Vincent Desharnais touche au paradis après une période sombre
MONTRÉAL – En écoutant Vincent Desharnais, avec son grand sourire, raconter la fabuleuse histoire de son premier match dans la LNH, à 26 ans, on ne devine pas qu'il a traversé une période très sombre il y a quatre ans.
Mercredi soir, à Anaheim, 10 ans après avoir quitté le Québec pour emprunter l'un des longs chemins vus pour atteindre la LNH, Desharnais a réalisé son rêve dans l'uniforme des Oilers d'Edmonton.
Ce n'était pas n'importe quel rêve. Il a passé une grande partie de la soirée à patrouiller la ligne bleue avec Darnell Nurse à sa gauche et il a joué plus de quatre minutes avec Connor McDavid devant lui.
« Je prenais une fraction de seconde pour me dire ‘Tabarouette, ça se passe pour vrai. Mais ils ont deux bras et deux jambes comme tout le monde », a noté Desharnais avec amusement.
Pour la cerise sur le sundae, ses parents et son frère (accompagné de sa femme) avaient été en mesure de faire le voyage.
« Tout ce que j'ai traversé, ç'a tellement valu la peine pour ce moment-là. Juste pour le tour de la recrue… Je ne peux même pas dire combien de fois j'ai pensé à ça avant d'aller me coucher. Que ce serait tellement le fun que ça arrive. Et quand je suis embarqué sur la glace, les premières personnes que j'ai vues, ce sont mes parents, mon frère et sa femme. Je les voyais les yeux plein d'eau », a confié l'excellent conteur.
« J'en parle et je viens émotif parce qu'ils ont fait tellement de sacrifices autant pour l'argent que le temps. Ils n'ont pas beaucoup pensé à eux. Même mon frère, qui est plus vieux, a laissé sa place parce qu'il savait que j'avais un potentiel. Ils ont toujours cru en moi », a enchaîné le colosse de six pieds et six pouces.
La scène était encore plus savoureuse car il n'oubliera jamais, dans son cœur et sa tête, ce qu'il a surmonté personnellement. Ignoré au repêchage LHJMQ, ignoré deux fois au repêchage LNH avant d'être choisi en 7e ronde, Desharnais a entendu à maintes reprises qu'il n'était pas assez bon ou trop lent pour accéder au circuit Bettman. Des embûches qui ont poussé des centaines de joueurs à renoncer.
« Mais le moment le plus tough de ma vie est arrivé à ma première année professionnelle (en 2019-2020) », a-t-il entamé.
Une commotion cérébrale subie à l'entraînement, après ses deux premiers matchs dans la Ligue américaine, s'est étirée.
« Ç'a viré en anxiété et en dépression. Je voulais tout lâcher, je ne savais même plus ce que je voulais faire de ma vie. Je me demandais ce que je faisais ici. Je n'avais plus de joie de vivre… J'étais un état d'esprit très sombre. Je pleurais beaucoup, c'était vraiment négatif. C'est vraiment là que je me disais ‘C'est assez, je veux lâcher' », a décrit Desharnais avec générosité.
Ses parents, son frère, ses amis, les médecins à Bakersfield (le club-école des Oilers) n'ont pas laissé tomber le grand gaillard à la personnalité attachante.Vincent Desharnais
« Ils m'ont dit ‘C'est correct que tu ne te sentes pas bien, que tu éprouves des problèmes au plan mental, on va t'appuyer et traverser ça ensemble », a témoigné Desharnais qui a découvert la méditation, la lecture, l'écriture d'un journal et les balados pour s'aérer l'esprit.
« Je pense que j'avais besoin de ça pour réaliser que je devais changer mes habitudes », a ajouté l'athlète qui a alors commencé à prendre des médicaments pour gérer son anxiété.
Les dirigeants des Oilers l'ont cédé dans l'ECHL pour qu'il retrouve le sourire même si, en général, un séjour dans ce circuit constitue toute une gifle au moral d'un joueur. La recette a fonctionné et Desharnais remercie chaudement les entraîneurs Bruce Ramsay et John Gurskis pour leur bienveillance.
En 2020-2021, Desharnais était heureux de nouveau sur la glace. En 2021-2022, il a tout mis en œuvre pour montrer aux Oilers qu'il méritait un contrat de la LNH et il a gagné son pari.
Mais, deux opérations à une main, tôt en 2022-2023, ont failli faire dérailler les plans. Toutefois, dès qu'il a retrouvé son aplomb, les Oilers lui ont fait une place dans leur formation pour l'audition tant attendue.
En absorbant ce récit fascinant, on se demandait comment ses parents ont pu gérer ce tourbillon d'émotions qui a culminé cette semaine.
« C'est difficile à décrire, je deviens émotif chaque fois que j'en parle, je ressens des frissons. Ça fait 10-15 ans que je bûche, que j'appelle ma mère ou mon père en pleurant. Parce que je dois me faire opérer ou qu'une autre chose frustrante est arrivée. Ils étaient toujours là pour moi. À 2h du matin, 3h du matin, mes parents restaient éveillés pour me parler ou écouter mes matchs. Ils venaient me voir environ une fois par mois à Providence. Mon frère partait de Mégantic deux fois par année. Ils veulent le faire, mais je sais qu'ils ne sont pas obligés. Je vois des coéquipiers qui n'ont pas ce support », a exposé l'athlète qui veut inspirer des jeunes avec son histoire personnelle et sportive.
« Crois en toi, défonce-toi et amuse-toi, voilà ce que je dis aux jeunes. »
Et si le rêve se poursuivait?
On a fait un détour qu'on jugeait nécessaire, mais ce premier match a été un succès au niveau de son rendement dans un gain de 6 à 2 contre les Ducks.
Lucide, Desharnais sait bien que l'opposition et le déroulement du match ont permis aux entraîneurs de se tourner plus souvent vers lui. N'empêche qu'il s'est très bien débrouillé en 15 :04 d'action. On l'a vu soutirer la rondelle à des adversaires grâce à ses mises en échec, entamer la relance avec précision, utiliser ses atouts en infériorité numérique et même transporter la rondelle jusqu'en zone adverse.
« Ça ne paraît pas, mais je suis capable parfois ! », s'est-il empressé de réagir en riant.
« C'est sûr que je suis très fier de mon premier match. En même temps, je suis perfectionniste donc il y a quelques jeux que j'aimerais reprendre. Mais je suis réaliste, c'était ma première partie et je ne serai pas parfait », a commenté le droitier.
Vincent Desharnais
Même pour les meilleurs joueurs de la planète, c'est plaisant de voir un athlète qui atteint enfin la LNH à 26 ans. Ainsi, Desharnais a été accueilli chaleureusement et ses coéquipiers l'ont élu joueur du match.
Ce n'est pas tout. Brad Malone, le capitaine de Desharnais dans le club-école des Oilers, avait milité en sa faveur lors de son séjour à Edmonton en début de saison.
« Je sais qu'il a beaucoup parlé en bien de moi, qu'il a discuté de mon histoire avec le directeur général et des joueurs. C'est plaisant quand tu arrives et que les gars ont déjà une bonne impression de toi », a admis Desharnais qui a aussi été dirigé par Jay Woodcroft, l'entraîneur des Oilers, dans la LAH.
Pas étonnant d'apprendre que Malone avait pris le temps d'envoyer un texto touchant à Desharnais.
« Il m'a écrit ‘Just be the guy that we love, just be Vinny'. Ça m'a fait du bien et je me suis concentré là-dessus pour ce match », a révélé celui qui a terminé son passage à l'Université Providence en tant que l'un des capitaines.
Au lendemain de sa première partie, Desharnais a eu droit à une séance vidéo plutôt positive avec Dave Manson, l'entraîneur des défenseurs à Edmonton. Parce que ce serait bête d'arrêter une si belle histoire si vite.
« Je ne suis pas venu ici pour un seul match, je veux que l'histoire continue et je pense que je peux aider l'équipe avec mon style de jeu », a assuré Desharnais.
Le Québécois pense d'ailleurs à tous ses copains qui ont dû abandonner leur rêve pour différentes raisons dont Colby Cave qui est décédé tragiquement à l'âge de 25 ans.
Et il s'assure de remercier tous ceux qui ont façonné son évolution comme joueur de hockey. À commencer par Christian Kulczycki – un entraîneur des défenseurs exigeant qui l'a moulé habilement - et Christian Sauvageau qui lui a fait réaliser que le chemin américain pouvait le mener à la LNH. Sans oublier le recruteur des Oilers couvrant le territoire du nord-est américain qui s'est battu pour lui à la table de l'équipe.
« La vague d'amour que j'ai eue de tout le monde, de mes amis à la maison, de mes anciens entraîneurs, c'est comme too much. Je suis vraiment reconnaissant pour tous ceux qui m'ont écrit et aidé, c'est un moment assez magique », a conclu Desharnais qui est prêt pour les prochains chapitres.