Profils d'espoirs LNH : l'attaquant Gabriel Perreault reçoit-il l'attention qu'il mérite?
Dans l'évaluation d'un espoir et son classement par rapport à son groupe d'âge, le piège de se laisser berner par les statistiques n'est jamais bien loin. De mal les interpréter, d'accorder trop d'importance à une colonne en particulier, de ne pas situer adéquatement dans son contexte le niveau de production affiché par un joueur, par exemple.
L'environnement dans lequel a œuvré Gabriel Perreault en 2022-2023 était l'un des meilleurs que l'on puisse imaginer. Au sein d'une équipe américaine bourrée de talent, Perreault a fait la pluie et le beau temps avec l'un des trois meilleurs centres de cette cuvée 2023, Will Smith, ainsi qu'ailier robuste et polyvalent que voudront s'arracher plusieurs équipes le 28 juin prochain, en Ryan Leonard.
En avril, Perreault est devenu le nouveau recordman de l'« USNTDP » pour les points amassés en deux saisons (132 en 63 matchs joués), en plus d'être un élément important de la conquête de l'or du Championnat mondial des moins de 18 ans avec sa production de 18 points (5-13) en sept parties.
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Pourtant, ces faits d'armes de Perreault continuent d'être accueillis avec une dose de scepticisme, même si sa prestation en Suisse en a été suffisante pour en vendre quelques-uns à sa cause. De fait, il a récemment intégré le top-12 de quelques publications en vue du repêchage, après avoir été perçu comme un choix tardif de première ronde au début de la campagne.
Peut-être pour contre-balancer le poids que recèle sa production historique, plusieurs observateurs sont portés à chercher activement les failles dans la trame narrative entourant Perreault. Est-ce lui qui bénéficiait plus de brio de Smith, et non l'inverse? Sa modeste charpente posera-t-elle un problème chez les pros? Est-il assez responsable défensivement ou impliqué physiquement?
Les chiffres astronomiques compilés par Gabriel Perreault au sein du programme de développement américain lors des deux dernières saisons doivent quand même être reconnus pour ce qu'ils sont : non seulement épatants, mais aussi supérieurs à certains des meilleurs patineurs ayant fait le même parcours que lui, dont Auston Matthews, Jack Hughes et Cole Caufield, pour ne nommer que ceux-là.
Vers la fin du calendrier 2022-2023, Perreault a surpassé Matthews et Hughes par une marge plutôt étonnante pour un joueur qu'à peu près aucun recruteur sondé ne semble voir intégrer le top-5.
Bien qu'il ne soit pas aussi consciencieux que son père Yanic l'était en zone défensive et qu'il évoluera probablement à l'aile dans la LNH, Perreault n'a rien à envier au paternel pour ce qui en est de la qualité de son lancer (tout comme son frère aîné Jacob, espoir des Ducks d'Anaheim, d'ailleurs). Le no 94 aimait dégainer rapidement et visait la lucarne avec une précision chirurgicale sur plusieurs de ses buts, et Gabriel a hérité de ce trait, en plus d'avoir davantage de lourdeur sur son tir frappé. Il arrive à réceptionner des passes et à préparer un lancer de qualité au filet dans une série de gestes fluides, et possède l'arsenal de feintes nécessaire pour bien se servir de son rival comme un écran.
Là où Gabriel se démarque aussi de son père et de son frangin, c'est d'une part par la vitesse exceptionnelle de ses mains en maniement de rondelle, et par ce sixième sens lui permettant d'anticiper une fraction de seconde avant quiconque les intentions de ses partenaire de trio; un trait spécial qui explique en grande partie qu'autant de choses de jeux offensifs réussis se produisent lorsque Perreault est dans les parages. Le même sixième sens lui permet, lorsqu'il n'est pas en possession du disque, de faire preuve intuitivement d'un « timing » remarquable pour bondir sur des rondelles libres ou la soutirer à des adversaires et ainsi prolonger la menace offensive de son trio.
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Malgré un certain manque d'explosion de son coup de patin, Perreault affiche les habiletés techniques et l'agilité nécessaire pour surprendre le joueur posté devant lui et le contourner. Sachant qu'il n'est pas encore arrivé à sa maturité physique, à 5 pieds 11 pouces et 165 lbs, il y a raison de croire que l'ajout de force musculaire aura un effet bénéfique sur la vitesse qu'il arrive à générer. En ce sens, le fait de jouer à Boston College dans la NCAA l'an prochain ne saurait qu'être salutaire, étant donné le calendrier moins condensé menant à plus d'heures passées en salle d'entraînement.
Perreault transporte la rondelle, et à son entrée en zone offensive, il n'a pas nécessairement beaucoup de vitesse. Pourtant, il se sert habilement de ses lames de patin pour changer l'angle d'attaque, parant ainsi la couverture défensive, en plus de ramener la rondelle de son côté revers, à une main seulement de surcroît. Il maintient un contrôle parfait de son équilibre pendant ce geste, et crée pour lui-même une excellente occasion de tirer au filet sur une séquence qui n'apparaissait pas destinée à générer quoi que ce soit du haut de l'enclave.
Une anticipation adéquate qui lui permet d'intercepter des passes et de provoquer des revirements, et de capitaliser de la meilleure façon possible en misant sur sa créativité.
Régulièrement, même accroché par son couvreur, Perreault parvient à compléter avec succès sa remies vers un coéquipier. Même si certains diraient de lui qu'il est frêle, Perreault n'a pas besoin de travailler avec les coudées franches, en périphérie, pour provoquer des choses. Cette capacité à terminer ses jeux offensifs avec constance même avec un rival sur le dos est de bon augure quant à ses chances de voir son style fonctionner dans la meilleure ligue au monde.
Un joueur de caractère également
Qui de mieux pour connaître les habitudes de travail de Perreault que Will Smith, le joueur de centre avec qui il a dominé tant d'adversaires depuis l'automne dernier?
« Tout le monde semble reconnaître ses qualités offensives, mais peu parlent du désir de vaincre de Gabe. Il est un gars très compétitif, il veut gagner et il a été très bon pour rallier tout le monde à la cause dans notre conquête de l'or (au M18). C'est un gars avec qui j'adore jouer. À mon avis, il est le joueur le plus sous-estimé (au sein du programme américain des moins de 18 ans) », a-t-il exprimé plus tôt cette semaine, en marge d'une présence médiatique des meilleurs espoirs à Las Vegas.
En somme, Perreault ne représente pas l'option la plus « prudente » parmi les joueurs ayant une chance de trouver preneur parmi les 15 premiers (on peut penser à Colby Barlow, Brayden Yager et ses coéquipiers Leonard et Oliver Moore, par exemple). C'est ce qui pourrait faire en sorte qu'on le voit dégringoler. Une équipe ayant droit de parole vers le 20e rang aura peut-être à ce moment la clairvoyance de s'avancer et de miser sur le potentiel offensif considérable de Perreault.
Restera ensuite à voir jusqu'à quel point il parviendra à solidifier les autres phases de son jeu durant ses deux ou trois saisons avec les Eagles.
PROJECTION ET RANG DE SÉLECTION
Meilleur scénario : l'arsenal offensif bien garni de Perreault le propulsent saison après saison dans le haut du tableau des pointeurs de la LNH
Pire scénario : Perreault ne devient pas un joueur aussi dominant offensivement qu'anticipé, et n'est pas suffisamment outillé pour jouer au sein des deux derniers trios
Rang prévu : entre le 7e et le 15e choix