Comment Oliver Kapanen est-il sorti de l'ombre en 2e moitié de saison 2023-2024?
L'ère Trevor Timmins est désormais bien loin dans le rétroviseur des partisans des Canadiens.
Longtemps directeur du recrutement amateur pour le CH, puis adjoint au directeur général Marc Bergevin avant que les deux ne soient remerciés durant le grand ménage de novembre 2021, Timmins n'a jamais fait l'unanimité – façon diplomatique de l'écrire – au sein du bassin passionné de supporters du Tricolore.
Au fil des cuvées de repêchage, l'incapacité de Timmins (et du personnel dont il s'était entouré) à bien cerner le talent dans les ligues scandinaves aura certainement été l'un de ses points faibles. Les noms de Sebastian Collberg, Lukas Vejdemo, Jacob de la Rose, Joni Ikonen, Jacob Olofsson – bientôt celui de Mattias Norlinder? –, tous des choix de deuxième ou de troisième ronde, ont sombré dans l'oubli. Et c'est sans parler du gâchis qu'aura été le passage de trois ans de Jesperi Kotkaniemi...
Sans faire grand bruit jusqu'à tout récemment, le centre finlandais Oliver Kapanen est toutefois sur la bonne voie pour s'imposer comme l'une des belles prises du dernier encan de la LNH qu'a connu le régime Bergevin à Montréal.
Un pivot droitier dans un moule similaire à celui d'Owen Beck, Kapanen s'était vu apposer l'étiquette classique de « projet » lorsque le CH l'a réclamé au 64e rang.
Déjà l'an dernier, ceux qui l'avaient eu à l'œil durant son année de 19 ans avec KalPa, en SM-Liiga, avaient aperçu des signes évidents de progression dans son jeu d'ensemble. Du rôle de quatrième centre en début de calendrier 2022-2023, le brio défensif de Kapanen s'était révélé indispensable pour son club dans le dernier droit, et même si la production offensive n'était pas éclatante, il n'était pas rare de le voir frôler les 20 minutes de temps de glace comme attaquant face à des hommes.
Le boulot abattu en tant que capitaine de son pays dans les Maritimes au Mondial junior des moins de 20 ans laissait entrevoir que les hauts dirigeants finlandais avaient identifié eux aussi un centre capable d'impacter le jeu de plus d'une façon.
L'été 2023 avait été synonyme de service militaire obligatoire pour le jeune Kapanen. Naturellement, il avait dû renoncer au traditionnel camp de développement des recrues. Autrement dit, une chance de moins de constater de visu les gains engrangés.
Puis, il y a eu un pas vers l'avant dans l'aspect offensif du jeu en 2023-2024, même si l'inconstance de sa production pouvait laisser songeur en première moitié. Après 43 matchs de saison régulière, les 27 points à sa fiche avaient été amassés lors de 16 parties seulement.
À partir du mois de mars 2024, son apport s'est avéré bien plus constant, au moment où KalPa en avait bien besoin. Il a noirci la feuille de pointage dans une majorité de matchs pour conclure la saison, avant d'être une bougie d'allumage offensive en séries, comme en témoignent ses 14 points (7-7) en 13 rencontres aux côtés de Juuso Maenpaa et Matya Kantner, les deux meilleurs pointeurs de l'équipe.
Certes, la famille Kapanen a très bonne réputation en Finlande lorsqu'il s'agit de hockey. Ça ne peut pas nuire d'être le neveu de Sami, le cousin de Kasperi et le fils de Kimmo, DG d'une équipe de la SHL.
Mais ce n'est pas ce qui a permis à Oliver d'avoir l'opportunité de briller le mois dernier au Championnat du monde disputé en Tchéquie, durant lequel il s'est élevé au 1er rang de la colonne des buteurs de son pays, avec 6 réussites en 8 parties. Sa sélection au sein du groupe dirigé par Jukka Julonen avait tout à voir avec la qualité de son rendement en deuxième moitié de saison.
Cet échantillon sur la scène internationale a mis à l'avant-plan la ténacité de Kapanen en échec-avant, sa volonté de converger vers le filet adverse et la rapidité de ses mains - d'une part avec ses nombreuses déviations réussies pour des buts, et d'autre part dans le cercle des mises en jeu.
La SHL comme prochain défi
Le 9 mai dernier, la formation de Timra – la ville dans laquelle il est né – en Ligue élite de Suède annonçait une entente de deux saisons octroyée à Kapanen, confirmant une rumeur qui se voulait persistante.
Un calibre plus relevé comme prochain défi, soit. Il n'en demeure pas moins que la nouvelle en a déjoué quelques-uns, qui croyaient que le Rocket de Laval allait être sa prochaine destination.
Avec le club de Timra, Kapanen évoluera dans un circuit où la vitesse d'exécution est supérieure à celle de la SM-Liiga – et comparable à celle de la LAH – sans qu'il ait à s'ajuster simultanément à des dimensions de patinoire plus petites.
Sa mise sous contrat en Suède prend aussi un sens différent lorsque l'on considère que le directeur général de Timra est nul autre que le père d'Oliver, Kimmo Kapanen. En toute franchise, qui de mieux que le paternel dans ce cas précis pour juger de la prochaine marche à prendre en vue d'une carrière réussie?
Durant le Mondial junior, en janvier dernier, Kent Hughes avait rencontré une première fois l'agent de Kapanen, à Helsinki. Il avait alors été convenu que la discussion reprendrait au début de l'été relativement à un contrat d'entrée.
Si cette première entente avec le CH est paraphée durant l'entre-saison qui s'amorce – Montréal a ses droits de négociations jusqu'au 1er juin 2025 –, Kapanen pourrait se présenter à son premier camp professionnel à l'automne, et qui sait ce qui adviendrait de lui à ce moment?
Le dénouement le plus plausible (celui où Kapanen retournerait en SHL à la fin septembre) serait parfaitement acceptable aussi, sachant que le Rocket a le mandat d'incorporer plusieurs joueurs d'avant de première année en 2024-2025, notamment Owen Beck, Filip Mesar, Florian Xhekaj et Luke Tuch.
Au cours des deux dernières campagnes, le coup de patin de Kapanen est passé d'une faiblesse notable à un niveau tout à fait convenable afin de tirer son épingle du jeu face aux meilleurs au monde. Ses habiletés offensives ont aussi pris une tangente vers le haut.
Au point de pouvoir évoluer au sein d'un top-6 dans la LNH, demanderez-vous?
Vraisemblablement, ce sera plutôt une place au sein d'un troisième trio qui l'attend. Kapanen possède un certain niveau de créativité, manie bien la rondelle, se montre assez polyvalent pour évoluer au sein des unités spéciales et peut alimenter adéquatement ses partenaires, sans qu'on puisse projeter à ce point-ci que ce sera une dimension importante de son jeu.
Pensez, à titre d'exemple, à l'apport de Colton Sissons aux Predators de Nashville, dans le genre de centre droitier capable de remplir divers mandats. Sissons est un facilitateur, son intelligence du jeu étant assez élevée pour qu'on l'emploie avec des ailiers au profil surtout offensif.
En d'autres mots, Kapanen ne générera pas beaucoup d'offensive en débordant la défense adverse avec rapidité ou en s'imposant comme une grande menace en contre-attaque. C'est à proximité du filet adverse que ses qualités rejaillaissent le plus... ce qui n'est pas un désaveu pour autant.
Martin St-Louis aura toujours un faible pour les hockeyeurs qui sont en mesure non seulement de faire des choix judicieux en possession de rondelle, et encore pour ceux qui font carrément « LE » meilleur choix plus souvent qu'autrement. À ce chapitre, Oliver Kapanen risque de s'attirer la sympathie de « MSL », même si ce dernier doit patienter jusqu'en 2025 ou davantage pour le voir de ses propres yeux.
Le CH mise-t-il sur quelques centres semblables parmi ses joueurs sous contrat au moment d'écrire ces lignes? Oui, c'est indéniable. Christian Dvorak, Jake Evans et Beck préconisent tous un style s'apparentant à celui du Finlandais.
Mais au moment où Kapanen sera réellement en mesure de contribuer activement aux succès des Canadiens, cette hiérarchie risque fort bien d'avoir été chamboulée.