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2022 : année de reconnaissance pour le hockey féminin

Ann-Renée Desbiens et Marie-Philip Poulin - PC
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COLLABORATION SPÉCIALE

 

Le jeudi midi, il y a du patinage libre à l'Auditorium de Verdun, au sud-ouest de Montréal. Une vingtaine de personnes en profitent, sans se douter que la meilleure joueuse de hockey au monde s'entraîne juste à côté.

 

Il faut traverser un corridor pour accéder à la patinoire Denis-Savard. Marie-Philip Poulin est là, en compagnie des gardiennes de but Ann-Renée Desbiens et Emerance Maschmeyer, et de l'attaquante Rosalie Demers. Les trois premières brillent au sein de l'équipe canadienne de hockey féminin, alors que la dernière espère y faire sa place.

 

Les quatre athlètes sont membres de l'Association des joueuses de hockey professionnelles (PWHPA). Elles exécutent dans la bonne humeur les directives de l'entraîneuse Stéphanie Poirier, qui oeuvre aussi comme assistante derrière le banc des Carabins de l'Université de Montréal. Ce regroupement élite est possible grâce au Centre 21.02, le projet de Danièle Sauvageau qui a vu le jour en 2019.

 

« C'est la maison du hockey féminin au Québec et au Canada », me lance l'ex-entraîneuse de l'équipe nationale en s'assoyant dans les gradins déserts. « Notre rôle, c'est d'entraîner des joueuses de hockey et tenter de leur donner un service professionnel. Parce qu'elles le méritent. »

 

C'est particulièrement vrai après l'année faste qu'a connu le hockey féminin au pays : 2022 a sonné le retour de la médaille d'or olympique dans le giron canadien, après l'avoir perdue aux mains des Américaines quatre ans auparavant. Danièle Sauvageau s'enflamme en se rappelant les performances des Canadiennes qui ont connu un tournoi parfait, jusqu'à la victoire finale de 3-2 face aux États-Unis. Tout ça, dans un contexte pandémique qui a compliqué la préparation des athlètes.

 

« Elles devaient jouer le match de leur vie et elles l'ont fait », résume-t-elle.

 

À ses yeux, 2022 fait partie des points tournants dans le développement du hockey féminin au Canada, au même titre que les Jeux olympiques de Salt Lake City, en 2002, où elle a dirigé l'équipe nationale jusqu'à la première médaille d'or de son histoire.

 

« Vingt ans après, 2022 c'est le premier gros plateau de reconnaissance. Les amoureux du hockey de près ou de loin disent que c'est un niveau qu'ils veulent voir plus souvent. »

 

Le succès est d'autant plus immense en comparaison avec la déconfiture de l'équipe masculine éliminée par la Suède en quart de finale. Malgré la différence de financement entre les deux programmes, ce sont les femmes qui ont été louangées de toutes parts. Elles en ont remis au mois de septembre en étant couronnées championnes du monde au Danemark.

 

2022 : l'année de Marie-Philip Poulin

 

Les succès de l'équipe nationale sont directement liés à ceux de la capitaine Marie- Philip Poulin. À 31 ans, « Capitaine Clutch » enchaîne les grandes performances et les buts décisifs, sans jamais montrer de signe de ralentissement.

« En marquant les buts gagnants aux Jeux de 2010, 2014 et 2022, et dans deux championnats du monde en 14 mois, son nom vient marquer l'imaginaire même pour ceux qui ne l'ont jamais vu jouer », constate Danièle Sauvageau qui la côtoie depuis près de 15 ans.

 

La Beauceronne a ajouté une corde à son arc en étant embauchée par les Canadiens de Montréal à titre de consultante au développement des joueurs. Rien de surprenant pour son ancienne entraîneuse : « C'est un joyau national et je pense qu'il faut s'en occuper ».

 

Bâtir la pyramide

 

La suite de la carrière de Marie-Philip Poulin passera par la mise sur pied de la ligue chapeautée par l'Association des joueuses de hockey professionnelles qui devrait voir le jour en 2023. Les olympiennes attendent ce moment de pied ferme.

 

Cette entité évoluera parallèlement avec la Premier Hockey Federation (PHF) dont fait partie la Force de Montréal depuis l'automne dernier. L'équipe a aussi ses quartiers au Centre 21.02 et son arrivée est une grande étape dans la croissance du hockey féminin.

 

Danièle Sauvageau décrit l'évolution du sport comme une pyramide, dont la base est le hockey mineur et le sommet l'équipe nationale. La Force est l'équivalent de l'avant-dernier échelon, un peu comme la Ligue américaine l'est pour la Ligue nationale.

 

En cette saison de Ciné-cadeau, pensez à Astérix et Cléopâtre, lorsque les Gaulois se perdent dans la pyramide où ils ont été enfermés. Impossible que cela survienne dans la structure actuelle du hockey féminin. Personne n'a besoin d'Idéfix pour s'en sortir. Il manque encore trop de murs et d'étages.

 

La clef est simple : du financement et des ressources supplémentaires à tous les niveaux. Les instances politiques ont un rôle à jouer, tout comme Hockey Québec et Hockey Canada.

 

Hockey Canada : retrouver le formulaire A38

 

La crise de confiance qui sévit au sein de Hockey Canada a fortement ébranlé Danièle Sauvageau, qui milite pour son sport depuis quatre décennies.

 

« J'ai dû écrire sur une feuille de papier la fierté que j'ai de faire du hockey féminin. La fierté que j'ai de représenter mon pays. Je ne me rappelais plus pourquoi je faisais ça. »

 

Il y a bien sûr la gestion des cas d'agressions sexuelles qui la trouble, mais aussi l'ampleur des fonds qui ont été débloqués pour régler différentes poursuites, dont celle reliée aux événements de 2018 à London. Des millions qui auraient pu servir à la cause du hockey féminin.

 

« L'incohérence de tout ça vient me fâcher au plus profond de mes valeurs parce qu'on arrache des bandes pour donner des services au féminin et gagner des médailles d'or », dit-elle en rappelant du même souffle l'importance de financer le hockey universitaire pour éviter que les meilleures joueuses ne s'exilent aux États-Unis.

 

Comme Astérix et Obélix dans la maison des fous, Hockey Canada s'est perdu dans sa mission, notamment en dépensant des sommes astronomiques auprès des futurs hockeyeurs professionnels déjà fortement commandités. Le hockey féminin est peut- être l'équivalent du formulaire A38, soit la solution pour rebâtir la crédibilité de la fédération nationale.

 

Danièle Sauvageau n'a même pas besoin de réfléchir lorsque je lui demande son souhait pour 2023. Elle espère que d'autres centres comme le 21.02 voient le jour à travers le pays. Ce n'est pas de la potion magique, mais ce serait drôlement efficace pour assurer le développement de nos athlètes.