LHJMQ : la confiance payante de Benoît Desrosiers
MONTRÉAL – Benoît Desrosiers devient-il, à 34 ans, l'entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau s'il ne tient pas tête à Patrick Roy à l'été 2018?
Le récit de la première rencontre entre les deux hommes met en lumière le mélange d'audace, de confiance et d'ambition qui a guidé le parcours professionnel de celui qui est devenu, en prenant la relève de Louis Robitaille en juillet dernier, le plus jeune pilote de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).
Été 2018, donc. Desrosiers vient de conclure sa première saison aux côtés de Philippe Boucher chez les Remparts de Québec. Lorsque ce dernier quitte subitement son poste, son jeune adjoint se retrouve dans le néant. Et les choses sont loin de s'éclaircir quand le retour de Roy est confirmé quelques semaines plus tard.
« Quand Patrick est revenu pour la nouvelle aventure, il voulait faire des changements, raconte Martin Laperrière, l'éternel complice de Roy qui est aujourd'hui adjoint chez le Rocket de Laval. Je lui ai dit : "Je pense qu'on est mieux de s'asseoir avec Ben, que tu apprennes à le connaître. C'est vraiment une bonne personne de hockey" ».
Roy suit le conseil de son confident. Quelque temps après son entrée en poste, il demande à Nicole Bouchard, son bras droit dans les bureaux de l'équipe, de convoquer Desrosiers au Centre Videotron.
« C'est un running gag entre Patrick et moi, cette histoire-là, parce que honnêtement ça n'a pas été une belle journée, se remémore Desrosiers. J'arrive à l'aréna, je ne l'ai jamais rencontré de ma vie. C'est quand même Patrick Roy, on s'entend. J'entre dans le bureau, on se salue, il me demande de parler de moi. À la fin, il me dit qu'il a quelque chose à m'offrir. Il me dit que je vais être important pour lui, qu'il a besoin d'un entraîneur vidéo et que ça va être moi son homme. »
À l'époque, Desrosiers est déjà reconnu pour son talent à l'ordinateur. Sa maîtrise de la plateforme Catapult, utilisée par les entraîneurs pour découper et monter des séquences éducatives à l'intention des joueurs, en a fait une référence auprès de ses confrères. Mais son expertise, à ses yeux, dépasse largement ce talent spécifique. « Dans ce temps-là, ça faisait six ans que j'étais derrière un banc d'une équipe junior. J'avais quand même un pas pire background », met-il en contexte.
« Je lui ai répondu du tac au tac : "Écoute Patrick, la seule place où je vais être entraîneur vidéo dans ma vie, ça va être dans la Ligue nationale. Pas dans le junior". »
Le front de Desrosiers a forcé Roy à la réflexion et, ultimement, l'a convaincu de lui offrir ce qu'il voulait. « Je pense que c'est ce qu'il a aimé, le fait que je me tienne, suggère celui qui a commencé dans le métier à 18 ans dans le Midget Espoir et qui a aussi passé trois saisons comme adjoint au niveau M18 AAA. On n'a pas toujours été d'accord, on ne voyait pas toujours les choses de la même façon, mais à la fin de la journée on était sur la même longueur d'onde. »
Le temps de foncer
Desrosiers a passé les cinq saisons suivantes dans le même caucus que celui qu'il appelle aujourd'hui « mon ami Pat ». Le tuteur et son apprenti ont patiemment monté une machine bien huilée qu'ils ont menée à la consécration le printemps dernier en remportant la Coupe Memorial.
Roy a tiré sa révérence après la conquête. Desrosiers dit avoir été considéré pour sa succession avant de se voir offrir un poste d'adjoint à Éric Veilleux. Entre-temps, un appel des Olympiques est venu faciliter sa prise de décision. Il a quitté la capitale sans amertume.
« Ça faisait onze ans que j'étais adjoint dans la Ligue. J'ai vu cette belle opportunité de commencer ma carrière d'entraîneur-chef, explique celui qui dit n'avoir "jamais envoyé un CV" pour monter les échelons du hockey junior majeur. J'ai un bagage acquis comme adjoint, j'ai eu des bons modèles en haut de moi. Je me suis dit que c'était le temps de foncer. »
« Il vient de gagner un championnat et il entre dans une autre bonne organisation à Gatineau, approuve Laperrière, un mentor que Desrosiers contacte encore régulièrement lorsqu'il a un problème à résoudre ou une théorie à tester. Et ce qui est à son avantage, c'est qu'il arrive dans un club en transition, en reconstruction, alors il va pouvoir mettre ses bases en place. C'est différent que d'arriver dans une équipe bien garnie et prête à faire une grosse année. Je pense que ça peut être une bonne position pour lui pour bien commencer dans ce nouveau poste. Le timing était parfait. »
Ironiquement, l'homme qui a attiré Desrosiers en Outaouais a longtemps été un féroce opposant. Dans les douze années qu'il a passées chez l'Océanic de Rimouski, Serge Beausoleil a pris plaisir à souffler sur les braises de la rivalité qui liait son club aux Remparts. Ça ne l'a pas empêché de piger chez ses vieux rivaux après s'être installé dans le bureau du DG au Centre Slush Puppie.
Celui qui suit maintenant les traces des Pat Burns, Alain Vigneault et Benoît Groulx a trouvé « flatteur » d'être courtisé par un homme avec qui ses liens professionnels étaient minimes. « Je pense qu'on s'était parlé deux fois dans les onze dernières années », estime Desrosiers. Pourtant, c'est la présence de Beausoleil qui, dit-il, l'a convaincu de quitter ses pantoufles pour accepter un nouveau défi.
« Ça fait longtemps que je coach contre lui, ça fait encore plus longtemps qu'il est dans la Ligue. Je sais que c'est un travaillant, un gars qui ne compte pas ses heures et je sais qu'il va tout faire pour amener l'organisation à un autre niveau. Il va m'appuyer, je vais pouvoir m'appuyer sur ses conseils et il va me donner les meilleurs joueurs possibles pour progresser dans la bonne direction. »