Un fiasco pour Price, un cauchemar pour le CH
MONTRÉAL - Réglons un grand principe tout de suite : je suis contre les armes à feu.
Chaque anniversaire de la folie meurtrière du 6 décembre 1989, alors que 14 jeunes universitaires brillantes qui visaient à bâtir un monde meilleur par le biais de l'ingénierie sont mortes sous les balles tirées par un misogyne aussi fou que frustré, renforce ma position sur le sujet.
Les tueries de Concordia, de Dawson, les fusillades qui éclatent trop souvent aux quatre coins d'une ville qui n'a pourtant rien d'une ville du « Far West » et les centaines de tueries de masse qui se succèdent si souvent aux États-Unis que plusieurs ne font même plus l'objet de nouvelles renforcent tout autant ma position sur le sujet.
Une position que j'ai le droit de défendre comme tous ceux et celles qui la partagent.
Campé sur des positions diamétralement opposées, Carey Price avait aussi pleinement le droit de défendre son point de vue. Comme tous ceux et celles qui utilisent des armes avec intelligence et précision lorsqu'ils vont à la chasse ou dans un champ de tir.
Des honnêtes citoyens qui encaisseront, c'est un fait, les conséquences d'une loi rendue nécessaire par la surmultiplication d'utilisation criminelle des armes à feu. Par les tragiques conséquences que ces utilisations criminelles amènent malheureusement trop souvent.
L'ennui pour Carey Price, c'est qu'il a très mal préparé son coup.
Au lieu de présenter un point de vue qu'il a le droit d'avoir et de défendre, au lieu d'expliquer pourquoi lui et tous ceux et celles qui respectent les règles méritent de conserver le droit de posséder une et même des armes et de les utiliser de manière tout à fait légale, Carey Price s'est rendu responsable d'un fiasco médiatique.
Un fiasco qui mine son image. Un fiasco qui viendra le hanter chaque fois que son nom se retrouvera au centre de discussions sur son héritage.
Un fiasco qui s'est traduit en véritable cauchemar pour le Canadien de Montréal qui est toujours associé à Carey Price à qui il verse un salaire de 7,75 millions $ cette année. À qui il versera 23,5 millions $ au fil des trois prochaines années.
Sans oublier que le Canadien est associé pour toujours à Carey Price alors qu'on se demande déjà s'il mérite que son chandail numéro 31 soit hissé au plafond du Centre Bell avec ceux des Patrick Roy, Jacques Plante, Ken Dryden et autres immortels du Canadien de Montréal.
Qu'on se demande s'il a sa place au Temple de la renommée du hockey.
Le Canadien de Montréal s'est excusé publiquement en soirée lundi même s'il n'avait rien à voir avec la sortie publique de son ancien gardien étoile.
Ces excuses étaient nécessaires.
Comme il était nécessaire de prendre une part active dans le 33e anniversaire de la tuerie de Polytechnique en effectuant un don dans le cadre de la campagne rose blanche visant à envoyer 14 jeunes femmes venant de milieux défavorisés dans un camp d'été scientifique dont les activités sont orchestrées par la Polytechique.
Il est clair que plusieurs personnes outrées par la sortie de Price minimiseront l'implication du Canadien. Que certains y verront même, et dénonceront sans doute, une forme d'opportunisme.
D'où l'utilisation du mot cauchemar pour qualifier la situation dans laquelle l'organisation se trouve à cause de son gardien. Une organisation qui sera blâmée en marge de ses tentatives de panser les plaies et qui l'aurait été plus encore si elle s'était simplement détachée des propos de son gardien.
Un fiasco qui aurait facilement pu être évité
Ce fiasco dans lequel il patauge depuis dimanche et dans lequel il pourrait s'enliser plus encore au fil des prochains jours, ce cauchemar qu'il fait vivre aux dirigeants du Canadien, Carey Price aurait facilement pu les éviter.
Si Price avait fait appel à des spécialistes en communication, ils l'auraient rapidement convaincu qu'à quelques jours du 33e anniversaire de la tragédie de Polytechnique, le moment ne pouvait être plus mal choisi pour effectuer une sortie comme celle qu'il a faite en fin de semaine dernière par le biais de son compte Instagram.
Ils l'auraient tout aussi rapidement convaincu d'éviter d'associer son nom à un organisme comme la Coalition canadienne pour le droit des armes à feu qui a repoussé les limites de l'indécence en invitant ses membres à utiliser le code « POLY » pour profiter de spéciaux sur les produits en vente sur son site internet.
Ils lui auraient rappelé, ou appris puisque Carey Price a imploré l'ignorance du sujet lundi, l'ampleur de la pire tragédie de l'histoire de la ville où il vit et est adulé depuis plus de 15 ans.
Il ne l'a pas fait.
Cette omission le place dans une fâcheuse position.
Non seulement vient-il de dégringoler dans l'estime de bien des partisans du Canadien, mais il sera dorénavant associé à l'image très souvent négative accolée aux défenseurs des armes à feu. Et ce, même si Price, comme la très grande majorité des chasseurs, des fermiers et des autres adeptes des armes qu'ils utilisent à bon escient, n'ont rien à voir avec ces images de miliciens prêts à partir en guerre au nom des armes et de leur liberté de les utiliser.
Ne jamais oublier
Carey Price n'est pas un monstre. Loin de là.
Ceux et celles qui, comme moi, l'ont côtoyé ne serait-ce qu'un peu depuis qu'il est débarqué à Montréal peuvent témoigner de plusieurs rencontres avec des jeunes qu'il a épaulés alors qu'ils et qu'elles traversaient des épreuves difficiles.
Et pour chaque rencontre remarquée, on peut certainement en compter des dizaines, peut-être même des centaines, multipliées dans la discrétion la plus complète.
Rappelons-nous aussi que Price a dénoncé avec beaucoup plus de doigté et d'efficacité les horreurs associées au traitement des jeunes autochtones qui ont eu beaucoup moins de chance que lui. Des atrocités que des communautés religieuses et de grands pans de la société ont tenté de cacher et faisant disparaître les victimes dans des fosses communes.
Malgré tout ce qu'il a fait de bien et de bon dans le passé, sa sortie et son association – il s'est détaché de la Coalition lundi – à une coalition dont la stratégie de marketing donne mal au cœur l'obligeront à prendre des moyens concrets pour faire contrepoids à l'image qu'il a dépeinte de lui ce week-end.
Cela dit, le fait que Carey Price puisse plaider l'ignorance des événements du 6 décembre 1989 et qu'on puisse même être prêt à reconnaître qu'il dit vrai, démontre à quel point il est essentiel de souligner, encore aujourd'hui, le triste anniversaire de la tuerie de la Polytechnique.
Cela démontre aussi à quel point il faudra continuer de le faire pour s'assurer que la mémoire des 14 victimes d'un misogyne frustré qui avait à sa disposition une arme d'assaut qui n'aurait jamais dû être à sa disposition ne s'étiole au point de croire que le contrôle des armes à feu n'est pas nécessaire.
Ne serait-ce que pour démontrer à quel point il est important de se rappeler et qu'il est plus essentiel encore d'informer ceux et celles qui étaient trop jeunes en 1989 pour se rappeler aujourd'hui, on pourra tirer au moins un aspect positif à la sortie de Carey Price.