Une chance que Denis Hainault a quitté la profession d'entraîneur
Hockey mercredi, 11 nov. 2020. 09:00 mercredi, 11 nov. 2020. 10:59RDS.ca vous présente des Montréalais qui sont méconnus du grand public, mais qui occupent des postes importants dans le monde du hockey ou qui se démarquent par leur parcours singulier. Le portrait d'aujourd'hui : Denis Hainault.
MONTRÉAL – Imaginons que Mario Lemieux était né deux ans plus tôt. En tant qu’entraîneur des Voisins de Laval, Denis Hainault aurait pu miser sur ce phénomène, en 1979-1980, lors de sa seule année derrière un banc de la LHJMQ. Sa saison aurait été couronnée de succès et Hainault ne serait pas probablement pas devenu un gestionnaire dont l’expertise est reconnue jusqu’en Australie tout en passant par la Russie et le Japon.
« Disons que j’ai eu passablement de succès en tant qu’entraîneur au hockey mineur, mais ça n’a pas été la même histoire par la suite », a rigolé Hainault, un intervenant qui pourrait raconter des histoires passionnantes pendant des heures.
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Avec une fiche de 13-52-7 aux commandes des Voisins, Hainault a donc cru bon de réorienter ses plans de carrière. Ce fut une décision judicieuse qui l’a mené à une multitude de postes importants dans la sphère du hockey et des Jeux olympiques.
Le grand manitou du tournoi de hockey et des sports de glace aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, c’était lui. Pour les JO de Sotchi en 2014, l’expert en gestion pour le hockey et les installations sportives, c’était également lui.
Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, son parcours a tout pour fasciner. Le grand tremplin dans son curriculum vitae a été accompli avec Hockey Canada quand il a hérité du poste de directeur de la Haute performance de 1991 à 2005. Sans être un grand voyageur à l’époque, il était attiré par le volet international de ce rôle.
Comme il le dit lui-même, Hockey Canada n’était qu’un petit groupe d’une trentaine de personnes à l’époque. Ainsi, les responsabilités se sont empilées sur son bureau à une vitesse fascinante. Il était loin de s’en plaindre, mais cette liste publiée sur son profil Linkedin donne le vertige !
« Environ deux à trois mois après mon entrée en poste, le président de Hockey Canada, Murray Costello est arrivé dans une réunion de tous les employés. Il a mentionné qu’un nouveau tournoi estival de hockey U18 commençait au Japon et il a dit ‘Denis, you gonna take the lead’. C’était un gros défi ! », s’est rappelé Hainault à propos du moment qui a déclenché bien des développements.
« Mon anglais est très mauvais à cette époque. Je mentirais si je disais que Hockey Canada m’avait engagé parce que je parlais anglais, c’était plutôt parce que je parlais français », a admis, en riant, l’homme originaire de Montréal-Nord qui s’est rendu au Japon au Tournoi des 4 nations pour encadrer la formation canadienne qui misait sur Paul Kariya, comme joueur, et Jos Canale, comme entraîneur adjoint.
La structure de Hockey Canada s’est particulièrement élargie à partir de 2002, mais Hainault devait démontrer une grande débrouillardise avant cela. Ceci dit, il n’a jamais pensé quitter le bateau pour cette raison.
« On avait des ressources assez limitées et parfois des budgets limités. Beaucoup de défis imposants se sont présentés au fil des ans et je n’ai pas passé Noël avec ma famille pendant au moins 10 ans de suite. Mais j’étais toujours très motivé par mon travail. C’était gratifiant», a convenu Hainault qui, par exemple, multipliait les journées de 18 heures de travail pendant la préparation et la tenue du Championnat mondial junior.
En tant que gestionnaire d’équipe, les problèmes à régler aboutissaient aussi entre ses mains. Ça ne paraît pas toujours à la télévision, mais ça peut chauffer au sein d’une équipe bâtie pour un tournoi.
« Parfois, ça peut devenir compliqué. Je me souviens d’une année, sans nommer personne, durant laquelle j’ai dû faire l’intermédiaire entre un entraîneur-chef et un adjoint. Oui, ça arrive. Ce n’était pas tragique, ils n’étaient pas à couteaux tirés, mais ils avaient des opinions divergentes et je devais faire l’équilibre entre les deux », a-t-il reconnu lorsque de forts tempéraments sont impliqués.
Si on résume très rapidement, il a donc porté, de 1991 à 2005, les chapeaux de gestionnaire de l’équipe nationale masculine olympique à Nagano et Salt Lake City, de neuf éditions du Championnat mondial junior et de huit présentations du Championnat mondial senior. Il a également supervisé le volet féminin de 1997 à 2002.
JO de Vancouver, le rôle le plus satisfaisant
Son rôle s’est accru pour le cycle olympique de 2002. Pas étonnant qu’il soit devenu le candidat tout indiqué pour organiser le tournoi de hockey des JO de Vancouver en 2010. Il a entamé ce mandat en 2005, mais on lui a rapidement ajouté les responsabilités des quatre autres sports de glace (patinage artistique, patinage de vitesse courte et longue piste, curling) en plus du poste de gestionnaire des installations pour le hockey.
Petite parenthèse pour rigoler, l’auteur de ces lignes croyait qu’il n’avait pas beaucoup dormi à Vancouver en s’occupant de la rédaction des résumés de presque la totalité des matchs de hockey, mais c’était du gâteau comparativement à Hainault.
« L’expérience a été absolument fantastique. J’ai encore été chanceux de pouvoir progresser dans l’organisation. Je devais coordonner les différentes fonctions pour former un groupe homogène. Le défi était intéressant parce que ces groupes ont parfois des objectifs différents. Certains veulent vendre plus de billets tandis que les télédiffuseurs désirent plus de sièges pour leurs commentateurs par exemple. C’est une expérience intéressante de devoir intégrer tout le monde », a-t-il expliqué.
« Professionnellement, ce fut probablement l’emploi ou le rôle le plus satisfaisant en termes d’accomplissement », a ajouté Hainault.
Le gestionnaire de 63 ans n’insiste pas trop sur ses immenses responsabilités, mais il souligne que c’était du jamais vu de présenter trois matchs de hockey par jour, pendant 10 jours d’affilée, avec des foules de près de 16 000 spectateurs par rencontre.
« Je pourrais parler pendant des heures de ce mandat et des situations survenues », a reconnu Hainault qui a eu à trouver des solutions littéralement 24 heures par jour pendant la période de sept jours qui a servi à aménager l’aréna des Canucks pour les besoins des Jeux olympiques.
Quand on insiste, il se souvient aussi du casse-tête des tables des télédiffuseurs. Leur disposition avait été planifiée deux ans à l’avance pour limiter les répercussions sur la vue des spectateurs dans les gradins. La construction a été problématique si bien que de 500 à 600 sièges offraient désormais une vue obstruée. Pas évident de satisfaire tout le monde !
Rien de mieux qu’une expérience de vie à l’étranger
C’est bien connu, la Russie de Vladimir Poutine n’a pas lésiné sur les moyens pour orchestrer les Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Ça en dit long quand on apprend que le choix des dirigeants s’est arrêté sur Hainault pour embaucher et encadrer les gestionnaires des installations sportives tout en étant conseiller du tournoi de hockey.
L’aventure était trop attirante pour refuser. Hainault a déménagé en Russie pendant plus de deux ans avec sa femme pour ce poste dépaysant. Si le travail se déroulait majoritairement en anglais, il a appris à se débrouiller en russe malgré la complexité de cette langue.
« Beaucoup de gens me disaient, comment vous avez fait pour vivre en Russie pendant plus de deux ans? Ce n’était pas difficile. La vie à Moscou, c’était super intéressant. En Russie, la vie continue à évoluer depuis 1991 quand ils ont arrêté le système communisme. Plus de 20 ans plus tard, ça continuait de changer », a-t-il exposé avant d’enchaîner avec son conseil le plus senti.
« Je recommande à n’importe qui d’aller vivre dans un autre pays si l’occasion se présente. C’est une éducation incroyable. Montréal, le Québec et le Canada, c’est fantastique, mais les découvertes que tu fais quand tu vas vivre pendant un certain temps dans un pays! », a mentionné Hainault.
Malgré les 45 minutes de l’entrevue, on aimerait en discuter bien plus longtemps avec lui surtout quand il enchaîne avec cette réponse.
« Sur le plan professionnel, c’était plus difficile parce qu’ils ont des valeurs différentes. Leur expérience de vie n’est pas la même », a témoigné l’interlocuteur.
COVID-19 : est-ce que le temps arrangera les choses ?
Comme dernier mandat, Hainault a collaboré aux Jeux du Commonwealth en Australie en 2018. Bref, il a fait le tour de la planète ayant visité 53 pays! Difficile de trouver une opinion plus pertinente sur les répercussions de la COVID-19 par rapport à l’organisation de grands événements sportifs.
« Évidemment, on espère qu’un vaccin arrivera plus tôt que plus tard. Je pense que la solution concrète passera par là. Je ne sais pas vraiment où sont rendues les discussions avec le Comité international olympique pour les Jeux de Tokyo et de Chine, mais les contrats de télévision sont énormes. À mon avis, ils vont faire tout pour présenter des JO l’an prochain et ensuite en Chine. Je n’ai pas de boule de cristal pour prédire ce qui arrivera, mais ça va coûter extrêmement cher.
« À long terme, il y a aura probablement des changements majeurs dans la façon que les grands événements vont se dérouler surtout si on ne trouve pas un vaccin. L’industrie du sport télévisuel (et numérique) va probablement grossir parce que bien des gens ne voudront pas se rendre sur place. Ça va leur coûter moins cher et les garder en sécurité. On verra, cet hiver, le premier Championnat mondial junior sans spectateurs », a-t-il poursuivi.
Hainault se fie tout de même à la résilience des humains pour compenser.
« Ce qui est arrivé en 1972 à Munich a fait changer les JO pour toujours. On va trouver des solutions, mais ça va prendre beaucoup de temps avant que ça redevienne la même chose. Une partie de la magie qui disparaît... », a noté le gestionnaire en référence à la prise d’otages meurtrière.
Pour le moment, il ignore le prochain défi qu’il relèvera, mais il se promet de modérer ses ardeurs en pensant à son ami Denis Baillargé décédé de la maladie à 61 ans.
« On a eu un cheminement semblable pendant huit ou neuf ans. Il me disait qu’il faut profiter de la vie parce qu’il y a une fenêtre de 55 ans à 70 ans pour faire des choses quand on est relativement en santé. Malheureusement, on sait ce qui lui est arrivé », a conclu Hainault qui mijote tout de même quelques idées pour les JO de Tokyo, Pékin et Paris quand il ne s’amuse pas sur les terrains de golf.