Repêchage LNH : Cole Eiserman et la rançon de la gloire
BUFFALO – Il a battu un record qui a déjà appartenu à Patrick Kane, Phil Kessel et Cole Caufield, mais des recruteurs craignent qu'il se développe davantage comme Oliver Wahlstrom ou Kieffer Bellows. Cole Eiserman marque des buts comme il cligne des yeux, mais les avis sont partagés quant à ses chances de réussir au hockey professionnel.
Jadis considéré comme le deuxième meilleur joueur de sa cuvée, au coude à coude avec son bon ami Macklin Celebrini, Eiserman a plongé dans les prévisions des experts depuis un an. Pourtant, ce don rare qu'on lui reconnaît unanimement ne l'a pas abandonné au cours de sa deuxième saison au sein du programme de développement de l'équipe nationale américaine. Partout où il a joué, indépendamment de l'enjeu ou du calibre de l'adversaire, ce tireur d'élite a atteint la cible.
Seize fois dans des compétitions internationales. Seize fois contre des équipes de la NCAA. Vingt-six fois contre les meilleurs clubs juniors des États-Unis. Auston Matthews n'avait pas été aussi productif au même âge. Si une équipe cherche un buteur pur, il ne se fait pas mieux dans le bassin d'espoirs actuel.
Mais lorsqu'on gratte un peu, on se demande si Eiserman a suffisamment à offrir en complémentarité à son talent de marqueur pour justifier une sélection dans le premier tiers de la première ronde. On le dit unidimensionnel et peu impliqué sans la rondelle. On lui reproche une vision en tunnel qui l'empêche de mettre à profit ses partenaires de jeu lorsque l'option de tir s'efface. Personne ne s'est encore affiché en amour avec son coup de patin.
À l'extérieur de la glace aussi, il semble y avoir des drapeaux rouges.
« On me pose beaucoup de questions sur son attitude, on veut savoir s'il est un mauvais coéquipier, des choses comme ça, partage Nick Fohr, son entraîneur-chef lors des deux dernières saisons. Ce que je réponds, c'est que ça ne pourrait pas être plus loin de la vérité. »
Fohr passera une bonne dizaine de minutes à se porter à la défense de son poulain. Au milieu de son plaidoyer, il s'arrêtera net pour nous assurer de son intégrité. « Tu peux faire tes recherches, je ne suis pas le genre de gars qui balaie des choses sous le tapis ou qui ne dit pas les vraies choses. Je suis honnête à propos de mes joueurs, je ne les vante jamais inutilement. »
Maintenant que c'est dit, revenons-en à son plaidoyer.
« Cole est un bon petit gars. Il est intense, c'est vrai, et des fois peut-être que son langage non-verbal n'est pas idéal. Mais sa frustration n'est jamais dirigée envers un coéquipier. Il est aimé, impliqué. C'est une bonne personne qui ne fait pas de problème. Je crois que les gens inventent certaines choses en se fiant sur des rumeurs ou des observations qu'ils ne vérifient pas. »
« Il a craqué »
Lorsqu'on lui demande de nommer le reproche le plus injuste qu'il ait entendu à son sujet, Eiserman hausse les épaules. « Je pense que je peux faire plus que juste marquer des buts, propose-t-il. Je peux fabriquer des jeux, je sais utiliser mon corps et jouer dans le trafic. J'ai encore du travail à faire, mais je suis capable de faire ces choses-là. »
Celebrini, qui a été son coéquipier à l'école préparatoire Shattuck St. Mary's, abonde dans le même sens. « J'ai vu, depuis quatre ou cinq ans, sa capacité à mettre ses compagnons de jeu en valeur. Et quand il ne produit pas offensivement, il peut apporter de l'énergie avec son jeu physique. Ce sont deux choses pour lesquelles il ne reçoit pas assez de crédit. »
C'est peut-être un piège dans lequel Eiserman est lui-même tombé en tentant de trouver un sens au flot de critiques auquel il a été exposé dans la dernière année. C'est en tout cas un message qu'il dit avoir reçu lors de ses entrevues avec les équipes de la Ligue nationale à Buffalo.
« On a apprécié que je sois assez lucide pour voir les choses que je dois améliorer, mais on m'a aussi dit que je devrais être plus indulgent envers moi-même, que ce que je considère comme étant mes faiblesses ne le sont peut-être pas tant que ça. »
Sans tomber dans la sentimentalité, Eiserman admet qu'il n'a pas été facile pour lui de se protéger des discours négatifs et peu constructifs dont il était la cible pour la première fois de sa vie. « En début de saison, peut-être que je lisais trop ce qui se disait. Ce n'était sans doute pas la meilleure idée. Plus le temps a passé, plus j'ai réussi à mettre mon téléphone de côté et à me concentrer sur mon hockey. »
« Ça a été dur pour lui d'être exposé à la critique, confirme Nick Fohr. Je repense à quelques moments qu'on a vécus dans mon bureau où il a craqué, où ça le rendait émotif. [...] C'est très difficile, à cet âge, de faire fi de l'opinion des autres. Tout ce qu'il a traversé depuis un an ou deux, ça vient avec beaucoup de pression. »
Bien plus que tout ce qu'il a pu tenter de peaufiner à l'entraînement, c'est peut-être ça, après tout, qui lui sera le plus profitable chez les pros.