Qu’en est-il de la responsabilité sportive?
Hockey mardi, 10 déc. 2013. 10:57 mercredi, 11 déc. 2024. 09:49Le match de samedi dernier entre les Bruins et les Penguins a suscité beaucoup de réactions et une fois de plus, la violence était de la partie. Certes, sa pertinence au hockey est de plus en plus critiquée en ce que la sécurité des joueurs est de plus en plus menacée.
Le hockey étant un sport de rudesse, le joueur qui le pratique doit ainsi consentir au risque d'être accidentellement blessé. Or, le geste de Shawn Thornton peut difficilement constituer un risque implicitement accepté par un joueur. En effet, si les coups assénésà Brooks Orpik n'étaient ni prévisibles, ni habituels, il est difficile de présumer qu'il ait consenti à se faire frapper aussi violemment en prenant part au match[i]. Ici, la preuve révèle qu'Orpik n'était pas en position de se défendre lorsque Thornton a continué à lui donner des coups. Bien qu'Orpik avait frappé Loui Eriksson au préalable, il n'en demeure pas moins que la conduite de Thornton outrepassait les normes raisonnables du jeu, laquelle pourrait engager sa responsabilité civile en plus d'une suspension disciplinaire.
Rappelons qu'au cours du même match, Brad Marchand a lui aussi été victime d'un coup de genou à la tête par James Neal. C'est donc à se demander si les gestes reprochés étaient raisonnables eu égard aux circonstances ou simplement gratuits. Du moins, la LNH a cru pertinent d'imposer une suspension de cinq matchs à Neal alors que Thornton a été convié à une audience avec le Département de la sécurité au cours de laquelle il donnera sa version des faits.
Mais est-ce que subir des blessures causées par des excès de violenceest un risque inhérent au hockey? La nature même de ce sport engendre certains dangers de telle sorte qu'un mauvais coup n'est pas forcément générateur de faute. Dans la mesure où le geste est spontané, pondéré et non appréhendé, il ne constituera pas une inconduite. Toutefois, l'athlète ne consent pas à de la violence injustifiée et imprévisible en jouant au hockey. La difficulté est que tout relève du degré d'intensité du geste reproché en ce qu'il est complexe de tracer la ligne entre l'accident et l'acte prémédité. Pour évaluer si l'acte est abusif, il faudra le comparer à celui d'un joueur raisonnable en de pareilles circonstances. À ce titre, Brendan Shanahan, directeur de la sécurité des joueurs, a affirmé que Neal savait pertinemment où se trouvait Marchand sur la patinoire au moment de l'incident et qu'il n'a rien fait pour l'éviter.
Parallèlement, le droit criminel peut aussi trouver application en l'espèce, car la violence au hockey peut prendre la forme de voies de fait causant des lésions corporelles. Ceci étant, pour qu'il y ait une infraction criminelle, l'acte doit être accompagné de l'intention d'utiliser la violence au-delà du seuil permis. Conséquemment, une infraction au sens du Code criminel n'est pas perpétrée lorsque l'accusé agit de manière involontaire.
Somme toute, les gestes excessifs seront interdits s'ils ne sont pas reliés à la pratique usuelle du hockey et s'ils dépassent largement les règles du jeu. Ainsi, ni le droit civil, ni le droit criminel ne permettront les écarts de conduite démesurés d'un joueur. Le débat entourant la violence au hockey existe depuis des décennies, mais il est devenu incontournable suivant l'agression de Todd Bertuzzi à l'endroit de Steve Moore en 2004. Force est de constater qu'Orpik aurait pu connaître le même sort que Moore, lequel a dû mettre fin à sa carrière suite à l'attaque dont il a été victime. Chose certaine, les conséquences sur la santé des joueurs sont devenues beaucoup trop graves pour que ce problème ne soit pas pris sérieusement. Si des dispositions efficaces ne sont pas mises en place prochainement pour vaincre ce fléau, la justice n'aura d'autres choix que de se mêler aux affaires de la LNH.