Quand contestation rime avec flocon
MANALAPAN - Les 32 entraîneurs-chefs, les 736 joueurs qu'ils dirigent et les millions de partisans qui les encouragent aux quatre coins de la LNH sont rarement d'accord en matière de hockey.
Ils sont toutefois unanimes lorsqu'il est question des contestations reliées à des cas d'obstruction à l'endroit des gardiens de but.
Ils s'entendent sur le fait qu'il soit difficile, voire impossible, de s'y retrouver. D'y voir clair. De comprendre, ne serait-ce qu'un peu, pourquoi un but a été refusé à leur club favori un soir donné, alors qu'un autre a été accordé à leurs adversaires plutôt en saison alors que les deux jeux semblaient très similaires; alors que les situations étaient pratiquement identiques.
Ils s'entendent aussi sur le fait que contester un but en matière d'obstruction aux dépens d'un gardien c'est un brin comme jouer à pile ou face.
Les statistiques tendent à leur donner raison.
Après 1048 matchs disputés cette saison – en date de jeudi dernier, le 13 mars – les responsables de la salle de contrôle de Toronto avaient renversé 60 des 105 contestations déposées par les entraîneurs.
Ce qui donne un taux de réussite de 57,1 %. Un taux à la hausse puisqu'il est passé de 42,7 % qu'il était en 2021-2022 – 35 contestations retenues sur les 82 déposées – à 49,4 % en 2022-2023 (42 sur 85) à 54,5 % la saison dernière (48 sur 88).
Conscient de cette unanimité à leurs dépens, le commissaire adjoint responsable des opérations hockey Colin Campbell, le patron des arbitres Stephen Walkom et tous leurs adjoints qui déterminent si un entraîneur-chef a eu raison ou tort de déposer une contestation plaident avec passion qu'il est impossible de comparer tous les jeux litigieux parce qu'ils sont tous différents.
«Tous les flocons de neige se ressemblent, mais quand tu les regardes de près tu réalises qu'ils sont tous différents. C'est la même chose avec les contestations pour obstruction sur les gardiens. Les coachs, les joueurs, les partisans tout comme vous les journalistes, vous regardez ces cas dans leur ensemble alors que chaque jeu est différent. Ils peuvent se ressembler oui, mais quand tu les analyses avec attention, il y a toujours des différences qui t'obligent à maintenir la décision rendue par l'arbitre, ou la renverser. Comme les flocons de neige», a plaidé Colin Campbell dans la vingtaine de journalistes dépêchés en Floride pour assister à cette réunion.
Louvoyer entre le blanc et le bleu
S'il n'y a rien de noir et blanc en matière d'obstructions aux dépens des gardiens, si tout est pas mal gris en fait, Colin Campbell et ses adjoints invitent les amateurs à louvoyer entre le bleu et le blanc pour cesser de broyer du noir!
Lundi, lors de la première des trois journées de réunion, ils ont invité les directeurs généraux à faire la même chose.
Séparés en petits groupes, les directeurs généraux ont vu, revu et analysé de nombreuses décisions rendues à Toronto et qui ont soulevé des tsunamis de critiques émotives.
Plusieurs de la part des d.-g. eux-mêmes. Des directeurs généraux qui n'ont jamais été en mesure de rendre des décisions unanimes lors des exercices auxquels ils se sont livré lundi. Comme quoi il est normal que les amateurs n'y arrivent pas eux non plus.
« Quand vous regardez une reprise, regardez d'abord où est le gardien. S'il est bien installé dans sa zone réservée, s'il a les deux patins dans la portion bleue, le gardien jouit alors du bénéfice du doute. Si un joueur lui touche sans avoir été poussé par un rival, s'il l'empêche d'effectuer un mouvement, les chances sont grandes qu'on conclue qu'il y a bel et bien obstruction contre le gardien.
« Mais si un gardien sort de sa zone, qu'il a donc les patins sur la portion blanche de la patinoire, il est possible que nous rejetions une allégation d'obstruction parce que le bénéfice du doute ira vers le joueur. Il faut bien sûr que le contact soit jugé accidentel et non prémédité par l'arbitre qui suit le match. Mais s'il considère que c'est prémédité, il imposera une pénalité et le but ne sera pas marqué de toute façon », a défilé Colin Campbell.
Susceptibilités ménagées
La LNH assure que des tendances s'installent graduellement depuis l'instauration des contestations en 2015-2016.
Les principales :
Colin Campbell et ses adjoints infirment beaucoup moins de décisions des arbitres lorsque ces derniers ont refusé un but en alléguant que le gardien a été victime d'obstruction.
Inversement, plus de buts initialement accordés sont annulés. Ce qui est normal, assure l'ancien arbitre devenu patron des chandails zébrés, Stephen Walkom.
« Il faut que les partisans comprennent que ce sont les décisions des arbitres qui sont analysées. S'il a refusé un but, c'est parce qu'il a vu un geste qui a empêché le gardien d'au moins tenter d'effectuer un arrêt. C'est donc plus facile de confirmer sa décision avec les reprises. S'il n'a pas relevé une infraction et qu'il a accordé le but, on doit trouver des preuves concluantes qui permettent d'infirmer sa décision », a expliqué Walkom.
Même si la décision finale revient aux responsables qui suivent les matchs dans les bureaux de Toronto et non aux arbitres – un changement adopté en 2018 – les arbitres sont très proactifs dans les analyses.
« La procédure est simple : on demande aux arbitres ce qu'ils ont vu sur le jeu. Pourquoi ils ont accordé ou refusé le but. On présente ensuite les reprises sur tous les angles à notre disposition et ils sont souvent les premiers à dire : je n'avais pas vu ce geste et si je l'avais vu, j'aurais refusé le but. C'est quand les reprises sont peu concluantes qu'il faut plus de temps. Et j'insiste sur ce principe : si nous n'avons pas les reprises permettant d'être convaincus du bien-fondé d'infirmer la décision initiale, nous la maintenons », a tranché Colin Campbell.
Qu'en est-il de la susceptibilité des officiels?
« Il est très très rare que les arbitres et les gars qui travaillent dans les bureaux à Toronto ne soient pas d'accord. Nos arbitres reçoivent chaque lundi tous les jeux qui ont entraîné des contestations. Ils reçoivent les décisions et les motifs qui nous ont poussés à les rendre. »
Les puces devront attendre
Si les cas de contestations en matière d'obstruction sur les gardiens augmentent depuis quatre ans, la LNH se félicite d'avoir pris la décision, en 2019, d'imposer des pénalités mineures lorsque les contestations sont rejetées.
Car ces pénalités ont contribué à diminuer de 69% les contestations qui étaient devenues un fléau.
Les contestations associées à des cas d'arrêts de jeu ratés par les officiels – passes avec la main, rondelle qui a touché un filet de protection, ou rondelle touchée au-delà la hauteur des épaules – sont en baisse.
Tout comme les contestations reliées à des hors-jeu que les juges de lignes ont laissé passer. En date du 13 mars, 77 contestations pour hors-jeu ratés avaient été déposées par des entraîneurs-chefs. La moyenne des quatre dernières saisons oscille autour de 110.
Cela dit, les entraîneurs-chefs, bien aiguillés par leurs adjoints responsables des bandes vidéo, affichent un taux de réussite qui frise les 90 % en matière de contestation maintenue par les responsables de Toronto.
À quand l'implantation de puces électroniques qui permettraient de faire monter à 100 % les décisions justes en matière de hors-jeu, de rondelles touchées trop haut?
Ne retenez pas votre souffle. Car ce n'est pas demain la veille a assuré le commissaire Gary Bettman. Pas la semaine prochaine non plus.
« Nous nous tournerons vers cette technologie lorsqu'elle sera fiable à 100 %. Et même lorsque nous aurons des indications qu'elle est fiable à 100 % nous nous offrirons des périodes d'essai pour vraiment nous en assurer », a tranché le commissaire qui était demeuré très discret jusque-là lors de la rencontre des responsables des opérations hockey avec les journalistes.