Le Combine LNH, une formule à revamper pour les entrevues devenues robotiques
BUFFALO – « C'est un peu robotique. Cr***, les jeunes sont tellement préparés que, parfois, tu te demandes si tu as une façade devant toi ou le vrai jeune ».
Les entrevues se multiplient par dizaine pour les joueurs lors du Combine, la semaine d'évaluation de la LNH, en vue du repêchage.
À un tel point que plusieurs intervenants du milieu souhaitent – et certains plaident – pour assister à des modifications.
« Je pense qu'on a besoin de revamper le tout, des changements devraient survenir », a statué l'agent Allain Roy, au RDS.ca, mercredi à Buffalo.
Pour justifier le tout, il faut réaliser que la centaine de joueurs invités à cet événement vont meubler leurs journées, cette semaine, avec des entrevues auprès des équipes qui les ont conviés. Certains hockeyeurs vont rencontrer les 32 formations et vont répondre, plus souvent qu'autrement, aux mêmes questions.
Ensuite, en raison de l'importance du volet psychologique dans les sélections, les athlètes sont mieux préparés que jamais – et parfois trop – par leur agence respective.
« Pour nous, ça provoque un enjeu... Parce que moi, comme recruteur, je veux la vraie personne. J'aime mieux savoir les petits points sombres au lieu que le jeune nous joue du violon parce qu'il est bien préparé », a décrit un recruteur s'exprimant de manière anonyme.
Ce contexte dérange plusieurs équipes. À un tel point que certaines organisations ont arrêté de faire voyager une grande délégation de recruteurs au Combine.
Ça ne servait plus à rien, c'est aussi simple et direct que cela. Les dirigeants ont remarqué qu'ils obtenaient les mêmes réponses du matin au soir.
« Les équipes dépensent beaucoup de sous pour y participer avec l'objectif d'identifier les meilleurs espoirs. Mais tu sortais de la journée, tu avais interviewé 32 jeunes et 31 n'avaient aucun problème selon eux », a commenté un deuxième recruteur consulté à ce sujet.
En observant le portrait actuel, Roy en arrive à cette proposition.
« Je recommanderais que la LNH et l'Association des joueurs se promènent pour faire un tour de la NFL, la NBA et le Baseball majeur pour voir ce qui se fait autrement; autant les bonnes choses que ce qui ne fonctionne pas », a soumis l'agent.
Le Canadien pousse la note, avertissement à des équipes
Une approche plus déstabilisante devient donc la stratégie de quelques clubs pour extraire de l'authenticité des joueurs. Tandis que d'autres clubs vont préférer miser sur le côté humain pour favoriser l'ouverture.
Le CH s'est rangé dans le coin des questions plus ardues ou complexes, vous l'avez constaté si vous avez suivi le Combine dans les dernières années.
« Quand on le demande aux jeunes, le Canadien est presque toujours dans le top-3. Les dirigeants utilisent beaucoup leur psychologue pour détecter des choses. En même temps, à quel point ça rapporte ? Est-ce qu'ils ont pris (Filip) Mesar (26e rang en 2022) parce qu'il avait de bonnes réponses. Je regarde les séries LNH et je me pose des questions même s'il est un très bon joueur », a réagi un dépisteur rejoint.
L'agent Marc Lavigne tenait à rappeler que les entrevues effraient bien des patineurs.
« Plusieurs jeunes sont ultra nerveux pour les entrevues, ils en font presque de l'anxiété. Ils ne veulent rien dire de mal », a-t-il exposé.
Roy ne s'oppose pas à un côté plus corsé, mais il ajoute une précision.
« Je suis à l'aise s'ils veulent défier les jeunes un peu. Mais j'ai entendu dire que certaines équipes poussent assez fort et c'est un territoire un peu dangereux. En même temps, je comprends que c'est difficile de percer et rester dans la LNH donc ça prend une certaine force mentale », a relevé l'agent en précisant que sur ses cinq clients au Combine, l'un d'eux avait identifié son entrevue avec Montréal comme la plus difficile.
« Mais si les jeunes pensent que c'est rough, ce l'est plus dans la NFL. C'est sûrement pour le baseball que le processus ressemble le plus à la LNH », a ajouté Roy.
Dans l'autre coin, on retrouve les clubs qui refusent de s'approcher de cette frontière dangereuse.
« On ne va pas là pantoute. Nous, on veut que le jeune soit le plus confortable possible. On a des recruteurs qui ont des enfants de l'âge de ces espoirs. Ils veulent agir de manière respectueuse au lieu de vouloir le coincer », a soumis un dépisteur.
Quand on discute avec plusieurs agents, on comprend que leur souhait serait que les équipes profitent de ces entrevues pour mieux connaître la personnalité des athlètes.
Les Hurricanes ont une approche différente en montrant des extraits vidéos à analyser aux joueurs, mais ça demeure du hockey. Quant à l'Avalanche, un jeu a été instauré ce qui permet de découvrir le côté compétitif des jeunes.
« Pas barré » comme Justin Poirier
L'agence CAA de Pat Brisson confie le mandat de préparer à ses joueurs à un spécialiste des communications. L'approche de celui-ci est fort intéressante.
Il regroupe des joueurs et il entame le tout avec de l'improvisation pour inciter les jeunes à bâtir des liens. Durant la séance, il invite tous les joueurs qui parlent plus d'une langue à lever la main. La plupart du temps, ce sont les Américains qui demeurent les bras baissés et ça les incite à s'intéresser aux autres.
Chez RSG Hockey, Roy et Lavigne fournissent un formulaire des questions traditionnelles à leurs joueurs. Cependant, ils laissent une autonomie à leurs clients dans leurs réponses pour qu'ils conservent une authenticité.
Dans le passé, ils ont eu des joueurs comme Jordan Dumais qui « avait été un peu trop franc » et « Justin [Poirier] qui n'est pas trop barré. En voilà un que ça vient du cœur, s'il sent quelque chose, il le dit », a confié Lavigne qui reçoit des compliments pour la franchise de ses clients.
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Les recruteurs sont heureux de dire qu'ils aimeraient se faire contredire par certains joueurs quand ils évoquent leurs faiblesses.
« J'aime mieux que le jeune me dise qu'il n'est pas d'accord avec nous. Il l'aura dit s'il se voit comme un défenseur offensif et tu sauras à quoi t'attendre si tu le repêches », a exposé une source.
Quand on additionne à cela que les joueurs doivent ensuite répondre aux questions des journalistes, leur partie « préférée », de la semaine, on opterait aussi pour des changements au concept.
« Ça fait 25 ans que je fais ce métier et oui, j'entends que beaucoup d'équipes disent que les jeunes n'ont pas beaucoup de sens de l'humour, que des gars répondent plus comme des robots », a conclu Roy.