Profils d'espoirs LNH : Étienne Morin, l'expert de la cuvée 2023 en relance
La cuvée de défenseurs en vue du repêchage 2023 de la LNH, a été largement qualifiée d'excessivement faible par rapport à la moyenne. Tout le contraire de celle des attaquants et des gardiens, qui s'annonce parmi les plus prometteuses de la dernière décennie.
C'est d'autant plus vrai sur le territoire nord-américain; à preuve, c'est une possibilité bien réelle qu'aucun joueur de défense ayant évolué au Canada ou aux États-Unis cette saison trouve preneur en première ronde.
Étienne Morin, un arrière à caractère offensif originaire de Salaberry-de-Valleyfield, fait partie d'une courte liste de défenseurs du continent nord-américain qui aspirent légitimement à entendre leur nom être appelé tard en première ronde.
Fondamentalement, la capacité de Morin à repérer rapidement ses coéquipiers à découvert et de leur destiner des passes précises n'a pratiquement pas son égal dans cette cuvée 2023.
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Aucune question à se poser quant aux relais de Morin en sortie de zone et en relance : ses passes sont vives – en fait, elles déstabilisent parfois certains de ses coéquipiers qui ne voient pas le jeu se déployer avec la même rapidité d'esprit –, elles quittent sa lame de bâton sans hésitation, et elles arrivent constamment sur la cible, qu'elles soient en ligne droite ou transversales.
Avant même qu'il ne récupère la rondelle qui ricoche contre la bande, l'idée de Morin est déjà faite : il a aperçu son coéquipier Alex Mercier au poteau éloigné, et sans avoir à regarder une deuxième fois dans sa direction, il lui présente un tir-passe idéal pour une déviation.
Certaines mentions d'aide dites « secondaires » méritent qu'on s'attarde à elles plus que d'autres. Lors de cette présence, Morin réalise trois jeux positifs. À la ligne bleue offensive, il maintient la rondelle en zone de Baie-Comeau. Puis l'action se dirige vers sa zone défensive, et il fait avorter un jeu près du filet des Wildcats, avant de récupérer la rondelle près de la bande et de bien identifier le mince couloir de passe disponible en relance.
Grâce à la qualité de la première passe de Morin, soudainement son équipe se retrouve en surnombre en zone neutre, et cet avantage se conclut par le but égalisateur.
Si c'est d'abord et avant tout par Morin que passait la relance chez les Wildcats en 2022-2023, on peut en dire autant de l'avantage numérique. Véritable général à la ligne bleue, l'arrière gaucher était plus souvent qu'autrement le catalyseur des chances de Moncton avec un homme en plus. Les Wildcats ont terminé le calendrier régulier avec 255 buts, le troisième plus haut total dans l'Est derrière Halifax (335) et Québec (286). Mais l'acharnement autour du filet adverse y a été pour beaucoup, étant donné un niveau global de talent modeste. Ainsi, les responsabilités de Morin sur le jeu de puissance s'en sont trouvées augmentées.
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Son tir frappé en provenance de la ligne bleue est lourd et arrive à destination à une hauteur idéale pour favoriser les déviations. C'est toutefois le lancer balayé que Morin affectionne le plus lorsqu'il patrouille le jeu de puissance, étant donné qu'il peut dégainer en une fraction de seconde. Au volume de rondelles qu'il dirige vers le filet adverse – un peu comme le font Dougie Hamilton et Brent Burns par exemple –, il s'avère une menace constante. L'un de ses défis sera de bien doser entre lancers et passes, puisque le danger de devenir prévisible et de voir ses tirs être bloqués par l'adversaire le guette, surtout à forces égales.
Les Wildcats sont en plein contrôle lors de la première minute de cet avantage numérique, et c'est en grande partie attribuable à la distribution de rondelle de Morin. Après quelques passes aidant à accentuer la pression, il sent le carré défensif des Sea Dogs se relâcher, et se positionne parfaitement pour recevoir le relais d'un coéquipier. Son anticipation de l'ouverture dans le haut de l'enclave est belle, et son tir dans la lucarne est digne des ligues majeures.
Implication physique et jeu défensif
La robustesse n'est pas une facette clé du jeu de Morin, mais elle n'est pas complètement absente non plus; on le voit de temps à autres donner de bons coups d'épaule près de la bande, lorsque l'angle d'attaque sur le porteur de la rondelle le lui permet. Il possède aussi le synchronisme requis pour tenter occasionnellement le coup de hanche (hip check) sur le porteur du disque, en zone neutre ou à la ligne bleue défensive.
Morin a été utilisé à profusion – c'est le moins qu'on puisse dire – par l'entraîneur-chef Daniel Lacroix. Frôlant ou surpassant la barre des 30 minutes sur une base régulière, il était l'homme de confiance de toutes les situations, à forces égales, sur la première vague des deux unités spéciales, ainsi que pour combler ou protéger un écart d'un but en fin de troisième période.
Après avoir énoncé une foule de qualités offensives impressionnantes contribuant à faire de Morin un espoir à haut potentiel offensif, il est aussi de notre devoir d'aborder les aspects moins reluisants de son jeu, afin de tenter une explication quant à ce qui brime ses chances d'être un choix du top-15 le mois prochain.
D'un calme désarmant dans toutes les phases du jeu, Morin joue parfois sur la mince limite entre faire preuve de sang-froid et de nonchalance, notamment en couverture défensive. Visiblement, Morin est serein lorsqu'il s'empare de la rondelle derrière la ligne des buts et qu'il amorce la relance, que ce soit en transport de rondelle ou à l'aide d'une passe livrée parfaitement vers un coéquipier. Un certain poucentage du temps, cette sérénité s'avère une qualité exemplaire.
Cela peut toutefois lui jouer des tours de ne pas opter plus fréquemment le choix sûr pour alléger la pression dans son propre territoire, ouvrant la porte à des revirements potentiellement coûteux pour son club.
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Autant son calme en possession de la rondelle lui permet d'étudier les options de passe démarquées, autant il lui arrive souvent de tenter sa chance avec un jeu hasardeux. Cette séquence, en éliminatoires contre les Mooseheads de Halifax, illustre bien comment Morin se place (et son partenaire de jeu) dans de beaux draps. Il cherche à glisser la rondelle sous le bâton étendu de Jordan Dumais et ne tient pas compte du risque que cela implique. Résultat : sa manœuvre est bien anticipée, et son partenaire de jeu Anthony Hamel doit défendre une situation de trois contre un des plus délicates, menant à un but. Bref, un choix de jeu condamnable, encore plus dans le contexte d'un match de séries.
Dans ce même match, le défenseur adverse Brady Schultz effectue un tir en provenance de la pointe. Si l'anticipation de Morin avait été adéquate, il aurait positionné son corps de façon à bien couvrir l'angle de tir, et la rondelle aurait probablement frappé une pièce d'équipement avant de pouvoir se rendre au filet des Wildcats.
Par ailleurs, Morin affiche une tendance peu commune à effectuer une multitude de jeux défensifs avec l'aide uniquement de sa main droite. Il n'est évidemment pas rare de voir un défenseur y aller à une main sur le bâton pour harponner la rondelle et maintenir l'espace (gap control) avec l'adversaire. Cela semble aussi être la méthode qu'il privilégie pour déloger une rondelle en direction d'un coéquipier durant une bataille pour la possession. Contre des adversaires imposants en échec-avant, cela lui sert en quelque sorte à éviter d'initier la confrontation physique. Il est permis d'émettre des doutes sur le taux du succès qu'il aurait avec une telle technique au niveau professionnel.
Cette passivité s'observe aussi de temps à autres dans les missions confiées à Morin en couverture défensive. Son positionnement est généralement adéquat, mais un manque de proactivité mène à ce que ses rivaux obtiennent plus de temps et d'espace pour manoeuvrer à leur guise, lui causant des ennuis. Contre les meilleurs au monde, lorsqu'il a été invité à rejoindre Équipe Canada pour la fin du Mondial des moins de 18 ans, Morin s'est retrouvé devant ce genre de problème. Il s'est brûlé à quelques reprises en raison de son agressivité en appui à l'attaque, et s'est aussi rendu coupable d'avoir joué le rôle du « spectateur » tandis que l'adversaire menaçait en zone canadienne.
C'est certainement un manque de ressources à la ligne bleue qui explique l'utilisation parfois démesurée de Morin par les Wildcats. Le constat s'impose en le voyant oeuvrer au sein du premier duo lors des infériorités numériques, sachant que ce n'est pas sa tasse de thé. Trop fréquemment, on peut l'observer concéder trop d'espace au joueur chargé de créer de la circulation devant le filet. On le sent aussi réticent à bloquer des lancers en provenance de la pointe. Globalement, il possède l'anticipation requise pour faire une bonne lecture des lignes de passes et bien les éliminer.
Malgré une panoplie de qualités offensives déjà énoncées, les Wilcats n'avaient que 50,5 % des buts attendus (plus le chiffre dépasse la barre des 50 %, meilleur est le résultat) en 2022-2023 lorsque Morin se trouvait sur la glace. Autrement dit, il aide à générer quantité d'occasions de marquer, mais en revanche, son club tend à en concéder presqu'autant durant ses minutes de jeu.
PROJECTION ET RANG DE SÉLECTION
Meilleur scénario : Morin effectue d'importants progrès dans la phase défensive, et devient un défenseur no 2 dans la LNH
Pire scénario : ses lacunes défensives posent problème une fois arrivé aux rangs professionnels; ses entraîneurs ne peuvent lui faire confiance pour bien gérer la rondelle, minant ainsi ses chances de s'établir comme un joueur régulier
Rang prévu : entre le 30e et le 40e choix