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RÉSULTATS

Montréal en danger après un match d'anthologie

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Le livre des records d'un circuit de hockey professionnel naissant prend forme minute après minute, période après période, match après match. On y trouvera des exploits à la durée de vie plus ou moins éphémère: le plus grand nombre de buts dans un match par une équipe, par un(e) athlète, le plus de blanchissages, le plus de minutes de punitions, le plus de tirs, etc... Mais certains des records établis samedi soir à la Place Bell pourraient être durs à effacer. Malgré qu'avec la Ligue professionnelle de hockey féminin, on ne sait jamais.

En soi, le premier duel de la série demi-finale trois de cinq entre Montréal et Boston, jeudi soir, avait déjà été assez remarquable; 74 minutes 25 secondes d'action sur la patinoire, réparties sur presque quatre périodes complètes, au fil d'un affrontement qui avait duré trois heures et neuf minutes.

Mais qui parmi les 10 172 spectateurs – une salle comble le même soir où une légende du soccer foulait la pelouse du stade Saputo 20 km plus loin –, qui parmi les membres des médias et surtout, parmi les joueuses et le personnel d'entraîneurs des deux clubs aurait prédit que les statistiques établies jeudi allaient être remplacées, quelque 48 heures plus tard seulement, par les suivantes : 111 minutes 44 secondes d'action, presque six périodes complètes, le tout échelonné sur une durée de quatre heures 47 minutes.

Un duel, soit dit en passant, qui s'est terminé par une victoire de 2-1 de Boston – par le même score que jeudi – grâce au filet décisif de Taylor Wenczkowski à 11:44 de la troisième période supplémentaire.

Cinq minutes de plus – on évitera d'ajouter le qualificatif « petites » par respect pour les courageuses actrices de ce match d'anthologie – et les médias auraient précisé que la partie s'est terminée dimanche matin.

Certaines des statistiques individuelles de ce match sont hors du commun. Deux jours après une performance de 53 arrêts, la gardienne Aerin Frankel, de Boston, a bloqué 56 tirs. Ann-Renée Desbiens, sa rivale à l'autre extrémité de la patinoire, a eu à repousser 50 rondelles samedi soir.

Puis, il y a la défenseuse montréalaise Erin Ambrose qui a joué pendant plus d'une heure, 61 minutes 33 secondes pour être précis. Autrement dit, Ambrose a passé plus de 55 pour cent du temps sur la patinoire.

Quatre de ses coéquipières ont franchi le plateau des 50 minutes d'action: la défenseuse Kati Tabin (56:49) et les attaquantes Kristin O'Neill (52:44), Laura Stacey (52:30) et Marie-Philip Poulin (50:33).

À l'inverse, six joueuses de l'équipe montréalaise ont joué moins de 10 minutes dans cette rencontre, dont trois ont obtenu moins de deux minutes de temps de glace (Jillian Dempsey 1:37, Madison Bizal 0:35 et Brigitte Laganière 0:12). Du côté de Boston, trois patineuses ont passé moins de 10 minutes sur la patinoire de la Place Bell, dont une (Abby Cook) qui n'y a jamais été envoyée.

Stacey a dominé toutes les patineuses avec neuf tirs aux buts, un de plus que Poulin, que sa coéquipière Maureen Murphy et que sa rivale Hilary Knight qui, elle-même a été utilisée pendant 49:23, plus que toute autre joueuse de Boston.

Assise au podium à la gauche de sa coéquipière Sarah Lefort et de l'entraîneuse-chef Kori Cheverie pour la conférence de presse d'après-match, Stacey était visiblement exténuée.

« Très profondément », a avoué Stacey lorsqu'elle s'est fait demander jusqu'à quel point il faut puiser dans ses ressources physiques et mentales pour continuer à lutter et essayer de ne pas flancher lors de pareil match.

« Récemment, quelqu'un est venu nous parler et nous a dit que c'est quand notre corps est à bout, ou quand on a l'impression qu'il ne nous reste plus rien physiquement, qu'il faut se battre et qu'on ne sait jamais ce qu'il nous reste à l'intérieur de nous », a ensuite relaté l'attaquante de la formation montréalaise.

« Et je pense que c'est ce que nous nous sommes répété dans le vestiaire, sur le banc. Ça fait mal, ce n'est pas agréable, mais continuons à pousser et à faire tout ce que nous pouvons mentalement pour y arriver », a ajouté Stacey.

Au-delà de l'effort quasi surhumain que certaines joueuses des deux clubs ont eu à accomplir samedi soir, il existe une réalité cruelle, du moins pour l'un de ces clubs : l'équipe de Montréal est dans l'eau chaude car mardi soir, au Tsongas Center à Lowell, au Massachusetts, elle fera face à l'élimination.

La formation montréalaise a été limitée à deux buts – marqués par O'Neill et chaque fois en avantage numérique – malgré 111 tirs dirigés vers Frankel.

« Évidemment, nous aimerions générer plus d'attaque, mais j'aime les opportunités que nous nous donnons en ce moment. Et aussi, nous affrontons une gardienne qui est vraiment en feu », a analysé Cheverie.

« C'est une série trois de cinq. Nous devons tourner les pages de ces deux dernières parties, apprendre ce qu'il y a à apprendre et aller de l'avant. Et je dirais que même entre le premier et le deuxième match, nous nous sommes améliorées en termes de compréhension de la façon de jouer les prolongations, juste un peu mieux. Je pense que c'est la raison pour laquelle la prolongation a duré si longtemps. Nous allons continuer à travailler pour nous assurer que nos joueuses se rétablissent. Et vous savez que nous avons un match très important à Boston qui approche. »

Que Cheverie et ses joueuses veulent mettre de côté les deux premiers matchs, et surtout celui de samedi, est tout à fait compréhensible.

Mais il reste que pour la LPHF et le hockey féminin en général, la partie de samedi n'est pas près de tomber dans l'oubli à cause de l'intensité et de la qualité du spectacle sur la patinoire.

Courtney Kessel, l'entraîneuse-chef, l'a d'ailleurs noté avec éloquence après la rencontre.

« Je pense que toute l'année, nous avons vu ce sport passer de quelque chose de bien à quelque chose de grand. Aux personnes présentes dans les gradins, nous leur avons donné ce qu'elles étaient venues chercher: de la vitesse, de la robustesse, des pièces de jeu, des tirs », a d'abord énuméré Kessel.

« Ces femmes sont d'excellentes joueuses de hockey, mais plus important encore, des êtres humains formidables. Je suis reconnaissante envers mon équipe d'avoir un groupe aussi incroyable. Nous avons vu deux équipes de hockey phénoménales s'affronter en séries éliminatoires et c'est ce que nous recherchons tous. »