Le Québec à la bataille de Chattanooga
MONTRÉAL – En temps normal, Jérémy St-Hilaire et Maxence LeBlanc auraient sans doute passé ce samedi de novembre ensemble. Ils auraient regardé le match de la fin de semaine entre les Wolverines de Michigan et les Buckeyes d'Ohio State, future équipe de LeBlanc. Ils auraient gardé un œil sur la Coupe Vanier. Ils auraient jasé. Ils seraient peut-être allés manger au resto...
La vie normale de deux chums de 18 ans pourchassant leur rêve au Tennessee.
« Non, pas cette semaine », rectifiait St-Hilaire le week-end dernier lors d'un entretien avec le RDS.ca. « Moi j'ai décidé que je ne parlais pas aux gars de Baylor. Je me suis séparé d'eux pour deux semaines. Je vais leur parler qu'après la game. »
« La game », c'est le duel que toute la ville de Chattanooga attend et espère depuis le début de la saison. C'est la finale d'État entre le Blue Tornado de McCallie et les Red Raiders de Baylor, voisins et rivaux de toujours dans le football de niveau High School au Tennessee.
Et c'est aussi le dernier face-à-face.
Ce soir, pour la troisième et ultime fois depuis que leurs chemins se sont séparés en 2022 à leur sortie du vestiaire des Dynamiques du Collège Charles-Lemoyne, St-Hilaire et LeBlanc participeront dans des camps opposés à l'écriture du chapitre le plus historique à ce jour d'une rivalité plus que centenaire.
St-Hilaire, un imposant quart-arrière au bras canon engagé envers les Commodores de l'Université Vanderbilt dans la NCAA, a pour tâche avec ses coéquipiers de ramener le Blue Tornado au sommet avec la conquête d'un quatrième titre en cinq ans.
Jérémy St-Hilaire
LeBlanc, un ailier rapproché qui se produira sous peu sur l'une des plus grandes scènes du football universitaire américain à Ohio State, est quant à lui l'une des vedettes des Red Raiders, les champions en titre, qui comptent aussi un futur receveur du Crimson Tide de l'Université d'Alabama, Amari Jefferson, dans leur formation.
« C'est tough, c'est contre lui quand même », reconnaissait récemment LeBlanc à l'idée de disputer le titre à St-Hilaire, le quart avec qui il a pleuré une défaite par un seul point au Bol d'Or de 2021 avec les Dynamiques.
« Il ne faut pas que je prenne trop son côté », s'est cependant rapidement ressaisi LeBlanc, tout en concédant qu'il a à cœur les succès de son ancien frère d'armes. « C'est excitant de le voir jouer. Il a très bien fait lors de sa dernière game et je suis vraiment content pour lui. J'ai hâte de voir ce qu'il va faire jeudi. »
Il n'est pas seul. Au Finley Stadium, une enceinte de plus de 20 000 sièges qui sert de domicile aux Mocs de l'Université du Tennessee à Chattanooga dans la NCAA, les bancs inoccupés risquent de se faire rares.
« Il paraît que les billets sont tous vendus. Ça va être quelque chose », anticipe LeBlanc.
« Ça va être la plus grosse game que la ville n'a jamais vue », renchérit St-Hilaire.
Des partisans des Red Raiders et du Blue Tornado.
« Merci! Merci! »
On ne peut reprocher aux deux Québécois de s'emballer. Car si la confrontation est à la hauteur de la plus récente entre les deux équipes, aucun spectateur ne repartira sur sa faim.
Le 29 septembre dernier, à l'occasion de l'unique match de saison régulière entre les deux antagonistes, l'avance a changé de mains à cinq reprises, McCallie ayant le dernier mot 34-31 dans les dernières minutes du match. Une bombe de 80 verges de St-Hilaire a alors trouvé les mains du receveur Enrique James Leclair, l'un des 13 joueurs du Blue Tornado originaires du Québec.
« Ç'a fait du bien, on a pris notre revanche de l'année passée. Mais là, cette game-là, elle ne vaut plus rien. C'est celle de [ce soir] dont le monde va se souvenir. »
« C'est ça depuis les cinq dernières années, poursuit St-Hilaire. On est deux très bonnes équipes, les deux meilleures dans l'État en ce moment. La game de cette semaine, ça va se finir par la peau des fesses. »
En 2022, ce sont les Red Raiders qui ont pu se proclamer rois de Chattanooga, remportant 31-27 le rendez-vous annuel, au grand soulagement de leurs fidèles.
« Quand on a gagné ce match, ça faisait sept ans que Baylor perdait contre McCallie, note LeBlanc. Pour moi, c'était une game comme une autre. Je n'avais pas réalisé à quel point c'était important pour eux. Mais quand on a gagné, toute l'école s'est mise à courir sur le terrain. Il y avait du monde qui pleurait devant moi et qui me disait : "Merci! Merci!” »
Maxence LeBlanc
Deux mois plus tard, les Red Raiders remportaient un premier championnat d'État en 49 ans, pendant que leurs voisins établis à une quinzaine de kilomètres de l'autre côté de la Rivière Tennessee ruminaient un cruel revers encaissé deux semaines plus tôt en demi-finale. Une conversion de deux points réussie de plus, et qui sait si les Bleus n'auraient pas eu l'opportunité de remporter un quatrième titre consécutif? Aux dépens de l'ennemi juré en plus.
Inutile de ressasser le passé, philosophe cependant St-Hilaire. La confrontation rêvée, elle aura finalement lieu ce soir au centre-ville de Chattanooga. Pour la première fois de l'histoire, les deux institutions seront opposées en finale.
« Pour la dernière game de mon année senior, c'est idéal », approuve St-Hilaire, dont le vis-à-vis Whit Muschamp, le quart de Baylor, sera son futur coéquipier chez les Commodores et est actuellement le co-chambreur de... LeBlanc .
« Ça va être ma plus grosse game à vie. »
Gagne ou perd, St-Hilaire aura un partisan, un ami dans le camp ennemi. Une épaule sur laquelle être consolé, ou encore un chum à réconforter.
« Je me trouve chanceux, ça rajoute juste un peu à notre rivalité et à notre amitié aussi. Ça va ajouter quelque chose à la game, la rendre encore plus grosse. »
Maxence LeBlanc (à gauche) et Jérémy St-Hilaire (au centre)