Cole Hutson rêve de rejoindre son frère Lane chez le Canadien
BUFFALO – Nick Fohr sera toujours dans le coin des frères Hutson, prêt à souligner leurs bons coups et à les défendre contre les sceptiques. Mais l'entraîneur-chef de l'équipe U18 du programme de développement de l'équipe nationale américaine est aussi un homme pragmatique, rationnel.
« Ils ont ce talent naturel pour aider une équipe offensivement, pour être des quarts-arrières de premier plan en avantage numérique. Il te faut un gars comme ça dans ton équipe si tu veux connaître du succès dans la Ligue nationale », n'en démordait pas le pilote de 47 ans quand on l'a rejoint mercredi sur notre route vers le camp d'évaluation des espoirs de la LNH.
« Évidemment, ça ne serait pas réaliste d'avoir plusieurs joueurs de ce profil au sein de la même équipe. Je comprends ça », a-t-il ensuite pris soin de relativiser. « Mais je crois que chaque club devrait en avoir un dans son effectif. »
Quelques heures plus tard, Cole Hutson s'attable devant nous dans un hôtel de Buffalo. Le frère cadet de l'un des plus beaux espoirs du Canadien est peu bavard. Certaines de ses réponses sont à peine audibles. Il choisit ses mots avec parcimonie.
Jusqu'à ce qu'on lui demande, tout bonnement, s'il garde bon espoir d'être repêché en première ronde dans quelques semaines à Vegas. Certaines listes le voient se glisser dans le dernier tiers du top-32. D'autres lui prédisent de connaître son sort vers la fin de la deuxième ronde.
« Tout peut arriver. Je pense que Montréal a quelques choix de première ronde. J'espère qu'ils me choisiront avec l'un d'eux », lance le jeune homme sur un ton qu'on devine provocateur, fort conscient de l'effet que ses mots peuvent provoquer dans la métropole québécoise.
Avant qu'on ne lui redonne la parole, confirmons les faits : à moins qu'il ne décide de monnayer ses billes dans une ou plusieurs transactions, le Canadien parlera effectivement deux fois dans la première ronde du prochain repêchage. La loterie effectuée en mai dernier l'a laissé avec le cinquième choix. La transaction qui a envoyé Sean Monahan à Winnipeg lui a permis de s'enrichir du 26e.
« Pour moi, ça serait un scénario hallucinant, rêve Hutson. [Lane et moi], on a évidemment grandi ensemble. Sur la glace, on sait toujours ce que l'autre va faire. Quand on fait des matchs à 5 contre 5 à la maison, on est dominants ensemble. J'aurais un plaisir fou à jouer avec lui. »
Des comparaisons inévitables
Si l'idée semble à première vue saugrenue, c'est que les deux enfants-sandwichs de la fratrie Hutson – Quinn, 22 ans, est l'aîné et Lars, 15 ans, est le benjamin – semblent sortis de la même imprimante 3D.
Un observateur semi-informé à qui on présenterait des séquences des deux défenseurs gauchers sans les identifier pourrait facilement les confondre pour un seul et même garçon. Les enjambées courtes et un peu carrées, les pivots et les feintes d'épaules, les longues chevauchées à travers la zone neutre et une sublime vision du jeu.
Cole est légèrement plus costaud que son grand frère ne l'était au même âge, mais à 5 pieds 10 pouces et 165 livres, il demeure considéré comme un défenseur de petite taille au même titre que son frangin.
« Au premier regard, c'est vrai qu'ils sont très similaires », ne peut pas nier Nick Fohr, qui a été entraîneur-adjoint dans les équipes U17 et U18 de Lane avant de diriger son frère pendant deux saisons aux mêmes niveaux.
Cole Hutson
Les dirigeants de la LNH s'entendent là-dessus. Cole Hutson nous disait avoir rencontré une dizaine d'équipes mercredi après-midi. Chacune d'entre elles l'avait questionné sur les comparaisons évidentes avec son prédécesseur.
« C'est sûr que ça devient redondant, convient-il, l'air aigri. Mais je ne peux pas me plaindre. Ce n'est jamais une mauvaise chose d'être comparé à Lane Hutson. »
Comment les différencier, alors?
« Même s'ils se ressemblent beaucoup, ils arrivent à leurs fins avec des moyens un peu différents, dissèque Fohr. Lane a déjà accompli beaucoup de choses simplement par sa détermination et son travail acharné. C'est une grande force, mais ça peut aussi lui nuire quand il dose mal ses efforts. À l'inverse, tous les gestes de Cole sont plus calculés. Il n'a pas la même mentalité de bosseur de son frère. Ça peut sembler négatif quand on le dit comme ça, mais ça ne l'est pas. C'est juste qu'il est d'ordinaire plus patient, il a plus de retenue et ça peut lui permettre d'être plus efficace. »
« Lane bat habituellement ses adversaires strictement grâce à ses habiletés individuelles. Il est probablement l'un des défenseurs les plus doués qui existent. Je préfère laisser le jeu venir à moi et profiter des erreurs de mes rivaux », nuance Cole.
Une crotte sur le cœur
Les chiffres disent que Cole Hutson a connu une saison fantastique. Il est devenu le défenseur avec la plus importante récolte de points dans l'histoire du programme de développement américain (119 points en deux saisons). Il a aussi été élu le défenseur par excellence du Championnat du monde des moins de 18 ans, où les États-Unis ont perdu en finale, il y a un mois.
Mais demandez-lui d'évaluer ses performances et il vous donnera l'impression d'avoir joué toute l'année avec ses protège-lames.
« Je ne dirais pas que je suis fâché, mais je ne suis assurément pas content », marmonne-t-il.
Première source d'insatisfaction : son début de saison. Son équipe a inscrit 44 buts dans ses huit premières parties. Il n'a récolté que trois mentions d'aide.
« L'année précédente, j'alternais constamment entre les 2005 et les 2006 et mon rôle changeait à chaque fois, offre-t-il en guise d'explication. Cette année, j'ai eu besoin d'un certain temps pour m'installer dans mon rôle et comprendre ce que je devais faire pour aider mon équipe. »
L'autre chose qui l'a contrarié, c'est l'entorse à une cheville qu'il a subie cinq semaines avant le Championnat du monde. Il a été en mesure de revenir à temps pour participer au tournoi, qu'il estime avoir traversé à 70% de son plein potentiel. C'est une information qu'il ne se retient pas pour divulguer, conscient qu'elle augmente la valeur de son rendement.
« Il y a des présences où je pouvais à peine bouger. J'ai dû changer ma façon de jouer parce que ma cheville était fortement enrubannée, mes mouvements étaient limités. Il y a des gestes de routine que je ne pouvais plus effectuer. »
Malgré la longue liste de ses accomplissements, et même si son frère s'est efforcé de démontrer, au cours des deux dernières années, qu'un défenseur sorti de ce moule pouvait transporter ses attributs chez les pros, la candidature de Hutson se butte à des doutes. Il est le 18e défenseur dans la liste finale du site spécialisé Elite Prospect. La Centrale de recrutement le voit comme le 18e meilleur défenseur parmi ceux ayant passé la dernière saison en Amérique du Nord.
Le stoïque adolescent jure qu'il ne porte pas attention à ces palmarès, et donc que ceux-ci ne lui occasionnent aucune frustration. Pourtant, il approuvera lorsqu'on lui demandera s'il a l'impression que son nom ne reçoit pas le respect qui lui revient.
« On manquera toujours de respect envers les plus petits défenseurs. Pour moi, ça fait juste plus de monde à faire mentir », répond-il.
Après tout, que vaudrait une comparaison avec Lane Hutson si elle n'inclurait pas une colossale et constructive crotte sur le cœur.