors qu’à la lumière des statistiques atroces, des interceptions pour des touchés et des passes imprécises, on est en droit à s’attendre à mieux notamment après une semaine de congé. Malheureusement pour lui, ça n’aura pas du tout été le cas.
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Il est vrai que la ligne à l’attaque n’a pas été à son meilleur, mais on ne peut la pointer du doigt pour tous les sacs du quart qui ont été accordés, alors que la plupart d’entre eux sont survenus parce que Pipkin a gardé le ballon dans ses mains trop longtemps, ne parvenant pas à trouver ses receveurs sur le terrain. On peut aussi donner quelque peu le blâme aux receveurs qui n’ont pas été en mesure de se défaire de leur couverture, mais Pipkin ne leur a pas donné l’occasion également de réaliser les jeux.
Il n’est pas le seul responsable cependant, car le coordonnateur offensif Khari Jones a aussi son mot à dire dans cette défaite. Je ne veux pas le critiquer ouvertement sur son travail depuis le début de la saison, mais cette rencontre devant les Lions se solde par un échec.
Jones était le coordonnateur des Lions la saison dernière et il connaissait donc très bien le coordonnateur défensif de l’équipe adverse, Mark Washington. Le jeu d’échecs a été remporté assez aisément au cours de ce match par le représentant des Lions.
Même s’il est vrai que la défense présentait surtout une couverture homme à homme, où on peut croire que c’est aux receveurs de se libérer, il y a moyen de présenter des stratégies qui permettent de déjouer plus facilement cette tactique défensive. C’est la même chose lorsque la couverture en est une de zone. Il y avait donc des lacunes sur ce point, mais également sur le plan des ajustements en cours de rencontre.
On voyait bien que Pipkin connaissait des difficultés par la passe, plus le match avançait, et les Alouettes ont tout de même abandonné le jeu au sol qui fonctionnait pourtant très bien avec William Stanback. C’est une tendance qu’on peut voir parfois avec un ancien quart au poste de coordonnateur, alors qu’il a le réflexe de mettre de côté la course au profit de la passe, croyant que c’est ce qui va changer la donne. Je suis d’avis que Jones lui-même n’est pas satisfait de son match.
Le prochain défi revient à Manziel et avec les propos qu’il a tenus, il s’est lui-même mis de la pression sur les épaules en voulant ce poste de quart partant. Maintenant que c’est chose faite, il doit passer de la parole aux actes contre les Blue Bombers.
Wentz reprend les rênes de l'attaque
Un autre quart renouera avec l’action, cette fois dans la NFL, alors que Carson Wentz va effectuer son premier départ de la saison la semaine prochaine pour les Eagles de Philadelphie.
L’étoile de Nick Foles a rapidement pâli depuis la conquête du Super Bowl. Il avait connu des éliminatoires du tonnerre, complétant 73 % de ses passes avec six passes de touché contre une interception et il avait ponctué le tout avec le titre du joueur par excellence lors du match ultime. Cependant, c’est le Nick Foles que nous avons connu en décembre dernier qui a entamé la présente campagne. Lorsqu’il a pris la relève à Wentz l’an dernier, ses premiers départs ont été difficiles, mais il a su surprendre en éliminatoires.
Malgré sa blessure, Wentz avait été l’une des grandes raisons derrière le titre de section des Eagles. Ils avaient d’ailleurs mis la main sur ce dernier le jour même où leur quart partant est tombé au combat contre les Rams de Los Angeles grâce à une fiche de 11-2.
On dit souvent que les bons quarts vont savoir quoi faire lorsque les jeux sont présents, mais que les grands quarts sont ceux qui vont trouver une solution lorsque les choses ne vont pas bien. C’est ce que Wentz peut offrir de différent. Contre les Buccaneers, les Eagles ont perdu coup sur coup leur bloqueur à gauche Jason Peters, le demi-offensif Jay Ajayi et le receveur Mike Wallace qui était une menace dans les zones profondes. Tout d’un coup, on aurait dit que la chaîne avait débarqué et Foles ne savait plus quoi faire. Wentz a les outils pour pallier ce genre de perte alors qu’il est mobile et créatif ce qui lui permet de corriger beaucoup de lacunes que l’équipe affiche présentement.
On espère donc pour lui qu’il saura revenir en force et que son retour n’a pas été précipité par les contre-performances de son équipe.
L'empreinte de Milanovic avec Bortles
Toujours au sujet des quarts, je ne peux passer sous silence le match de Blake Bortles contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre. On sait que l’identité des Jaguars de Jacksonville repose sur sa défense qui figure selon moi dans le top-3 de la NFL. Ils ont l’une des clés pour connaître du succès dans le football professionnel alors qu’ils possèdent les éléments pour être efficaces avec une pression à quatre joueurs. Le coordonnateur n’a pas besoin d’avoir recours à des blitz à outrance ce qui fait en sorte qu’il peut garder sept joueurs pour la couverture des receveurs.
On ajoute à cette pression à quatre ce qu’on appelle des shutdown corners, des joueurs qui sont capables d’éliminer de l’équation les meilleurs receveurs adverses. C’est ce que possèdent les Jaguars avec Jalen Ramsey et A. J. Bouye. L’unité dispose également de secondeurs très rapides, comme Telvin Smith, ce qui explique pourquoi elle est redoutable depuis quelques années. Le gros problème, c’était que souvent, le jeu du quart-arrière ne suivait pas.
Dimanche dernier, Bortle s’est presque donné des allures de Tom Brady. À sa cinquième année, on le voit effectuer des jeux qu’on n’avait pas vus depuis longtemps. La transformation a commencé dans son cas en décembre dernier. On se souvient que c’est ce qui a aidé son équipe à se rendre jusqu’en finale d’Association et ultimement de décrocher un nouveau contrat de trois saisons. Plusieurs pensaient que les Jaguars allaient tenter de se tourner vers un autre quart, car c’est ce qui semblait être la pièce manquante au casse-tête. Bortles a donc été phénoménal et il a bénéficié de l’aide de ses receveurs, dont celle de Keelan Cole avec son attrapé spectaculaire à une seule main et Dede Westbrook, joueur de deuxième année qui a été un choix de quatrième tour de l’Université Oklahoma. Les joueurs autour de lui commencent donc à produire.
Je veux prendre soin de souligner que son entraîneur des quarts est Scott Milanovich. Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, il était l’ancien coordonnateur à l’attaque des Alouettes et entraîneur-chef des Argonauts de Toronto. Depuis deux ans il est l’entraîneur de Blake Bortles. On lui reprochait beaucoup par le passé son jeu de pieds et sa motion pour lancer le ballon. On semble avoir corrigé en grande partie cette problématique et je pense qu’il faut donner du crédit à Milanovich.
Ce qu’on voyait il y a deux ans alors qu’il était imprécis sur le terrain, on ne le voit presque plus et il semble avoir gagné en confiance et réciproquement, avoir obtenu celle de ses coéquipiers. Si Bortles offre des prestations similaires à celle contre les Patriots, les Jaguars sont de loin les favoris dans l’Association américaine.
Une décision curieuse de Davis
Évidemment, je ne pouvais passer sous silence cette semaine l’histoire de Vontae Davis des Bills de Buffalo. Je n’ai jamais vu pareille situation où un joueur décide d’abandonner en cours de partie et qu’il annonce sa retraite durant le match. Cette décision est sans aucun doute très curieuse. Il a publié un long message expliquant son choix alors qu’il disait ne pas bien se sentir et qu’il ne pouvait plus suivre physiquement.
Une chose est certaine cependant, il a exposé par le fait même ses coéquipiers en prenant cette décision. Lorsqu’un joueur quitte, certains joueurs sont obligés d’en prendre plus sur leurs épaules et ils voient leur temps de jeu augmenter ainsi que le risque de blessure. Il n’y a pas que ce facteur, alors qu’il vient affecter également le concept d’équipe qui est prioritaire au football. Davis a laissé tomber tout le monde. Il aurait dû prendre cette décision avant ou après le match, mais jamais pendant celui-ci. C’est à mon avis un manque de respect de sa part.
Cette position est ma première lorsque vient le temps d’analyser ce qui s’est produit, mais je n’ai pas le choix d'énoncer une deuxième hypothèse en avançant qu’il y a peut-être quelque chose qui cloche sur le plan de la santé mentale. Si tel est le cas, j’espère qu’il sera en mesure d’aller chercher de l’aide, car c’est plus alors que de ne simplement plus avoir envie de jouer au football. De poser un geste aussi drastique et inusité, c’est du jamais vu et c’est ce qui me laisse croire qu’il y a anguille sous roche. Si cette hypothèse se révèle véridique et que Davis a des soucis d’ordre psychologique, j’espère qu’il saura demander et aller chercher de l’aide.
J’ai d’ailleurs aimé ce que l’entraîneur-chef Sean McDermott et le coordonnateur défensif Leslie Frazier ont dit à la suite de cet incident alors qu’ils ont mentionné qu’ils ne voulaient pas s’y attarder, qu’ils voulaient aller de l’avant et qu’ils souhaitaient la meilleure des chances pour la suite. C’était très positif et ils ne lui ont pas jeté la pierre et c’est ce qui me laisse croire qu’il y a plus d’éléments derrière cette décision.
Au final, Davis, c’est 10 saisons professionnelles, deux Pro Bowl, trois équipes (Dolphins, Colts et Bills), 113 départs, 22 interceptions, 106 passes rabattues et 357 plaqués, mais malheureusement tout ce dont on va se souvenir de lui c’est qu’il a pris sa retraite en plein match.
Une transformation devenue trop importante
Le dernier point que je souhaite aborder avec vous cette semaine concerne les nombreux ratés chez les botteurs lors de la dernière fin de semaine. C’est difficile à comprendre alors que les bottés étaient pour la plupart dans des conditions faciles, surtout qu'en début de saison il y a peu d’intempéries. Plusieurs évoluaient même à l’intérieur pour l’occasion. Pour une raison ou une autre, la chaîne débarque et des placements sont ratés.
Pour cette facette, je suis d’accord qu’il n’y a rien à changer et qu’il faut la conserver, mais je veux me pencher sur les transformations d’un seul point après les touchés. Il y a quelques années, la ligue a décidé de reculer ce botté afin de rendre ce jeu plus important, mais il est justement trop important.
On demande à des personnes de bâtir des stratégies durant des mois, ensuite des joueurs doivent l’exécuter tout en se sacrifiant avec de violents contacts pour éventuellement inscrire six points, mais après on demande essentiellement à un joueur de soccer de placer un ballon entre les poteaux alors qu’il y a souvent peu de pression. Je ne veux pas manquer de respect à ceux qui pratiquent ce sport, mais vous comprenez l’image. Ce jeu a souvent un impact significatif sur la dynamique du match lorsque c’est raté même s’il est souvent effectué avec peu de pression provenant de l’équipe adverse. Il y a trop d’importance d'accordé à mon avis à ce jeu qui me paraît éloigné du football.
Deux solutions se présentent d’après moi. Soit que la NFL revienne à l’ancienne formule où l’équipe peut botter pour son point, mais à une plus courte distance ou opter pour une transformation de deux-points ou tout simplement d’éliminer son long placement d’après-touché.
Je sais que ça ne se discute pas en ce moment dans la NFL et que ce n’est pas un enjeu, mais je le suggère. La transformation actuelle est lourde de conséquences lorsqu’elle est ratée pour toute l’équipe. La ligue s’attendait peut-être à ce que plus de formations optent pour une transformation de deux points en pareille circonstance, mais ce n’est pas ce qui se produit. La NFL a donc atteint son objectif alors que l’enjeu autour d’une transformation d’un point est plus crucial, mais à mon avis c’est trop et ce n’était pas le point à cibler.
*Propos recueillis par Maxime Tousignant