Le rendement des Tchèques est-il réellement une surprise?
HALIFAX – Pour une deuxième fois en l'espace de cinq mois, la Tchéquie peut rêver à une place sur le podium au Championnat mondial de hockey junior.
Mercredi après-midi, l'équipe ayant terminé la phase préliminaire au sommet du groupe A tentera de s'assurer d'être décorée d'une médaille pour la première fois depuis le bronze qu'elle avait récolté en 2005, il y a déjà 18 ans.
Durant cette période de grande sécheresse, la Tchéquie a terminé quatrième à deux reprises.
L'histoire récent était relativement encourageant pour les Tchèques, puisque ces deux résultats ont été obtenus en 2018, et en août dernier.
Dans un peu moins de 24 heures, la formation slave affrontera la Suède (14 h 30, RDS), et une place en grande finale sera alors à l'enjeu.
Après son triomphe en quarts de finale contre les États-Unis à Edmonton – succès qu'à peu près personne n'avait vu venir, faut-il convenir –, cette nouvelle incursion tchèque dans le carré d'as est teintée d'une saveur bien différente.
Certains observateurs, plus audacieux que la moyenne, prédisaient à la Tchéquie le deuxième rang du groupe A, derrière Équipe Canada junior, et devant la Suède.
Dans l'entourage de l'équipe, une confiance tranquille régnait dès l'arrivée à Halifax.
Le constat est frappant, après l'avoir vu participer à cinq rencontres au Scotiabank Centre, dont quatre victoires en temps réglementaire et un revers en prolongation : le groupe de joueurs dirigé par Radim Rulik recelait un potentiel qui a été largement sous-estimé.
« Je crois que nous croyons tous à notre potentiel d'aller jusqu'au bout, a proposé l'attaquant vedette Jiří Kulich. Nous pensons avoir un meilleur club que [celui qui a terminé quatrième en Alberta]. Par contre, nous restons humbles et positifs, prêts à jouer selon le plan de match. »
« Ça nous est égal, si on nous accorde ou non le mérite d'être à la hauteur des autres puissances du tournoi, a également partagé Kulich. L'important, c'est que dans notre état d'esprit, on l'est. »
Svozil à l'avant-plan d'une défense efficace
Plus spécifiquement, au début de ce CMJ, c'est la qualité de jeu globale affichée par la brigade défensive qui a retenu l'attention.
Entre la première paire constituée du capitaine Stanislav Svozil et David Špaček, deux patineurs qui auront 20 ans au début de l'année 2023, et le 6e choix au total du dernier repêchage David Jiříček, les Tchèques arrivent à produire de l'attaque soutenue en provenance de la ligne bleue, peut-être mieux que n'importe quel autre pays dans ce Mondial junior.
Svozil étourdit ses rivaux grâce à ses habiletés de passeur et en transport de rondelle. On l'a vu porter le chapeau de quatrième attaquant et appuyer le jeu derrière la ligne des buts adverse maintes et maintes fois, de sorte qu'il est un candidat de choix à une éventuelle nomination au sein de la première équipe d'étoiles.
« Il est tellement un bon gars et un bon capitaine. Il est notre leader incontesté, sur la glace comme dans le vestiaire. Il nous est d'une grande aide », a louangé Kulich, au sujet du no 14 des Tchèques.
Son partenaire à droite Špaček a quant à lui déjà produit trois buts et six points.
Souvent jumelé à Tomas Hamara, Jiříček n'affiche pas la même constance d'une présence à la suivante, mais sa capacité à faire tourner le vent un soir donné, que ce soit par un coup de canon de la pointe, une mise en échec brutale ou une montée à l'emporte-pièces, elle, demeure indéniable.
Rulik a beau miser sur un « Big Three » des plus redoutables, la beauté de la chose est qu'il fait suffisamment confiance à six de ses arrières pour répartir plutôt équitablement le temps de glace.
Ainsi, Svozil mène son club avec 18:58 de moyenne de temps de jeu, 27 secondes de plus que Jiříček, et 32 de mieux que Špaček.
Mais Hamara et David Moravec suivent non loin derrière les trois meneurs de la ligne bleue, à 17:21 et 17:05 respectivement, tandis que Jiří Ticachek se situe à 16:45 par rencontre.
Il vaut cependant la peine de souligner que la Tchéquie a eu beau jeu de reposer ses meilleurs joueurs dans la deuxième moitié des duels dominés face à l'Autriche, l'Allemagne et la Suisse.
Kulich et les grandes occasions
Choix de première ronde des Sabres de Buffalo en juillet dernier, Kulich s'impose comme le cœur et l'âme du noyau offensif des Tchèques jusqu'ici.
Ce dernier vient au deuxième rang des pointeurs de son pays, avec cinq buts et deux mentions d'aide, ce qui lui donne un point de moins que Svozil (1-7).
Ce n'est pas la première fois que l'ailier au tir foudroyant se fait remarquer en compétition internationale; chez les moins de 18 ans, au printemps 2022, il avait cumulé 11 points en six parties, ce qui lui avait procuré le troisième rang des pointeurs du tournoi.
Quelques mois plus tard, dans la version estivale du CMJ, Kulich annonçait ses couleurs là aussi, en amassant huit points (2-6) en sept matchs.
À l'exception du match contre l'Allemagne, Kulich a patiné aux côtés du centre Matyáš Šapovaliv et d'Eduard Šalé, le plus bel espoir tchèque en vue de l'encan de 2023.
« J'ai joué avec Kulich et Šapovaliv chez les moins de 18 ans, l'an dernier. C'est assez impressionnant de jouer avec ces deux gars, a d'ailleurs souligné Šalé lundi, après le gain écrasant face à la Suisse.
« Je crois qu'on a la chance d'avoir un bon groupe avec de la profondeur, et de très bons leaders aussi, a évalué Šalé, Nous avons une bonne relation ensemble, et nous jouons bien collectivement. »
« Kulich est le franc-tireur de notre trio, tandis que Šapovaliv récupère les rondelles, crée des jeux et joue très bien défensivement. Et moi, j'apporte mes qualités de fabricant de jeux. On se complète très bien nous trois », a ajouté l'ailier âgé de 17 ans, qui dit modeler son jeu autour de celui de Jonathan Huberdeau.
Kulich, qui connaissait de bons moments dans la LAH avec les Americans de Rochester malgré son jeune âge avant de participer au tournoi, abonde dans le même sens.
« Nous nous connaissons bien, et notre entente est très bonne, a confirmé Kulich. Il est tellement un bon joueur pour un ‘2005'. Il sait comment jouer contre des hommes, il sait passer et son tir est bon. Vraiment un joueur complet. Je le vois être sélectionné dans le top-10. »
Déjà auteur d'un tour du chapeau à Halifax, Kulich a ajouté une performance de quatre points dans le quart face aux Suisses.
« C'est sûr que de jouer avec Rochester m'a aidé à progresser et développer mon jeu. C'est une ligue difficile [pour un jeune joueur], car tout le monde veut se faire remarquer par la LNH. Tout le monde veut faire un jeu qui va faire la différence, que ce soit une mise en échec ou un jeu offensif. »
Chose certaine, avec un premier trio aussi menaçant à l'intérieur de la ligne bleue offensive, et l'excellent apport provenant des joueurs qui garnissent les deuxième et troisième unités – qu'il s'agisse de Marcel Marcel, Gabriel Szturc, Peter Repchik ou Jakub Brabenec – la Tchéquie a une panoplie de raisons de croire en ses chances de jouer pour l'or pour la première fois depuis ses deux conquêtes consécutives de 2000 et 2001.
Si la Tchéquie vous a donné l'impression d'aligner un effectif misant sur plusieurs joueurs costauds, on voue prie de nous croire : cette observation a tenu la route lorsqu'est venu le temps de réaliser des entrevues avec plusieurs de ceux-ci.
Suchánek la révélation
À tous ces facteurs s'ajoute le brio dont a fait preuve le gardien de but de 19 ans Tomáš Suchánek dans ce tournoi.
Titulaire d'une efficacité de ,935, Suchánek, qui a été snobé au dernier repêchage de la LNH, semble être de ces portiers qui disputent leur meilleur hockey sur la scène mondiale.
Le produit des Americans de Tri-City, dans la Ligue junior de l'Ouest, a gardé les buts pour l'entièreté du tournoi des Tchèques à ce jour, pour un total de 301 minutes entre les poteaux.
Comme si ce n'était pas assez, il s'est également permis de récolter pas moins de quatre mentions d'aide en relançant l'attaque ici et là, ce qui représente un record du CMJ.
« Je suis content de faire ma part dans les succès de l'équipe présentement, a mentionné Suchánek, qu'on a vu souriant tout au long de la compétition.
« Je suis dans une bonne zone au niveau de la confiance. Mais en même temps, je sais bien que nos matchs les plus importants sont ceux qui s'en viennent », a-t-il prévenu.
À voir maintenant si le résultat de la demi-finale de mercredi sera différent du 29 décembre, lorsque la Suède avait eu gain de cause en prolongation, à trois contre trois.