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Jeffrey Viel : le rôle qui lui collera toujours à la peau

Jeffrey Viel Jeffrey Viel - Getty
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LAVAL – Que ça soit dit, question de boucler la boucle : Jeffrey Viel ne savait pas non plus qui était Luke Tuch.

L'attaquant québécois et l'espoir du Canadien en sont venus aux coups dans le premier match de la saison du Rocket. Le duel était inégal. Viel a écopé de 499 minutes de pénalité en quatre saisons dans la LHJMQ et 704 autres en six saisons et des poussières chez les professionnels. Il a près d'une cinquantaine de combats à son actif. Il a déjà eu le courage d'inviter Zdeno Chara au centre de l'arène. Tuch sort quant à lui des rangs universitaires américains, où les combats sont interdits.

Le collègue Mikaël Filion a bien décrit les conséquences de cet affrontement sur Tuch, qui en a été quitte pour quelques cicatrices. Vendredi matin, Viel a offert sa version des faits à quelques heures du début d'un programme double entre le Rocket et les Bruins de Providence.

« C'est sûr qu'une recrue, normalement, j'aime un peu moins ça, convenait Viel dans les coulisses de la Place Bell.  Je ne le savais pas que c'était une recrue, je l'ai su par après. Mais mon devoir premier, peu importe, c'est de défendre mes coéquipiers. S'il frappe un de mes coéquipiers, je vais au moins aller le voir. Il n'est pas obligé de dire oui ou non, je ne forcerai jamais personne à se battre, mais ça fait partie de mon travail. »

Les confidences de Tuch ont mis en relief l'enviable réputation que Viel s'est bâti dans la Ligue américaine.

Que ça soit pendant ses cinq saisons dans l'organisation des Sharks de San Jose ou son bref passage avec le club-école des Jets de Winnipeg, l'ancien capitaine du Titan d'Acadie-Bathurst fait partie d'une espèce en voie d'extinction. Il y a deux ans, il a été l'un des trois joueurs de la LAH à marquer 15 buts tout en amassant 150 minutes de pénalité. La saison dernière, il a été l'auteur de 17 buts tout en passant 142 minutes au cachot. En 2021-2022, sa saison la plus occupée dans la Ligue nationale, il a livré huit combats et écopé de 114 minutes de pénalité en 34 matchs avec les Sharks.

Bref, il n'a pas froid aux yeux et sait mettre un peu de couleur autour de ceux des adversaires qui veulent bien le défier. Tuch l'a appris à ses dépens.  

Ce rôle peut être foncièrement ingrat. Ses impacts potentiels sur la santé mentale et physique d'un athlète sont de mieux en mieux documentés. Mais Viel a toujours senti qu'il lui collait à la peau et à 27 ans, il ne lui est jamais passé par la tête de changer son identité.

Quand on lui demande s'il lui est plus difficile qu'avant de se « crinquer » pour un match au cours duquel il sait que son corps paiera le prix, son rire et son regard semblent demander en chœur à son interlocuteur comment a-t-il bien pu penser à une question aussi idiote.

« Non, pas vraiment, répond celui qui compte déjà trois combats cette saison. J'ai toujours aimé ça. C'est sûr que si t'as ce rôle-là et que t'es pas confortable là-dedans, c'est peut-être un peu plus dur. Mais moi j'ai toujours été vraiment confortable là-dedans. J'ai toujours aimé ça. Alors non, c'est pas plus dur que les autres années. »

Même air désinvolte quand on lui parle des conséquences à long terme des bagarres sur le cerveau.

« On a fait beaucoup de travail en limitant à neuf le nombre maximal de combats par année. Ce n'est plus les bagarres des années 1970 ou 1980 non plus, quand les gars n'avaient plus de casque et faisait juste frapper. Je te dirais que dans 70% ou 80% de mes combats, je ne reçois pas un seul coup de poing. Peut-être que c'est parce que je sais comment me défendre! Mais je pense qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait là-dessus. C'est bon d'être conscient des risques, mais c'est pas quelque chose qui me stresse. »

L'été dernier, dès le 1er juillet, Viel a signé un contrat de deux ans - à deux volets pour la présente saison et à un volet pour la campagne 20252-2026 - avec les Bruins de Boston. D'une certaine façon, la décision peut surprendre. Les joueurs comme lui, qui ont encore espoir de toucher à la LNH, choisissent souvent une offre d'une organisation aux effectifs plus modestes qui peut leur offrir un chemin moins sinueux vers le grand club.

Mais quand on y pense deux fois, l'union est logique, naturelle.

« Il y a quand même plusieurs équipes qui s'étaient montrées intéressées. J'ai choisi de venir ici parce que la culture des Bruins, ça reflète quand même pas mal mon style de jeu, explique l'ancien champion de la coupe Memorial. T'sais, je le sais qu'ils ont une bonne équipe, ils ont beaucoup de profondeur. Mais je me disais que des gars comme moi, ils n'en ont pas tant que ça. »

Les Bruins ont un début de saison désastreux, avec seulement quatre victoires en onze matchs. Peut-être, qui sait, qu'un leader teigneux comme Viel pourrait être invité à injecter un peu d'énergie dans un vestiaire en quête de réponses.

En attendant, il se concentre sur ses tâches avec le club-école. Ses idées doivent être claires. En fin de semaine, un joueur du Rocket pourrait être tenté de lui faire comprendre qu'il a franchi une limite en s'en prenant à une recrue en début de saison.

« Je suis toujours prêt! », s'exclame-t-il, insouciant, à la mention de ce scénario.