Joël Bouchard et le Crunch de Syracuse ont surmonté plusieurs défis
MONTRÉAL – À sa première saison à la barre du Crunch de Syracuse, Joël Bouchard a dû utiliser 44 joueurs, il a été privé de son gardien numéro un, il a perdu son valeureux capitaine et le Lightning vient de rappeler un pilier de sa brigade défensive. Mais l'entraîneur québécois en redemande.
Ce n'est pas que Bouchard aime la misère. C'est plutôt qu'il accepte la réalité cruelle de la Ligue américaine de hockey.
« C'est la mentalité que tu dois adopter dans la LAH. Si tu fais juste te plaindre, attendre ou espérer... Je sais que des entraîneurs trouvent ça plus difficile et je peux comprendre. Ça me fâche moins, c'est peut-être mon côté management qui m'aide », a expliqué Bouchard qui entamera les séries, vendredi soir, au domicile des Americans de Rochester.
Le côté divertissant de Bouchard étant bien connu, on n'a pas pu s'empêcher de le taquiner.
« Es-tu en train de me dire que tu es rendu zen? », lui a-t-on lancé.
« Je l'ai toujours été, mais avec de l'intensité! », a répondu, avec un humour habile, celui qui portait un chandail du Crunch affichant le slogan Cup Hungry.
Dans la catégorie de la « patience agressive » de Martin St-Louis, ajoutons la zénitude intense de Bouchard. Elle fut nécessaire quand il a appris que le Lightning rappelait son défenseur Max Crozier qui dirigeait son avantage numérique.
« En soirée, on sera tous rivés devant notre écran à regarder le Lightning, on observera (Mitch) Chaffee, (Emil) Lilleberg et Crozier. Nos gars sont crinqués pour les séries », a ajouté le passionné entraîneur de 50 ans en parlant de ceux qui ont fait le saut dans la LNH.
Il dresse alors un parallèle pertinent.
« Je me souviens du livre de Luc Gélinas, son concept C'est la faute à Carey Price qui était une idée géniale. Quand un jeune est rappelé, il vit son rêve et ça donne la chance à un autre. C'est une belle chaîne et on oublie souvent l'impact vers le bas », a décrit Bouchard.
Ça ne veut pas dire que c'est facile. À preuve, le Crunch a échappé le premier rang de la division Nord en toute fin de saison. Les blessures et les rappels n'aidant pas, le Crunch a été coiffé par les Monsters de Cleveland et les Americans.
« La fin de saison a été éreintante, mais le groupe a été extraordinaire », a vanté l'entraîneur.
Bouchard devait souligner le leadership du capitaine Gabriel Dumont qui « est toujours dans l'entourage du club » même si sa saison est terminée en raison d'une déchirure ligamentaire à un genou.
« Ce fut éprouvant et difficile, mais à l'interne, c'était zéro ça! Les gars arrivent heureux et ils ont leur chapeau de travail », a noté Bouchard en ajoutant les noms de Daniel Walcott, Cole Koepke et Gabriel Fortier pour expliquer cette approche.
Le mariage désiré, pas le temps de penser au Rocket
Bouchard s'amuse dans les couleurs du Crunch en étant entouré de ses alliés Daniel Jacob et Maxime Vaillancourt, de ses autres adjoints et de son patron Julien BriseBois. Ça lui prenait une offre de ce style pour replonger rapidement après l'aventure éphémère avec les Gulls de San Diego.
« Quand tu ne l'as pas vécu, tu ne le sais pas. Mais c'est exactement ce que je pensais : il y a une façon de faire, une logique, une intelligence. Ça me rejoint beaucoup. Et la barre est haute aussi », a-t-il exposé.
Il lève sa casquette du Crunch à ses protégés qui ont accepté d'être poussées, « ils comprennent la logique ». Il juge qu'ils auraient pu facilement sombrer dans une séquence de défaites.
On perçoit aisément que le sérieux de l'organisation a joué dans l'équation.
« Tout était plus fait, je suis arrivé dans une structure déjà établie. Avec Benoit (Groulx, l'ancien entraîneur), Julien, Stacey Roest (DG adjoint) et Mathieu (Darche, DG adjoint), je ne suis pas arrivé dans un endroit à me demander ce qu'ils font, tout fait du sens. Tu t'ajustes, mais ça fait du sens », a ciblé Bouchard.
L'ancien défenseur de la LNH a donc trouvé chaussure à son pied pour évoluer.
« Si un coach te dit qu'il n'a pas changé, tu es dans le trouble. Après tout, on demande toujours aux joueurs de s'améliorer », a réagi celui qui a désormais œuvré pour 17 organisations professionnelles.
En passant de la Californie à Syracuse, Bouchard s'est évidemment rapproché de sa famille et il a découvert celle du Crunch.
« Parfois, c'est le côté difficile de la LAH, tu peux te sentir seul dans le bateau. Avec le Crunch, tu ne te sens pas délaissé. Il y a des choses bien plus difficiles qu'une saison de hockey, sauf que c'est exigeant quand même pour les heures - comme ce l'est pour bien des gens à la maison - mais on forme un groupe serré », a-t-il soutenu.
On aurait voulu sonder Bouchard sur la conclusion – quelque peu amère – du Rocket de Laval qui a raté les séries de peu. Mais il a préféré demeurer fidèle à sa famille actuelle.
« Je suis vraiment mal fait, je n'ai pas ce côté. Je ne regarde pas les autres tant que ça et je ne les juge pas. Je ne parle pas des autres équipes, mais je les respecte toutes. Quand j'ai un chandail sur le dos, c'est juste à propos de nous. Go Crunch, Go Bolt, Every Day, All Day », a-t-il prononcé en sonnant comme un nouveau produit lancé par Olivier Primeau.
Ça n'altère en rien son respect pour les gens du Canadien que ce soit « Geoff (Molson), France Margaret (Bélanger), John (Sedgwick) avec lequel je suis encore en contact ou JF Houle ».
Face à Levi, le gardien qu'il avait repêché
Comme trame narrative, pour les éliminatoires, ça tombe à merveille que la troupe de Bouchard croise le gardien Devon Levi sur son passage. En tant que dirigeant de l'Armada de Blainville-Boisbriand, il avait repêché le Montréalais qui a préféré la voie américaine.
« C'est un jeune que j'adore, sa famille est extraordinaire. Mais j'apprécie plusieurs jeunes du Rocket et du Wolf Pack. On les apprécie, mais on fait notre boulot pour se donner les meilleures chances de gagner », a commenté le pilote.
Devant le filet du Crunch, Bouchard serait sans doute heureux de miser sur un gardien de cette trempe. Il doit plutôt se tourner vers Brandon Halverson ou Hugo Alnefelt puisque le partant Matt Tomkins agit comme réserviste à Andrei Vasilevskiy.
Ça n'empêche pas Bouchard d'envisager un beau parcours éliminatoire. Dans les cinq années précédentes, le Crunch n'a pas franchi la première ronde. Encore une fois, le contexte est primordial.
« Ce ne serait pas juste de lancer des pierres à l'organisation et/ou à Ben. Quand tu vas trois ans en finale (de la coupe Stanley) et que tu gagnes deux fois, ça vient avec un coût. On n'a pas beaucoup repêché dans les dernières années en raison de belles transactions de Julien pour remporter la coupe.
« Parfois, c'est facile à oublier, mais il faut être réaliste avec le contexte de la LAH. Le Rocket a commencé à faire comprendre aux gens cette réalité », a rappelé Bouchard qui se dit gonflé à bloc pour les séries.