Hommage au Scotty Bowman de la NFL
MONTRÉAL - Claude Julien acquiesce sans la moindre hésitation lorsqu'on lui demande s'il est juste de prétendre que Bill Belichick est le Scotty Bowman de la NFL.
« À mes yeux, ce sont les deux plus grands entraîneurs-chef de leur sport respectif. Au-delà des statistiques impressionnantes qu'ils ont tous les deux accumulées, au-delà les victoires en saison, les victoires en séries éliminatoires et celles qui ont permis de soulever la coupe Stanley ou le trophée Vince Lombardi, c'est leur envergure, ce qu'ils représentent tous les deux dans l'histoire de leur sport qui les placent dans une classe à part », défile l'ancien entraîneur-chef du Canadien, des Devils et des Bruins.
C'est pendant son règne de dix saisons à Boston que Claude Julien a croisé Bill Belichick. Une première rencontre a mené à une deuxième et à d'autres qui ont permis aux deux « coachs » de développer des liens professionnels et personnels.
Claude Julien était souvent l'invité de Bill Belichick lors des matchs disputés par les Patriots à Foxborough. On a aussi souvent vu l'entraîneur-chef des Patriots dans les gradins du TD Garden pour des matchs des Bruins.
Les images de Bill Belichick patinant en compagnie de Claude Julien, la veille de la Classique hivernale du premier janvier 2016, classique disputée sur le terrain des Patriots, avaient fait le tour de la planète hockey et de celle de la NFL. Ces images immortalisaient un Belichick souriant malgré le fait qu'il était beaucoup moins à l'aise sur la patinoire que sur les lignes de côté échangeant des rondelles avec son homologue des Bruins.
Bill Belichick et Claude Julien à la veille de la Classique Hivernale 2016 de la LNH.
Cette rencontre avait même sauvé les meubles sur le plan médiatique puisque le lendemain, le Canadien, profitant d'un retour au jeu en forme et en force de Brendan Gallagher, avait éclipsé les Bruins 5-1.
Joint à Ottawa en fin d'après-midi jeudi, quelques heures après la confirmation du grand divorce à la tête des Patriots, Claude Julien n'avait pas encore contacté Belichick. « Je veux attendre que la poussière retombe un peu. Mais une fois le choc de la nouvelle passé, Bill sera en mesure de recevoir tous les hommages et les éloges qu'il mérite. »
Gestion des athlètes
Le hockey et le football sont des sports très différents. Mais les techniques pour analyser un match tout juste terminé et pour préparer le prochain, l'attention à apporter aux détails et la gestion des athlètes sont sensiblement les mêmes.
C'est d'ailleurs sur ces aspects que les deux entraîneurs ont souvent mis leur savoir au service de l'un et de l'autre.
« On se parlait régulièrement pendant nos saisons. J'ai beaucoup appris en regardant Bill analyser des matchs. C'était fascinant de voir l'importance qu'il accordait aux détails. Il ne se contentait pas d'analyser des jeux, il les disséquait à la seconde près pour pouvoir démontrer pourquoi un jeu avait réussi et un autre non. Il pouvait ainsi s'assurer que les ajustements à apporter soient compris », raconte Claude Julien.
Lors de son retour à la barre du Canadien, après son règne de 10 ans avec les Bruins, Claude Julien a reçu un appel de Bill Belichick qui lui demandait l'autorisation d'envoyer un émissaire le visiter au Centre Bell.
« Il voulait voir comment l'organisation du Canadien fonctionnait. Il voulait savoir quels services et attentions étaient accordés aux joueurs. Un autre exemple du souci qu'il accordait aux détails et de sa quête d'informations afin de toujours être à l'avant-garde de ce qui pouvait être fait pour
améliorer son organisation et rendre son équipe plus compétitive », se rappelle Julien.
Bergeron se souvient
Dès son arrivée à Boston à l'aube de la saison 2003-2004, Patrice Bergeron a vite réalisé la place importante qu'occupaient les Patriots et leur entraîneur-chef sur l'échiquier sportif de Boston et de la Nouvelle-Angleterre.
« Quand tu y penses, il a gagné son premier championnat avec les Pats (en 2002) alors que j'étais encore dans les rangs Midget AAA. Et il en a ajouté cinq de plus jusqu'en 2019. On parle ici d'une très grande dynastie. Impossible de rester indifférent à autant de succès. Ce gars-là a toujours imposé le respect », a ajouté Patrice Bergeron, qui est devenu partisan des Patriots une fois établi à Boston.
« C'est tellement une grosse ville de sports avec les Patriots, les Red Sox, les Celtics et les Bruins que tu n'as pas vraiment le choix de t'intéresser aux autres sports. Et quand je suis arrivé, je tenais à m'intégrer dans ma nouvelle ville et à ma nouvelle vie. Le sport était une belle porte d'entrée. Le Gillette Stadium étant à une grosse heure de route de chez moi, ce n'était pas toujours évident d'aller aux matchs du dimanche tout en respectant les exigences de mon entraînement. Mais quand j'avais un congé le lundi, j'aimais bien me rendre à Foxborough », a raconté le nouveau retraité des Bruins.
S'il imposait le respect sur le terrain et que les performances de Tom Brady et de ses Patriots le plaçaient sur un trône, à Boston, sa manière de composer avec les journalistes, les réponses brèves, voire sèches et parfois un brin ou deux mesquines qu'il servait ont valu des critiques sévères à Bill Belichick.
« Le gars un peu sec que tu voyais dans les points de presse n'a jamais rien eu à voir avec le vrai Bill Belichick. C'est un gars aimable, courtois, ouvert d'esprit. Un gars qui aime échanger. Je trouve ça dommage qu'on ramène toujours ces images de points de presse, car ça ne le représente pas du tou t», assurait Claude Julien.
Chose certaine, Belichick aurait grandement eu intérêt à prendre quelques conseils en matière de communications de la part de Claude Julien qui a toujours su gagner le respect des journalistes des trois villes où il a travaillé dans la LNH en leur affichant le même respect qu'il recevait.
Mais bon!
Sans vouloir entrer dans une analyse du travail de Bill Belichick devant les médias, Patrice Bergeron a tout de même reconnu que les grands principes de l'entraîneur-chef des Patriots avaient été adoptés dans le vestiaire des Bruins.
« Je ne fais pas référence ici à la manière de répondre », plaide d'entrée de jeu Patrice Bergeron qui a toujours brillé dans sa manière de s'adresser aux partisans des Bruins par le biais des journalistes qui couvraient les activités du club au quotidien.
« À mes yeux, cette façon de répondre mettait d'abord et avant tout l'accent sur la meilleure manière de faire la transition d'un match à l'autre. J'ai toujours interprété ses réponses courtes et répétitives comme un message qu'il lançait à ses joueurs et à tout le monde que ce qui était arrivé hier ne comptait plus. Qu'il était impératif d'éviter de traîner le poids d'une défaite ou d'un aspect négatif d'un match pour ne pas être ralenti dans la marche à parcourir pour se rendre au prochain. En répétant le nom du prochain adversaire à toutes les questions, ils indiquaient à ses joueurs qu'ils devaient l'imiter. C'est comme ça que j'ai toujours interprété ce qu'il faisait. C'est comme ça qu'on en parlait entre nous dans le vestiaire. Et c'est cette philosophie qu'on a voulu installer dans le vestiaire », de raconter Bergeron.
Cela dit, Bruce Cassidy, comme le faisait déjà Claude Julien avant lui, apportait souvent des influences de Belichick et des Patriots dans les entraînements et les préparations de l'équipe. Les joueurs n'ont fait que suivre l'exemple venant du bureau du « coach ».
« Avec une recette aussi gagnante que celle qui lui a permis de gagner six championnats avec les Patriots, c'était normal qu'on adopte certaines de ses façons de faire », a conclu Bergeron qui a soulevé la coupe Stanley en 2011.
Une conquête qui a permis aux amateurs de sports de Boston de mieux composer avec les 10 ans qui ont séparé les conquêtes de 2005 – après des victoires en 2002 et 2004 – et de 2015 qui a ouvert la voie aux deux dernières de 2015 et 2019.
Jeune retraité, Patrice Bergeron commence à s'adapter à sa nouvelle vie. Il a eu beaucoup de plaisir à participer à l'émission de fin d'année d'Infoman avec Jean-René Dufort et peut maintenant consacrer tout le temps qu'il le veut à sa famille.
Quant à Claude Julien, il remplit des mandats de dépistages que lui offrent les Blues de St-Louis – le club qui l'a repêché dans la LNH – pour lesquels travaille son ancien patron, à Boston, Peter Chiarelli. Il a participé à la préparation de l'équipe d'Ottawa de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) et bien qu'il aura bientôt 64 ans, il n'a pas encore totalement tourné le dos à la possibilité de revenir un jour derrière le banc d'une équipe de la LNH.