Laurent Duvernay-Tardif revit la remontée des Chiefs au Super Bowl
LAS VEGAS – Il y a déjà quatre ans, lors du Super Bowl LIV, alors que les Chiefs de Kansas City tiraient de l'arrière en deuxième demie, Laurent Duvernay-Tardif se souvient qu'Andy Reid a cru en son équipe en accélérant le tempo offensif pour renverser les 49ers de San Francisco.
Puisque les deux équipes se retrouvent à Las Vegas pour le Super Bowl LVIII, on pourrait dire que Reid a misé sur Patrick Mahomes et son attaque.
Duvernay-Tardif a accepté, avec une grande générosité, de revisiter les grands moments de cette soirée unique. Cette soirée qui allait faire de lui un champion du Super Bowl.
Pourtant, lorsque les Niners ont pris les devants 20-10 au troisième quart, la bague de championnat semblait glisser entre les gros doigts de Duvernay-Tardif et de ses coéquipiers.
« Le match a vraiment changé par la suite, on a eu à embarquer dans une approche avec des caucus plus courts et accélérer notre cadence pour changer l'allure de la partie. Coach Reid a voulu fatiguer la défense adverse. C'est exigeant pour les deux équipes de jouer vite, mais le plan a fonctionné et (Patrick) Mahomes a pu compléter des jeux importants comme le fameux troisième essai à Tyreek Hill », s'est souvenu LDT en conversation avec le RDS.ca.
« Tout le monde dans le stade savait qu'on allait passer, mais il fallait réussir nos blocs et donner des fractions de seconde de plus à Pat pour qu'il puisse compléter ses passes », a-t-il ajouté.
Ce changement de rythme a propulsé les Chiefs qui ont inscrit 21 points, sans réplique, pour l'emporter 31-20 à Miami.
« L'approche a fonctionné et c'était très euphorisant! L'équipe adverse était épuisée et ça donne de l'énergie de sentir cet élan », a noté le Québécois qui savoure sa retraite alors que plusieurs anciens coéquipiers et adversaires croiseront de nouveau le fer, dimanche, pour soulever le trophée Vince Lombardi.
Cette allégresse de la victoire, Duvernay-Tardif continuait d'y croire même quand son équipe vacillait offensivement et qu'il a écopé d'une punition au dernier quart.
« Je me rappelle très bien ce qui est arrivé. On était sur une cadence que le jeu démarrait à la première couleur prononcée par Mahomes. Et là, Pat a juste dit ‘Watch this number' et ça sonnait très semblable à white. Dans un stade, tu n'entends pas chaque mot ou petit son, tu entends plus la rythmique et c'est un peu le danger de ces cadences. J'ai écopé de la punition, mais on a été plusieurs à bouger sur ce mot. C'était la seule journée de l'année que j'ai été puni pour hors-jeu », a décrit le garde à droite.
Mais cette punition en premier essai n'était pas catastrophique, les Chiefs étaient déjà en mission pour renverser la vapeur.
« Je me rappelle, tu sens fatigué, tu regardes la zone des buts et elle semble loin! Mais il fallait se rendre là-bas, alors c'était : let's go », a-t-il décrit.
Duvernay-Tardif s'est accroché à cet objectif en dépit d'un claquage, assez important, subi au mollet droit dès le deuxième quart.
Laurent Duvernay-Tardif« C'était sur une course du côté droit, j'ai pilé sur le pied de quelqu'un ce qui a étiré mon mollet. Je jouais contre un adversaire (DeForest Buckner et parfois Arik Armstead) très talentueux et explosif. Dans une carrière, tu apprends à jouer blessé, mais quand ça se produit au Super Bowl et que tu sais que tu n'es pas à 100%, ça peut rapidement t'affecter mentalement », a-t-il reconnu.
Alors oubliez les pensées pour le spectacle de la demie, Duvernay-Tardif a plutôt eu droit à des traitements durant la pause. Au retour sur le terrain, il fallait oublier les sentiments vécus en première demie alors que les Niners s'étaient emparés de l'avance 3-0.
« Je me souviens avoir vécu un petit moment du style ‘Voyons, qu'est-ce qui se passe, ça ne ressemble pas à ça habituellement'. Il a fallu s'ajuster le plus vite possible alors que, normalement, c'était plus l'adversaire qui s'adaptait à ce qu'on faisait », a-t-il cerné.
Durant le match, lorsque les choses allaient moins bien, Duvernay-Tardif a puisé de l'inspiration au Québec.
« À un certain moment, durant la semaine en amont du Super Bowl, il a fallu que je déconnecte mon téléphone. Au Québec, il y avait tellement de célébrations et d'engouement pour le Super Bowl et le fait que j'y participais, je pense. Je me souviens donc m'être dit qu'on ne pouvait pas le laisser filer. Qui va se rappeler de l'équipe perdante? Ça sonne parfois exagéré, mais c'était un moment qui allait définir le reste de ma vie d'athlète », a-t-il noté.
« Les gens ne se rendent pas compte à quel point tu vas puiser loin dans tes ressources pendant un match. Tu ne veux pas relaxer d'un 5% sur un jeu parce que tu ne sais jamais quand ton adversaire va exploser devant toi », a ajouté LDT.
Témoin de l'émergence du phénomène Mahomes
Naturellement, Duvernay-Tardif ressent des émotions à l'approche de cette reprise, quatre ans plus tard. Il identifie rapidement un clé de la confrontation.
« Ce sera crucial de donner du temps à Mahomes surtout avec une poignée de receveurs moins expérimentés que dans certaines éditions ; ce sera essentiel », a-t-il ciblé alors que les Niners misent sur les Nick Bosa, Arik Armstead, Chase Young et compagnie.
« Mon Dieu, ils ont vraiment un accent d'ajouter toujours des monstres athlétiques », a lâché LDT.
Lors de l'hymne national, il se souviendra des frissons inégalables et du fait qu'il était anxieux que le match commence enfin.
Mais il se considère surtout privilégié d'avoir été témoin de l'émergence du phénomène Mahomes.
« Il a eu la chance d'apprendre le livre de jeux sous Alex Smith qui est un excellent pédagogue. L'année suivante, en présaison, on voyait déjà qu'il avait quelque chose de spécial, il avait une aisance à jouer, une confiance et une audace à tenter certains jeux », s'est remémoré Duvernay-Tardif.
« Je me rappelle les premières fois quand il donnait les jeux offensifs dans le caucus, ça varie de 12 à 15 mots, et il faisait des erreurs. Mais il voulait tellement bien faire, être le meilleur dans chaque aspect de son jeu. Aujourd'hui, on voit comment il a bâti son style et son leadership. C'est hallucinant! », a-t-il conclu.
Et pour la petite histoire, on se souvient aussi que, quelques jours avant le match, Duvernay-Tardif avait eu à répondre à une question sur la COVID-19. Après avoir hésité, il avait fourni une réponse de médecin sans que personne ne puisse se douter que le monde serait paralysé un mois plus tard.
Ce dimanche, Duvernay-Tardif vivra des émotions positives alors qu'il appréciera ce grand match en dégustant le trio du Super Bowl offert dans ses boulangeries Le Pain dans les Voiles en plus de célébrer son 33e anniversaire.