Malentendant, William Lacelle excelle devant le filet
MONTRÉAL – Premier gardien sélectionné au dernier repêchage de la LHJMQ, William Lacelle possède un potentiel fascinant. Mais en sachant qu'il excelle en étant malentendant, ça rend le tout simplement épatant.
Depuis sa naissance, Lacelle doit composer avec cette réalité qui est également celle de sa mère. Sourd à 100% de l'oreille gauche et à plus de 50% de l'oreille droite, Lacelle parvient désormais à aborder sa condition de la meilleure manière.
Il l'appelle son « superpouvoir ».
On utilise le mot, désormais, puisque ce ne fut pas toujours évident pour Lacelle de composer avec cette différence. Malheureusement, il n'a pas pu éviter des remarques déplacées.
« Je me suis fait intimider quand j'étais jeune à l'école et parfois dans les vestiaires de hockey. Ce n'était pas des moments faciles dans ma vie. J'étais très triste le soir, je pleurais beaucoup », a raconté Lacelle, au RDS.ca, avec une grande maturité pour un jeune homme de 15 ans.
« Mes parents m'ont aidé à traverser ça. Ils m'ont dit de ne pas m'en préoccuper et de me concentrer sur ce que je voulais réussir », a confié le gardien qui brille depuis deux saisons avec les Lions du Lac St-Louis au niveau M18AAA.
Une fois de plus, Lacelle a démontré qu'il pouvait transformer son expérience positivement : en étant un coéquipier exemplaire.
« Will est extraordinaire, il prend soin de tout le monde. Il vient même me voir parfois avec des idées pour aider des joueurs », a noté son entraîneur, Vezio Sacratini.
Tranquillement, l'histoire personnelle de Lacelle commence à être connue dans le milieu du hockey. Il en ressent d'ailleurs un soulagement puisqu'il s'apprête à se diriger dans la LHJMQ ou vers le chemin des universités américaines (NCAA). Il redoutait que sa condition puisse avoir un impact négatif auprès des équipes à un plus haut niveau. Le voilà donc libéré d'un poids sur les épaules.
« C'est super impressionnant! Il pensait que ça pourrait le pénaliser, mais en fin de compte, il réalise que non. Je pense aussi que ça va aider d'autres jeunes qui ont des soucis de différentes natures, pour leur montrer qu'ils peuvent réussir », a argué l'entraîneur.
Sacratini visait juste. On a eu vent qu'un gardien au niveau mineur, composant avec une condition similaire, avait été inspiré en découvrant l'histoire de Lacelle. Quand on aborde le sujet en entrevue, Lacelle se redresse et son visage s'illumine d'une fierté si méritée.
« Ah oui?, répond-il. C'est excellent, on est là pour s'aider chacun et je suis très content d'entendre ça. »
Le coéquipier le mieux placé pour parler du parcours de Lacelle, c'est Bo Damphousse, le fils de notre collègue Vincent qui a été son entraîneur et l'un des premiers à remarquer son talent comme gardien.
« C'est sûr que c'est impressionnant. Quand tu le vois la première fois, tu ne le remarques pas. Il a composé avec ça toute sa vie et il continue à bien le faire. Mais, plus tu montes les niveaux, plus c'est difficile d'être bon et il gère très bien ça, c'est incroyable. Ce n'est vraiment pas évident (d'être malentendant) au hockey », a convenu celui qui évolue à la défense.
Grâce à son talent et le repérage de la rondelle, Lacelle est en mesure de compenser pour certaines consignes qu'il n'entend pas lors des matchs.
« Parfois, je vais en manquer, je n'entends pas tout sur la glace. Ce que j'entends toujours en premier, ce sont les bruits dans les gradins qui sont plus forts », a décrit Lacelle.
« Ça ne pose pas problème parce qu'il lit très bien le jeu et il est très bon pour manier la rondelle », a réagi Damphousse qui a disputé quatre matchs avec l'Armada de Blainville-Boisbriand cette saison.
La LHJMQ ou la NCAA, là est la question
On le disait d'entrée de jeu, Lacelle a été repêché dès le 10e rang par l'Océanic de Rimouski. L'organisation a été charmée par son année recrue dans le M18AAA en 2022-2023. Lacelle a exposé un rendement sensationnel même s'il fait partie des plus jeunes athlètes de sa cuvée étant né le 26 décembre. Il a présenté une efficacité de ,947 jumelée à une moyenne de 1,55 et une fiche de 18-4.
Il poursuit dans la même veine cette saison et un recruteur d'une équipe de la LHJMQ, croisé au match de Lacelle mercredi, a lancé, sans hésiter une fraction de seconde, qu'il est « le meilleur gardien du circuit ».
En raison de sa date d'anniversaire, Lacelle doit attendre au début janvier pour discuter avec les universités américaines. À partir de là, il pourrait mieux orienter sa décision.
Il choisira entre l'avenue de la LHJMQ où il rivalisera avec plusieurs amis, dont Caleb Desnoyers et Émile Guité, ou celle américaine empruntée par Devon Levi, un gardien qui l'encourage quand il s'entraîne parfois ensemble durant l'été.
Lacelle se promet de prendre son temps pour trancher. Ce qu'il sait, c'est que son rêve se nomme la LNH. Décrit comme « un jeune qui mange du hockey » par son entraîneur, Lacelle affectionne le style de plusieurs gardiens, mais surtout celui de Sergei Bobrovsky.
« Je le regardais toujours quand j'étais jeune, je trouve que je joue comme lui », a expliqué celui qui a raffolé des dernières séries éliminatoires.
Avec son histoire personnelle, ce serait un magnifique accomplissement qu'il se rende dans la LNH. Mais au niveau sportif aussi, car sa famille regorge d'anciens hockeyeurs et gardiens. L'un de ses oncles lui montre d'ailleurs souvent de vieilles images des gardiens des années 1970, ce qui le fait grandement sourire.
Un sourire qui s'est accroché à son visage quand ses parents ont acquiescé à sa demande de quitter le patinage artistique pour le hockey vers l'âge de 6-7 ans, alors qu'il habitait en Outaouais. Mais il a été encore plus heureux quand ils ont accepté sa demande suivante, celle de renoncer au poste de défenseur pour enfiler les « grosses jambières ».
*Avec la collaboration des collègues Mikaël Filion, pour l'idée, et Guillaume Pelletier pour le montage vidéo.