Une GoPro, une vidéo et une chance inespérée
BUFFALO – Adam Gajan est débarqué à Chippewa Falls dans un anonymat quasi total.
Comment un gardien slovaque originaire de Poprad a-t-il bien pu aboutir l'été dernier dans cette petite localité de 15 000 âmes du Wisconsin pour le camp d'entraînement du Steel, un club de la North American Hockey League (NAHL)?
« Personne ne savait rien sur moi quand je me suis pointé dans la NAHL », convenait la semaine dernière l'athlète de 19 ans, l'un des 106 espoirs invités au Camp d'évaluation de la LNH à Buffalo.
« J'ai décidé que je voulais jouer dans la NCAA il y a environ trois ans et je savais que je devais aller jouer junior [en Amérique du Nord]. Mais parce que je n'avais jamais vraiment eu ma chance sur l'équipe nationale, je savais que je n'aurais pas énormément d'options immédiatement. »
Pour sortir de l'ombre, Gajan a donc fait comme bon nombre de jeunes de sa génération. Il s'est filmé.
« J'ai installé une GoPro derrière mon filet lors de chacun de mes matchs [en Slovaquie]. J'ai monté les faits saillants de mes premiers mois de la saison – mes arrêts, mon maniement de rondelle, des buts que j'ai accordés – et la vidéo a fait chemin jusqu'à Chippewa. Ils ont aimé ce qu'ils ont vu et c'est comme ça que tout a commencé. »
Et que tout s'est mis à débouler.
Rapidement.
D'abord, il y a eu la vitrine du début de la saison de la NAHL, un événement organisé par la ligue junior Tier II pour attirer les éclaireurs de la NCAA. Après ses deux premiers matchs, Gajan avait déjà été approché par une vingtaine de programmes. Wisconsin, Ohio State, St. Cloud State, Colorado, Minnesota-Duluth...
« Le hockey universitaire américain n'est pas très connu en Slovaquie. Quand j'ai vu le logo des Bulldogs (Minnesota-Duluth), je ne savais même pas c'était quoi. »
À peu près au même moment où il a cédé aux charmes de l'alma mater de Junior Lessard au début décembre, Gajan a fait ses débuts dans la USHL avec les Gamblers de Green Bay, qui venaient de faire son acquisition du Steel sous forme de prêt. Le temps d'obtenir deux départs et de signer un jeu blanc, le portier a ensuite mis le cap sur Moncton.
La Slovaquie avait besoin de lui. Enfin.
Fiévreux, mais brillant
C'est dans le rôle de gardien no 3 de la sélection slovaque que Gajan s'est présenté au dernier Championnat du monde de hockey junior.
Ça n'a duré qu'un match.
Au lendemain d'un revers de 5-2 infligé par la Finlande en ouverture de tournoi, le personnel d'entraîneurs slovaques s'est tourné avers Gajan pour repousser les attaques des puissants Américains. Pourquoi pas?
Transportée par les 33 arrêts de Gajan, dont 14 au dernier tiers, la Slovaquie a alors causé la surprise en s'imposant 6-3. Deux jours plus tard, aucun des 28 tirs des Lettons n'a échappé à son armure dans un gain de 3-0. Puis, avec la tête du Groupe B à l'enjeu contre la Suisse, Gajan a aidé la cause des siens en repoussant 32 lancers et tenant son bout pendant 10 rondes en fusillade avant de s'avouer vaincu.
Défait pour la toute première fois dans les couleurs de son pays, Gajan allait maintenant devoir se mesurer au Canada en quarts de finale.
« J'étais malade et je faisais de la fièvre. Je ne pensais pas vraiment être en mesure de jouer, mais après en avoir parlé avec l'entraîneur des gardiens, on a décidé de tenter notre chance. Qu'est-ce qui pouvait m'arriver de si épouvantable à affronter les meilleurs joueurs au monde? Il y a quelques semaines à peine, je jouais dans la NAHL! »
Les tirs de Connor Bedard, il ne pouvait jusque-là qu'en rêver.
« Deux semaines avant le Mondial junior, je n'étais même pas sur la formation. Je ne m'attendais pas du tout à être là. Personne ne s'y attendait. Quand quelqu'un publiait des vidéos de ses buts sur Instagram, je les regardais peut-être dix fois en ligne. Et voilà que soudainement, je me retrouve à jouer contre lui. C'était fou, mais j'étais confiant que je pouvais jouer à ce niveau. »
Non seulement il a été à la hauteur contre les éventuels champions du tournoi, il a été brillant. Dans un revers de 4-3 encaissé en prolongation, le Slovaque a réalisé 53 arrêts avant que Bedard ne mette fin à sa semaine de rêve sur le huitième lancer de la période de surtemps.
Gajan est alors rentré au vestiaire avec un taux d'efficacité de ,935, le meilleur de tous ses compères au terme de la compétition. Un rendement qui n'a pas échappé aux éclaireurs de la Centrale de recrutement de la LNH, qui le classe au 6e rang des meilleurs espoirs de sa position à évoluer en Amérique du Nord.
« Je suis un gardien très athlétique qui patine bien, une facette que je juge importante. Mon explosivité, ma mobilité et mon maniement de la rondelle font aussi partie de mes forces. J'essaie toujours de faire des jeux que la majorité des gardiens n'osent pas faire », note l'athlète de 6 pi 3 po et 180 lb.
Adam Gajan
Au fil de la saison, Gajan a discuté avec 30 clubs de la LNH et 19 l'ont rencontré la semaine dernière à Buffalo au Camp d'évaluation, dont le Canadien. À sa deuxième année d'admissibilité, celui qui compte poursuivre son parcours dans la USHL à Green Bay la saison prochaine s'attend à trouver preneur entre la deuxième et la quatrième ronde.
« Peu importe quand je serai sélectionné, je m'en fous. Ce sera extraordinaire pour moi. [...] Je me suis amélioré beaucoup cette année, oui, mais je ne pense pas avoir changé tant que ça en tant que gardien. J'ai juste finalement eu la chance de montrer ce que je peux faire. »