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25 ans d'émotions : Focus, l'histoire de David-Alexandre Beauregard

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Vous pourrez voir le reportage de la série 25 ANS D'ÉMOTIONS : Focus – L'histoire de David-Alexandre Beauregard, le jeudi 29 juin à 19 h sur RDS et RDS.ca.

Le vendredi 17 janvier 1992, la Ligue de hockey junior majeur du Québec adoptait un changement dans ses règlements officiels : les visières complètes obligatoires sont remplacées par les visières trois-quarts et les protecteurs buccaux. L'année suivante, David-Alexandre Beauregard faisait ses débuts dans la LHJMQ…

« Mon ainé est David-Alexandre. Dès l'âge de trois ans, on pouvait se lancer la balle comme si on lançait avec un adulte. On dirait qu'il est tombé dedans quand il né. C'est aussi simple que ça », amorce son père André.

Dès ses premières années sur les patinoires de Montréal, Beauregard marque des buts. Il n'avait qu'une mission en tête, mettre la rondelle dans le filet adverse. Après de remarquables saisons dans le hockey mineur, David-Alexandre est sélectionné en quatrième ronde du repêchage de la LHJMQ par le Laser de Saint-Hyacinthe.

Avec beaucoup de recrues, à l'image de l'entraîneur-chef Richard Martel, les attentes de l'équipe sont peu élevées. Immédiatement, il se démarque par son attitude et son éthique de travail, mais surtout pour ses qualités de hockeyeur.

Un soir, devant des dépisteurs de la LNH, il marque quatre buts contre un certain José Théodore. Après le match, deux recruteurs des Sharks de San Jose approchent le jeune homme. Le 29 juin suivant, la formation californienne réclame le Montréalais avec la 271e sélection.

16 octobre 1994

Après le repêchage, les Sharks appellent son agent, Paul Corbeil, et demandent la présence de David-Alexandre au camp d'été dans les jours qui suivaient.

« Le lendemain, je quittais pour Brainerd au Minnesota. C'est là que le camp des recrues des Sharks se faisait. Les Sharks m'ont envoyé dans un camp qui allait changer ma carrière », se remémore le principal intéressé.

« Tu sais, Brainerd, personne ne va là. Il a fait écarquiller les yeux à tout le monde, à tous les dirigeants des Sharks de San Jose, dont l'entraîneur, Kevin Constantine », ajoute son paternel.

Voué à un avenir prometteur et maintenant dans les plans des Sharks de San Jose, Beauregard revient avec le Laser pour sa deuxième saison dans la LHJMQ. Il débute la saison avec 12 buts en 15 matchs, mais sa vie changera à tout jamais le soir du 16 octobre 1994.

 « J'étais là, le 16 octobre, j'étais là, amorce en sanglot son père. C'est toujours difficile. Je le revis très souvent. C'était le dernier match que je devais aller voir, car j'avais obtenu un contrat à l'extérieur pour Hydro-Québec. David joue bien. Je le vois partir en échappée, je le vois feinter le gardien de but, puis je vois son poursuivant qui tente de lui lever le bâton et le frappe à l'œil. »

Beauregard marquera le but égalisateur pour faire 6 à 6 pour ensuite choir sur la patinoire, les mains au visage.

Le verdict tombe. Le jeune homme de 18 ans a subi un trauma perforant et malgré les tentatives des médecins, il ne retrouvera jamais la vue de l'œil gauche.

La règle Trushinski

Au moment de subir cette blessure, tout portait à croire que David-Alexandre allait signer son premier contrat professionnel dans les semaines suivantes, mais sa nouvelle condition vient contrecarrer les plans. Est-ce que légalement, un joueur peut jouer dans la Ligue nationale avec un seul œil ?

« Donc, la règle 12.7. Un joueur qui n'a qu'un œil ou dont un des yeux possède une vision de seulement 3/60 ou moins, ne sera pas éligible pour jouer avec un Club Membre », explique l'auteur et chercheur sur le hockey, Jean-Patrice Martel. C'est ce qu'on appelle la règle Trushinski.

Mais ce qui s'applique à la LNH ne s'applique pas partout. Raynald Beauregard, alors gérant d'équipement pour le Laser, croise David-Alexandre dans les couloirs de l'hôpital, étendu sur une civière, en route pour son opération. « La première chose qu'il me dit : Ray, je vais rejouer. »

« Wooow !, s'exclame son entraîneur Richard Martel. Attends un peu David. On va retomber sur la terre. C'est ce que je me disais dans ma tête. Mais je l'ai regardé et j'ai dit : ah ouin… »

« C'est sa vie. J'ai essayé de le dissuader, mais plus fort qu'il ne le faut. Je sais combien c'est important le hockey pour lui dans sa vie. Il y en a plein qui lui ont déconseillé de le faire, mais tu ne peux pas enlever la passion d'une personne sur un acte qui est arrivé en dehors de sa volonté. En tant que père, je n'étais pas prêt à ce qu'il mette un gros x sur sa passion. Pas la carrière, ça je m'en fout, mais sur sa passion et ça, c'est le hockey. »

Il est de retour sur la glace pour l'entraînement quelques jours plus tard. « Je prenais des tirs sur les gardiens, mais j'étais le plus pourri. Je fonçais dans les bandes, je pensais recevoir la rondelle sur ma palette, mais elle passait trois pieds devant mois. Je n'avais aucun repère. Quand j'avais la rondelle j'étais correct, la vue en trois dimensions et la perception, je ne l'avais pas. »

Après un peu plus de deux mois d'entraînement l'équipe commence à se demander si c'est possible de le refaire jouer. La LHJMQ monte un comité pour en discuter et Beauregard obtient finalement le feu vert pour revenir au jeu. C'est 89 jours après son incident qu'il fait son retour, le 13 janvier 1995. Il marque alors un but contre les Foreurs de Val-d'Or.

« Je voulais juste essayer, pour ne pas avoir de remords plus tard et me dire que j'aurais dû essayer. »

Une carrière malgré tout

Même avec sa blessure, il reste un joueur d'exception, bien au-delà de la moyenne. Il se retrouve trois fois dans le prestigieux Sports Illustrated. Il est sélectionné par Moncton dans le repêchage d'expansion de 1995. Meilleur pointeur aux Fêtes, il est vendu à Hull en cours de saison et terminera la saison avec 40 buts en 56 matchs.

Après sa troisième saison, il est invité à nouveau par les Sharks même en sachant qu'il ne pourra jamais jouer dans la LNH. Beauregard se joint néanmoins au club-école de San Jose, le Thoroughblades du Kentucky dans la Ligue américaine puis avec le Thunder de Wichita dans la Ligue centrale, où il marquera 71 points en 57 matchs à sa première saison chez les professionnels.

David-Alexandre roulera sa bosse dans les circuits inférieurs et en Europe, mais malgré la perte de son œil, il marquera des buts à profusion partout où il passera. C'est en 2013 qu'il accroche ses patins après avoir remporté les trois coupes de la saison avec les Panthers de Nottingham en Angleterre.

« À 37 ans, j'avais atteint tout ce que je voulais. Ma passion était toujours là, mais tu te rends compte qu'il est peut-être temps de passer le flambeau. »

Aujourd'hui, David-Alexandre Beauregard est représentant sur la route pour Sleeman. Est-ce qu'il aurait atteint la Ligue nationale ? Est-ce qu'il y aurait connu du succès ? Personne ne peut répondre à ces questions avec certitude.

« Aujourd'hui, tu me demanderais ce que c'est de perdre un œil. Je te dirais que ce n'est absolument rien. Au hockey, c'est énorme. J'ai probablement perdu une carrière meilleure que celle que j'ai eue. Par contre, j'ai eu le privilège que ça fonctionne. »