En attendant Demidov... et les séries!
MONTRÉAL – « En attendant Godot » ça vous dit quelque chose?
Ça devrait! Car il se cache un brin de Vladimir et Estragon – les deux personnages principaux de cette célèbre pièce de théâtre à la fois philosophique, comique et tragique rédigée par Samuel Beckett – dans tout partisan du Canadien.
Car comme tout bon partisan du Tricolore, Vladimir et Estragon passent la pièce à attendre Godot et les jours meilleurs qu'il devrait amener dans son gros sac d'équipement.
Vous aurez compris que l'allusion au hockey et à la poche d'équipement ne vient pas de Samuel Beckett. Surtout qu'à l'époque où Beckett a pondu ce chef-d'œuvre, à l'aube des années 50, le Canadien soulevait la coupe Stanley ou atteignait la grande finale plus souvent qu'il ne ratait les séries.
Mais bon!
Dans « En attendant Godot », Vladimir et Estragon attendent sans trop vraiment savoir ce qu'ils attendent. Et ils attendent en vain, car Godot, dont ils n'ont jamais vu le visage et ne connaissent rien de rien, ne viendra jamais les rejoindre. En fait, ils l'attendent toujours!
Les partisans du Canadien sont plus chanceux. Ils connaissent déjà tout ou presque de leur Godot venu de la Russie. Ils savent qu'il existe. Qu'il est là. Qu'il est prêt à venir concrétiser les jours meilleurs qu'ils attendent depuis très longtemps.
Je ne sais pas pour vous : mais quand j'ai vu le visage souriant et les yeux pétillants d'Ivan Demidov assis à la droite de son nouveau grand patron Jeff Gorton dans les hauteurs du Scotia Bank Arena, samedi soir, j'ai cru percevoir la confiance qui l'habite.
Un œil sur son téléphone cellulaire, l'autre sur l'action qui se déroulait sur la patinoire, le petit gars semblait se dire qu'il y avait non seulement une place de choix qui l'attendait au sein de la formation, mais qu'il serait rapidement en mesure d'aider cette équipe à donner aux partisans les jours meilleurs qu'ils n'en finissent plus d'attendre.
Est-ce que l'attente prendra fin lundi alors que le « Sauveur » disputera son premier match en carrière dans l'uniforme du Canadien contre le sauveur des Blackhawks, Connor Bedard, qui fera son escale annuelle au Centre Bell avec ses coéquipiers?
Plus chanceux que Vladimir et Estragon, les partisans du Tricolore auront leur réponse dans quelques heures.
Et qui sait : d'ici là, Demidov et ses nouveaux coéquipiers seront peut-être déjà officiellement en séries.
Car si les Blue Jackets n'échappent qu'un seul point dimanche soir à Washington – les Caps voudront venger la dégelée de 7-0 encaissée à Columbus samedi après-midi – ils iront rejoindre les Rangers, les Islanders, et les Red Wings et les autres équipes éliminées dans l'Est.
De bêtement battu à bien battu...
Le Canadien aurait pu régler tout ça samedi soir à Toronto. Il n'y est pas arrivé.
Sauf qu'au lieu de se laisser battre comme il l'avait bêtement fait vendredi, à Ottawa, le Canadien s'est bien battu, face aux Leafs.
Vous me direz que le résultat a été le même... ou à peu près, car le Tricolore a perdu.
Mais à l'aube de la première ronde qui l'opposera aux Capitals de Washington dans sept ou huit jours, la troupe de Martin St-Louis peut tirer plusieurs aspects positifs du revers de 1-0 encaissé en prolongation.
Il devra également tirer des leçons des quelques aspects négatifs qui ont marqué le match.
Ce match chaudement disputé, et pas seulement au chapitre du score final, a donné un bon avant-goût au Tricolore et à ses partisans de ce qui les attendra en séries.
Ça fait tellement longtemps qu'ils n'y ont pas goûté qu'ils avaient peut-être un brin oublié...
C'était intense sur la patinoire. Il fallait se battre avec vigueur pour défendre sa position, pour récupérer les rondelles libres, pour trouver une façon de percer la défensive adverse.
Menés par Kaiden Guhle, qui redevient le roc qu'il était à la ligne bleue avant d'être blessé, les joueurs du Canadien ont tenu tête à ceux des Leafs. Des Leafs qui affichent plus de hargne à l'aube des séries qu'ils en affichaient au fil des dernières années.
Comme si le directeur général Brad Treleving et les membres de son état-major avaient réalisé que les Brandon Tanev, les Scott Laughton, les Brandon Carlo ont bien plus à offrir que les Ryan Reaves de ce monde.
Il était temps. Mais bon! Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Le Canadien s'est donc bien battu. Et dès le début du match pour une rare fois depuis deux semaines. Je sais, le chiffre des tirs au but ne le démontrait pas vraiment alors que les Leafs ont dominé le Tricolore 10-2 au premier tiers.
Mais attention! Le Canadien a quand même décoché plus de tirs que les Leafs au premier tiers samedi. De fait, il en a décoché un de plus que ses adversaires (57 - 56) au fil des 60 minutes de temps réglementaire. Mais le Canadien a échoué là où les Leafs ont réussi : il a été incapable d'atteindre la cible (15 tirs cadrés) alors que les Leafs ont mis Jakub Dobes à l'épreuve 34 fois en temps réglementaire et une fois en prolongation, sur le tir qui a mené au seul but de la rencontre.
Unités spéciales
Dobes et les spécialistes du désavantage numérique ont très bien fait. Ils ont blanchi les canons des Leafs en huit minutes d'attaque massive, dont 71 secondes passées à trois contre cinq.
Vrai que les Leafs ont obtenu 12 tirs lors de ces huit supériorités numériques, mais les Savard, Matheson, Armia et Evans – les quatre plus utilisés – ont grandement aidé leur gardien à avoir le dernier mot.
Du travail solide. Ce qui est encourageant, car le Canadien croisera une attaque massive de premier plan en première ronde alors que les Capitals frappent pour 23,5 % et affichent une efficacité de près de 25 % à la maison.
Parlant d'attaque massive, celle du Canadien est en pause en ce moment.
Le Canadien n'a pas marqué en deux occasions samedi. Il a bien fait lors de la première. Mais il a patiné dans le sable lors de la deuxième.
En séries, alors que le jeu sera beaucoup plus serré et que les arbitres seront moins généreux dans la distribution d'attaques à cinq, il faudra impérativement maximiser les occasions obtenues.
Le Canadien a les éléments pour réussir avec les passes savantes de Lane Hutson, la vision de Nick Suzuki, les tirs de grande qualité de Patrik Laine et Cole Caufield et qui sait, de la contribution d'Ivan Demidov.
Mais il faudra recommencer à marquer. Ce que le Canadien n'a fait que deux fois lors de ses 26 dernières attaques massives obtenues au fil des 12 derniers matchs.
Le Canadien aura une belle occasion de retrouver sa confiance contre les pauvres Blackhawks lundi. Il pourra ensuite s'offrir un test sérieux contre les Hurricanes qui sont bien plus étanches en défensives. À moins que les « Canes » décident de se reposer lors du dernier match de la saison qui n'aura aucune signification.
Mais peu importe, il faut que l'attaque à cinq du Tricolore redevienne massive et ne reste pas passive si le Canadien entend faire bonne figure en séries.
Oui je sais. Il n'est pas encore en séries. Mais comme pour Ivan Demidov, l'attente achève. Même Vladimir et Estragon en conviendraient...