Fitzgerald plaide pour plus de sécurité
MANALAPAN - Le décès d'Adam Johnson, qui s'est fait trancher la gorge par la lame d'un patin d'un adversaire lors d'un match, en novembre 2023, en Angleterre, avait secoué le monde du hockey.
Il fallait faire quelque chose pour éviter que pareille tragédie ne se reproduise.
Des choses ont été faites alors que les ligues mineures et la Ligue américaine de hockey obligent le port de matériel de protection supplémentaire à la gorge.
Mais il reste encore beaucoup à faire. Surtout dans la LNH. Oui! La Ligue et les équipes invitent les joueurs à utiliser le matériel de protection dernier cri mis à leur disposition. Des bas, des couvre-poignets, et des collets de Kevlar afin de minimiser les risques de coupures tragiques comme celle qui a coûté la vie à Adam Johnson.
Mais ces invitations sont balayées du revers de la main par une très grande majorité de joueurs. Par une trop grande majorité de joueurs.
Mardi matin, dans la salle où étaient réunis les dirigeants de la LNH et ses 31 homologues, le directeur général des Devils du New Jersey, Tom Fitzgerald, s'est levé avant de livrer un vibrant plaidoyer en faveur de la sécurité des joueurs.
« Fitzy » comme est surnommé celui qui a disputé plus de 1000 rencontres avec les sept équipes dont il a défendu les couleurs au cours de sa carrière a raconté l'histoire de son fils Casey qui a reçu un patin au visage le 28 février dernier.
« Nous étions au restaurant ma femme et moi. On suivant le match de notre fils – les Wold Pack de Hartford dont il défend les couleurs affrontaient les Bruins de Providence – sur mon téléphone. Casey est allé dans le coin de la patinoire et en ressortant il n'arrêtait pas de mettre sa main à la gorge », a d'abord raconté Fitzgerald à ses pairs avant de reprendre son récit devant les journalistes.
« On se demandait ce qu'il pouvait bien avoir. Il est resté dans le jeu. On l'a vu demander à un arbitre de le regarder et l'officiel n'a rien vu parce que Casey avait sa main sur la plaie. C'est un joueur des " P Bruins " qui s'est approché pour lui dire de vite retraiter au banc parce qu'il était coupé. »
Tragédie évitée de peu
Casey Fitzgerald n'était pas seulement coupé. Il avait le bas de la mâchoire droite presque totalement lacérée.
« Sur le coup, on ne savait rien. Ma femme était inquiète. Moi aussi. Mais je restais optimiste parce qu'il avait pu prolonger sa présence et parce que les seules informations obtenues indiquaient que l'hémorragie était sous contrôle, qu'il était en direction de l'hôpital où toute une équipe médicale l'attendait. Il a évité le pire. Il s'en est bien tiré avec 25 points de suture. Mais ce qu'on a vécu ce soir-là comme parents, je ne le souhaite à personne », a raconté Fitzerald aux journalistes avec des trémolos dans la voix et des larmes aux yeux.
Casey Fitzgerald
Des trémolos dans la voix et des larmes aux yeux qu'il n'avait pu retenir quelques heures plus tôt devant ses homologues. Il faut dire que les responsables du comité visant à développer les équipements de protection des joueurs – un comité dont Fitzgerald fait partie – avaient gardé une bande vidéo de l'incident vécu par son fils Casey comme dernier d'une série d'exemples de tragédies potentielles évitées de peu et de très peu au cours des derniers mois aux quatre coins de la planète hockey.
« Il faut en faire plus pour convaincre les joueurs », que Tom Fitzgerald a plusieurs fois lancé.
« Nous n'avons pas le droit d'imposer le port d'équipement de protection. Mais je vais m'assurer de répéter à mes joueurs qu'ils doivent utiliser tout ce qui est à leur disposition simplement pour éviter de faire vivre à leurs parents des émotions négatives comme celles que nous avons vécues mon épouse et moi. Des émotions beaucoup moins pires que celles vécues par les parents de ce pauvre gars du Minnesota (Adam Johnson) il y a deux ans. »
Il est important ici de souligner que Casey Fitzgerald portait un protecteur au cou. Est-ce que ce protecteur a fait dévier la lame du patin, le protégeant ainsi d'une lacération beaucoup plus dangereuse à la gorge?
Est-ce que la lame du patin a frappé directement le bas de la mâchoire?
Personne ne sait.
« Tout ce que je sais c'est que nous travaillons très fort, avec l'Association des joueurs et avec les compagnies d'équipement pour développer de nouveaux produits plus efficaces et moins encombrants. Il fait que les joueurs les utilisent », a plaidé Fitzgerald.
Le d.g. des Devils et les membres de son comité attendent avec impatience les lanières de Kevlar qui pourraient remplacer les courroies pour attacher les casques.
« Toute protection supplémentaire est bienvenue », a plaidé Fitzgerald.
Prêcher dans le désert
Quand il travaillait au sein de l'état-major des Penguins, à Pittsburgh, Tom Fitzgerald était le premier à piger dans les bacs d'équipement afin de distribuer à ses quatre fils des bas de kevlar pour éviter des coupures aux chevilles et des ruptures du tendon d'Achille.
Sauf que...
Quand il était joueur, papa Fitzgerald était loin de suivre les conseils de protection qu'il prodiguait à ses garçons. « Je ne portais même pas de demi-visière », a reconnu le directeur général des Devils.
« J'étais comme ça moi aussi », a admis Daniel Brière qui se voir mal imposer à ses joueurs des directives qu'il ne respectait pas quand il endossait l'uniforme.
« Quand je suis arrivé dans la Ligue, j'ai même décidé d'enlever ma demi-visière parce que je voulais démontrer que j'étais courageux en dépit de ma petite taille. Bobby Smith – alors directeur général des Coyotes de Phoenix à l'époque – était venu me voir pour me dire de cesser de vouloir impressionner les autres et de remettre ma visière », a raconté Brière qui a eu sa part de blessures au visage au cours de sa carrière.
« J'ai encore la marque laissée par le patin de Darius Kasparaïtis sur ma joue. Il venait de me servir une mise en échec et on est tombé suite à l'impact. Son patin est arrivé juste ici », a indiqué Brière en pointant sa joue gauche, quelques centimètres sous son œil.
« J'avais plus de pouvoir comme agent que j'en ai aujourd'hui comme directeur général quand vient le temps de parler de protection. Mes clients étaient réceptifs à l'époque. Aujourd'hui, je suis passé de l'autre bord, a lancé en riant Kent Hughes.
« Mais il faut trouver une façon de convaincre les gars de se protéger. Ce n'est pas juste pour protéger nos investissements, c'est d'abord et avant tout pour les protéger eux », a insisté le directeur général du Canadien.
Julien BriseBois comprend les arguments des joueurs, mais il ne peut les accepter. Au fond, c'est juste une question d'habitude. « Je m'encourage à l'idée que les jeunes qui portent aujourd'hui de l'équipement supplémentaire dans le hockey mineur, dans les rangs junior et universitaire et même les ligues mineures professionnelles continueront à les porter quand ils atteindront la Ligue nationale. On va continuer à conseiller et à faire de la promotion auprès des joueurs, mais la décision finale leur revient », philosophait le directeur général du Lightning de Tampa Bay.
Rod Pasma, qui dirige le comité mis sur pieds pour promouvoir l'utilisation de matériaux de protection capable de résister aux lacérations provoquées par des lames de patin, a indiqué hier qu'une trentaine de modèles de protecteurs pour le cou. Plus d'une douzaine pour les poignets et les chevilles.
« Il ne reste qu'à les utiliser », a-t-il insisté.
Il sera intéressant de voir si la Ligue et l'Association des joueurs trouveront un jour un terrain d'entente sur ce dossier. Les deux parties pourraient suivre l'exemple du début des années 1980 alors que les joueurs qui étaient déjà dans la LNH avaient le droit de ne pas porter de casque, mais ceux qui y arrivaient avaient l'obligation de le porter.
Quarante-cinq ans plus tard, personne n'oserait disputer un match de hockey sans casque sur la tête.