La Victoire de Montréal goûte à la médecine de Sarah Fillier
LAVAL – C'est une chose d'identifier la menace, c'en est une autre de savoir l'enrayer.
Dans le vestiaire de la Victoire mercredi soir, on soupçonne qu'il y avait, accroché quelque part, un tableau sur lequel étaient inscrits deux noms : Sarah Fillier et Alex Carpenter. Elles étaient les deux joueuses à surveiller, mais l'ont été avec un tel laxisme qu'elles ont pu brillamment mener les Sirens de New York à une victoire de 4-1 sur leurs rivales montréalaises.
Carpenter a inscrit le but vainqueur au milieu de la troisième période, alimentée par une sublime passe de Fillier. Positionnée derrière le filet d'Ann-Renée Desbiens, la scintillante recrue monopolisait l'attention de trois adversaires quand elle a pivoté pour servir une passe à l'aveuglette à sa partenaire.
Fillier, qui avait enfilé son premier but chez les professionnelles plus tôt dans le match, a justifié tous les éloges qui lui sont réservés en terminant la rencontre avec trois points. Elle en compte déjà cinq après deux matchs dans la LPHF.
« Aussi incroyable que vous l'avez trouvée, a répondu du tac au tac la Québécoise Élizabeth Giguère quand une collègue lui a demandé ses impressions sur sa jeune coéquipière. Chaque fois qu'elle embarque sur la patinoire, tu ne sais jamais ce qui va se passer. Tout le monde pense qu'il n'y a pas de jeu à faire et elle peut sortir de quoi comme sur le but de Carpenter. Ça fait un mois que je pratique avec elle à chaque jour et elle est juste incroyable à voir jouer. »
« Je ne crois pas qu'il y ait une seule personne qui œuvre dans le monde du hockey qui ne croyait pas qu'elle pouvait intégrer cette ligue et dominer dès le départ comme elle le fait, a suggéré l'entraîneur des Sirens Greg Fargo. Ça fait longtemps qu'elle le fait sur la scène internationale. Elle était prête pour ce défi. C'est une fille très confiante et elle a déjà mérité la confiance de ses coéquipières. »
Kori Cheverie était moins impressionnée. Plutôt que d'encenser ses bourreaux, la pilote montréalaise a déploré les trop fréquentes imprécisions dans le jeu de ses protégées.
« [Les New-Yorkaises] ont été bonnes, mais c'est surtout nous qui ne l'avons pas été, a-t-elle proposé. Ça ne cliquait pas beaucoup pour nous ce soir et beaucoup des choses que nous avons subies étaient le fruit de nos propres erreurs. »
L'argument de Cheverie est certainement biaisé, mais il se défend.
De sa première à sa dernière joueuse, la Victoire a été apathique durant toute la première période. Réactives, les Montréalaises ont écopé de deux pénalités mineures dans les dix premières minutes du match et de manière générale, elles ont peiné à s'organiser dans leur territoire.
Des nombreux revirements dont elles ont été victimes, aucun n'a été plus aberrant et dommageable que celui causé par Anna Kjellbin. À la 12e minute, la Suédoise a bêtement relayé la rondelle sur le bâton de Jessie Eldridge, l'autre membre du dangereux premier trio des Sirens. Obnubilées par la scène, deux coéquipières ont oublié de couvrir Fillier près du demi-cercle de Desbiens. La jeune internationale canadienne n'a eu qu'à pousser mécaniquement la rondelle dans un but ouvert.
Ça aura été le seul dégât à nettoyer pour la Victoire au premier vingt, un bilan inespéré quand on considère qu'elle a été dominée 18-4 dans la colonne des tirs cadrés.
« On n'était pas prêtes à commencer le match. C'est pas mal ça », a répondu Cheverie lorsque sommée de fournir une explication pour ce faux départ.
Visiblement, les choses qui devaient être dites à l'entracte ont été dites et elles ont été comprises. À peine une minute après la reprise, le même duo qui avait généré le but égalisateur samedi contre Ottawa a frappé, cette fois dans des rôles inversés. Héritière d'une rondelle égarée en zone défensive, Jennifer Gardiner a envoyé Cayla Barnes en échappée. Celle-ci a semé Abby Roque avant de passer sur son revers pour loger le disque près de la bouteille d'eau.
La petite défenseuse est devenue la troisième joueuse de la Victoire à s'offrir une rondelle de collection, souvenir de son premier but chez les pros, cette saison.
En lui opposant tantôt le trio de Kristin O'Neill, tantôt celui de Marie-Philip Poulin, Cheverie a pendant un temps réussi à museler la grande menace new-yorkaise. On a même vu Fillier perdre patience, à mi-match, lorsqu'elle a servi un double-échec à O'Neill, offrant à Montréal son premier jeu de puissance.
Mais la résistance de l'équipe hôtesse a été trop inégale. « On tentait d'avancer, mais c'est comme si des bâtons étaient constamment lancés dans les roues de notre vélo », a tenté d'illustrer Cheverie. Ses joueuses ont négligé les détails, elles ont triché, ont pris des mauvaises décisions.
Et le monstre à deux têtes qu'elles tentaient de dompter a fini par infliger la morsure fatale.
« Ce sont deux joueuses talentueuses, on le savait, s'est résignée Desbiens. On leur a donné un peu trop de temps et d'espace et quand elles ont ça, tu sais qu'elles vont capitaliser. »
La Victoire s'est vu offrir une chance platine de revenir dans le match en obtenant un avantage numérique avec trois minutes à jouer en troisième période. L'ancienne Martlet de l'Université McGill Jade Downie-Landry a plutôt confirmé la victoire de New York en marquant dans un filet désert.
La Victoire conclura une semaine chargée vendredi alors qu'elle sera à Ottawa pour disputer son premier match sur la route.