Derrière les apparences, un retour réfléchi dans la LHJMQ pour Jon Goyens
MONTRÉAL – Il y aura du cynisme, il y aura des ragots, quelques personnes qui parleront dans son dos. Jon Goyens est bien conscient de tout ça. Mais c'est le cœur léger, avec la conviction d'avoir mené sa vie exactement comme il le devait, que l'entraîneur montréalais se prépare à revenir dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec avec les Eagles du Cap-Breton.
Retour dans le temps. En août 2020, quelques jours avant le début de son deuxième camp d'entraînement avec le Drakkar de Baie-Comeau, Jon Goyens déserte. Il remet sa démission et laisse derrière lui l'emploi qu'il avait pourtant si longtemps désiré. Il laisse aussi son équipe dans une fâcheuse position. Dans les décombres encore fumants de cette petite bombe lâchée sur la Côte-Nord, Goyens cite l'éloignement et le besoin de se rapprocher de sa famille.
Les férus de géographie auront toutefois noté que Sydney, sa nouvelle ville d'adoption, n'est pas la porte d'à côté. Au contraire! Pour un retour dans la LHJMQ, Goyens n'aurait pu choisir une destination plus loin de la maison. Où est donc la logique? Pour comprendre sa décision, le principal intéressé prie de comparer les contextes.
« La réalité, c'est qu'en 2019 quand j'ai signé à Baie-Comeau, on n'avait pas vécu de pandémie. On ne savait pas c'était quoi, la COVID », résume-t-il en entrevue avec RDS.
Tout le monde a dû modifier ses habitudes avec l'apparition et l'évolution du coronavirus. Pour les Goyens, les contraintes engendrées par cette nouvelle réalité sont devenues irréconciliables avec les valeurs de la famille. L'abolition de vols directs entre les régions et la métropole a limité les options du couple. L'imposition de barrages routiers dans la première année de la crise et la création de bulles dans laquelle les membres de chaque équipe devaient s'isoler ont soulevé encore plus de questions.
« Est-ce que j'allais devoir rester loin de ma famille pendant quatre, cinq mois de suite? », s'est demandé Goyens, qui était alors père d'un garçon de 3 ans.
Ces questions ne se posent plus deux ans plus tard. Un vol de deux heures relie Montréal et la Nouvelle-Écosse. Sa conjointe, qui devaient auparavant prendre congé de son emploi pour aller le visiter à Baie-Comeau, peut maintenant travailler de la maison. Et Henri, leur fils, n'a plus la couche aux fesses.
Voilà, donc, pour les justifications.
« Quand je pense à ma carrière, qu'on parle de ma passion pour le coaching ou de ma volonté de monter les échelons, il y a certains sacrifices qui font du sens et il y en a d'autres qui n'en font pas. Quand ça n'en fait pas, la famille va toujours passer en premier pour moi. Si ça voulait dire que je restais à la maison pendant deux ans, j'étais correct avec ça. Le hockey me manquait et je mentirais si je disais que je ne me suis pas demandé si ça allait me nuire, mais j'étais confiant que c'était la meilleure décision. »
« You're a coach, go coach »
Goyens dit que le hockey lui a manqué, mais il ne s'en est jamais véritablement éloigné. Pendant ses deux hivers loin des vestiaires, l'homme de 43 ans s'est réinventé.
« J'avais le choix : je reste sur mon divan et je blâme la pandémie ou je suis proactif et je fais quelque chose », dit-il.
Celui qui a dirigé pendant dix ans les Lions du Lac St-Louis, dans la Ligue M18 AAA, a d'abord créé le « Coaches Café », un regroupement d'entraîneurs de tous les niveaux qui lui a permis de fraterniser, discuter et échanger des idées avec plus d'une centaine de confrères et consoeurs sur une base hebdomadaire. Avec son ami Darren Gill, un agent de joueurs de la LCF, il a aussi mis en ondes le balado « The Hockey Masterclass », où le duo s'entretenait avec leurs invités sur des aspects souvent négligés du monde du hockey.
Dans les derniers mois, Goyens avait établi des collaborations avec la station radiophonique TSN690 et le site DailyFaceoff. Il devait agir à titre d'analyste à RDS lors du prochain Mondial junior.
Plus près de l'action, Barry Trotz lui a confié quelques mandats particuliers, notamment lors des parcours éliminatoires des Islanders de New York en 2020 et 2021. Il a aussi agi à titre de consultant personnel auprès de joueurs de différents niveaux, de l'école secondaire à la LNH.
« J'avais pas le choix. Si les Dieux du hockey décidaient que le coaching traditionnel, ce n'était plus pour moi, j'étais en train d'aller chercher plein d'autres expériences. »
Au même moment où l'offre des Eagles est arrivée, une équipe de la LNH l'a contacté pour lui offrir un poste de dépisteur. Il y a réfléchi sérieusement. « Mais ma femme m'a dit : "T'es un coach. T'as attendu assez longtemps pour être derrière un banc, va coacher!" »
Stabilité en vue
Il n'y a pas que la situation sanitaire qui différencie le premier séjour de Goyens dans la LHJMQ du deuxième.
À Baie-Comeau, le directeur général qui l'avait embauché, Steve Ahern, a été congédié quelques semaines plus tard. « Le DG par intérim a fait un AVC. J'ai passé cinq autres semaines avec un autre DG qui, malheureusement, n'a pas eu le job à temps plein. Ils en ont engagé un la veille du camp d'entraînement. J'ai donc eu quatre patrons en huit semaines! »
Le portrait est tout autre au Cap-Breton. Sylvain Couturier vient lui aussi d'y atterrir après un passage de plus de quinze ans chez le Titan d'Acadie-Bathurst. Il est bien en selle et emménage avec une réputation qui n'est plus à faire.
« Ça, c'est vraiment attirant », ne cache pas celui qui succèdera à l'Américain Chadd Cassidy. Sylvain, premièrement, c'est un gagnant. Deuxièmement, il a beaucoup d'expérience. Il est vraiment à l'aise dans ses fonctions. C'est bon pour moi parce qu'une chose que j'ai appris avec le Coaches Café, c'est que la relation entre un DG et un entraîneur est primordiale pour que ça marche. »
Goyens n'amènera pas d'adjoint avec lui au Cap-Breton. Il travaillera avec ceux qui étaient déjà en place avant son embauche.
« Je suis correct avec ça parce que dans n'importe quelle business où t'es engagé, ça ne veut pas dire que tu peux juste amener n'importe qui avec toi. Les joueurs doivent apprendre à jouer avec d'autre monde, pas juste avec leurs amis. C'est la même chose pour moi. »