Juraj Slafkovsky : le meilleur pour la fin?
MONTRÉAL - Vous êtes libres de le croire ou pas, mais Kent Hughes assure que le Canadien débat toujours de la pertinence de sélectionner Shane Wright, Juraj Slafkovsky ou Logan Cooley avec le tout premier choix du repêchage qui débutera jeudi soir au Centre Bell.
Personnellement, je ne suis pas convaincu que Hughes dise juste la vérité, toute la vérité et rien que la vérité en levant la main droite pour nous convaincre de sa sincérité. Ça ne veut toutefois pas dire non plus qu'il ment comme un arracheur de dents. De fait, la vérité se situe quelque part entre les deux... ou les trois puisque les Canadiens assurent toujours avoir les jeunes Canadien, Slovaque et Américain dans la mire.
Mais le fait que le directeur général du Tricolore et le reste de son état-major rencontreront le Slovaque jeudi seulement, donc quelques heures avant le repêchage, soulève des questions à mes yeux.
Est-ce que le Canadien attend comme ça à la dernière minute parce qu'il est convaincu depuis un moment que c'est Slafkovsky qu'il lui faut et que toutes les rencontres avec Wright et Cooley et les analyses de leurs forces et leurs faiblesses n'ont pas ébranlé cette certitude?
C'est possible.
D'ailleurs, un acteur impliqué de très près dans le repêchage et toutes ses ramifications m'assurait dur comme fer, en après-midi mercredi, que le Canadien avait déjà fait son choix et que c'est le nom du gros ailier slovaque qu'il allait prononcer.
Si cette information se confirme – et je vous invite ici à accueillir cette info avec trois brins de prudence considérant la volatilité du repêchage de cette année – on pourra conclure qu'en rencontrant Juraj Slafkovsky jeudi seulement, le Canadien aura gardé son meilleur candidat pour la fin… des entrevues, et qu'il le repêchera au tout premier rang.
Inversement, il est permis de croire que le Canadien, s'il opte plutôt pour l'un des deux centres nord-américains, pourrait difficilement s'ouvrir les flancs à de vives critiques en ne se donnant pas même la peine de pousser le plus loin possible ses analyses.
« On veut s'assurer des mettre des points sur tous les " i " et des barres sur tous les " t " avant de prendre notre décision », que Ken Hughes a mentionné à sa sortie de la réunion des directeurs généraux qui se tenait dans un hôtel du centre-ville.
Kent Hughes qui pourrait annoncer la première sélection du Canadien dans le cadre de son tout premier repêchage à la barre du CH a répété jeudi qu'il n'avait pas, sur la table, d'offre susceptible de l'inciter à tourner le dos à la première sélection.
« J'ai dit lundi que si le repêchage avait été ce soir-là, nous aurions repêché. Je garde la même position pour ce soir. Mais je ne sais pas ce qui peut arriver demain », a indiqué le DG du Tricolore.
En passant, la barbe qui commence à couvrir le visage de Kent Hughes n'est pas seulement le fruit de trop longues journées passées au bureau et de trop courtes nuits passées à se reposer.
« C'est un nouveau look » que le DG a candidement admis.
Des souvenirs de 2013
Le repêchage qui se tiendra jeudi et vendredi, au Centre Bell, me rappelle plusieurs des repêchages des dernières années en ce sens que les candidats de tête sont loin d'être des choix évidents. Ils sont loin de représenter des sélections qui font saliver comme l'ont fait par le passé les Auston Matthews, Connor McDavid et Sidney Crosby pour ne nommer que ceux-là.
De cette incertitude naissent souvent des surprises... et des déceptions.
En 2013, pendant des mois, tout indiquait que l'Avalanche du Colorado profiterait de la toute première sélection pour repêcher Seth Jones.
Cette sélection allait de soi : Jones, en plus d'être un excellent espoir à la ligne bleue, en plus d'être grand, gros et fort, était aussi – il l'est toujours en passant – le fils de Ronald « Popeye » Jones qui avait déjà endossé le maillot des Nuggets, le club de basket (NBA) de Denver.
Denver aurait sans l'ombre d'un doute célébré le retour de Seth Jones n'eut été de l'intervention de Patrick Roy. Débarqué au Colorado comme entraîneur-chef et V-P des opérations hockey, c'est-à-dire conseiller spécial de Joe Sakic, Patrick Roy connaissait la LHJMQ par cœur après ses années passées avec les Remparts. Roy n'avait qu'un nom à pousser lors des discussions visant à préparer le repêchage. Et c'était celui de Nathan MacKinnon.
Il est important de se souvenir que dans les mois précédents le repêchage de 2013, Jonathan Drouin était considéré par plusieurs comme l'égal de MacKinnon et par quelques-uns comme un joueur au talent supérieur à son ancien coéquipier avec les Mooseheads d'Halifax.
MacKinnon est finalement sorti premier.
Mais Jones qui devait être le premier de classe en 2013, ne l'a pas suivi sur l'estrade.
Car Dale Tallon et les Panthers de la Floride avaient une surprise plus grande encore à offrir cette année-là en repêchant Alexander Barkov. Cette sélection du champ gauche avait beaucoup fait jaser. Elle avait même fait rire quelques observateurs qui voyaient les Panthers se rendre coupable d'une grave erreur.
On sera tous d'accord, du moins je l'espère, que les Panthers sont loin de s'être « plantés » avec la sélection de Barkov.
Jones n'est pas sorti troisième non plus. Car le Lightning de Tampa Bay, incapable de feindre son plaisir, avait presque porté Jonathan Drouin à bout de bras tant l'état-major croyait impossible de l'obtenir avec la troisième sélection.
Disons que l'histoire d'amour entre Steve Yzerman et Jonathan Drouin n'a pas duré bien longtemps. Mais l'ancien DG des « Bolts », l'état-major actuel et surtout l'ensemble des partisans du Lightning pourront remercier Jonathan Drouin pendant encore bien des années d'avoir ouvert la porte à la transaction qui a permis de mettre la main sur Mikhail Sergachev.
Jones dans tout ça?
Il a finalement été sélectionné au quatrième rang et je me souviens très bien que le directeur général des Predators David Poile croyait avoir gagné la loterie avec cette sélection.
Rappelez-vous aussi le repêchage de 2010 alors que tout le débat était centré sur Taylor (Hall) ou Tyler (Seguin). Vladimir Tarasenko (16e), Evgeny Kuznetsov (26e) et un certain Brendan Gallagher (147e) ont donné aux clubs qui les ont repêchés plus encore que Hall et Seguin qui ont rapidement changé de camp.
C'est quoi le rapport avec le repêchage qui se tiendra jeudi et vendredi?
L'incertitude est similaire.
« Je crois que plusieurs clubs ont les mêmes deux noms en haut de leur liste. Dans quel ordre? C'est sans doute très différent d'une équipe à une autre. À partir de trois, je peine à prévoir quoi que ce soit. Les noms qui sont au troisième, quatrième et cinquième sur notre liste pourraient être 15e sur la liste d'autres équipes. Peut-être même plus bas. Cette année, ce ne sont pas seulement les jeunes joueurs qui dictent le rang de sélection en raison de leur potentiel, mais les besoins propres pour chaque club et aussi les évaluations qu'ils ont effectuées », m'a indiqué Kevin Cheveldayoff.
Le DG des Jets a ajouté : « Un gars peut répondre à mes besoins, mais pas du tout à ceux d'autres clubs. Et les conclusions des évaluations menées par une équipe peuvent être plus positives que les mêmes menées par d'autres formations en raison des critères qui varient d'une équipe à une autre. Pour toutes ces raisons, je m'attends à ce que des noms sortent bien plus rapidement que prévu et que d'autres glissent beaucoup plus loin que plusieurs l'anticipent. »
C'est ici qu'il est crucial de rappeler qu'en 2017, Cale Makar et Elias Pettersson ont été réclamés aux quatrième et cinquième rangs par Colorado et Vancouver, derrière Nico Hishchier (New Jersey), Nolan Patrick (Philly) et Miro Heiskaken (Dallas).
Ça veut donc dire que jeudi soir et tout au long de la journée de vendredi, des noms défileront sur le gros écran derrière la scène où grimperont les meilleurs espoirs, mais ce n'est que dans trois, quatre ou cinq ans qu'on saura vraiment si de bons, de très bons ou d'excellents joueurs de hockey se cachaient derrière ces noms.
Alors : Wright? Cooley? Slafkovsky? Un autre nom caché par le CH afin de brouiller les cartes jusqu'à la dernière minute?
Il est encore temps de changer d'idée et de rechanger d'idée.
Cela dit, si le choix le plus « simple » semble être associé au nom de Shane Wright parce qu'il donne l'impression d'être la valeur la plus « sûre » d'un repêchage très incertain, il ne faudrait pas se surprendre d'une sélection moins « évidente » du Tricolore. Même si une sélection moins « populaire » pourrait obliger le CH à donner des tas d'explications.
« Je devrai m'expliquer, peu importe la décision que nous prendrons. C'est pour cette raison que nous repêcherons en fonction de faire du Canadien un meilleur club à long terme qu'en fonction de faire plaisir aux amateurs », a tranché Kent Hughes.
Sur ce point, il a pleinement raison. D'ailleurs c'est la seule certitude qu'on puisse avoir à quelques heures d'un repêchage qu'on attend depuis une éternité tant la fin de la dernière saison régulière et la loterie qui a permis au Tricolore de s'assurer du premier choix semblent loin.