Colin White à Montréal, effet papillon à Laval
LAVAL – Peut-être vous êtes-vous posé la question la semaine dernière, entre des défaites contre Buffalo et Pittsburgh : pourquoi Colin White?
Le 22 février, le Canadien a réclamé au ballottage l'ancien choix de première ronde des Sénateurs d'Ottawa. Au moment de la transaction, le joueur de centre de 27 ans avait été blanchi en onze matchs dans la Ligue nationale cette saison. Il n'avait rien cassé non plus dans la Ligue américaine, enregistrant dix points en 21 parties.
Pendant la dizaine de minutes par match qu'on entendait lui confier, que pouvait-il bien apporter de plus à sa nouvelle équipe que Brandon Gignac, qui a pris le chemin de Laval 24 heures plus tard? La réponse la plus plausible, c'est qu'en renvoyant le rapide Repentignois en banlieue, Kent Hughes a voulu redonner du tonus à son club-école, engagé dans une lutte à finir pour une place en séries éliminatoires.
Jean-François Houle, tout en niant logiquement toute implication dans ce genre de dossier, n'a en tout cas pas démonté cette théorie lorsqu'elle lui a été présentée lundi. « Je pense que c'est important pour l'organisation de pousser pour faire les séries. On est dans la course et c'est sûr qu'avec Gignac, ça peut juste nous aider », a raisonné l'entraîneur-chef.
Ce dont Houle est certain, par contre, c'est que des décisions comme celle-là, peu importe les raisons qui les motivent, ont des répercussions dans la gestion de son effectif. Parce qu'il n'y a pas que Gignac qui a pu encaisser difficilement l'arrivée de renfort externe dans le contexte actuel. Philippe Maillet, qui le suit dans la liste des meilleurs compteurs du Rocket, aurait pu l'avaler de travers. Lias Andersson, auteur de 14 buts, aurait pu penser qu'il méritait son tour. On peut supposer la même chose de Xavier Simoneau.
« Pour nous, dans la Ligue américaine, oui ça fait partie de notre job, les instructeurs, de gérer ça, affirme Houle. Parce que c'est vrai que ce n'est pas facile quand tu regardes ça. On a certains joueurs qui auraient aimé ça avoir l'appel en haut. Mais c'est ça, être un professionnel. Il faut que tu sois prêt à toutes éventualités. »
Les athlètes de haut niveau sont programmés pour diriger leur énergie sur ce qu'ils ont le pouvoir d'influencer. En tout cas, ils excellent dans l'art de nous le répéter. Mais ils sont aussi des êtres humains en proie aux mêmes vulnérabilités que l'amateur qui paie son billet pour aller les encourager.
Maillet est bien placé pour disserter sur le sujet. Le joueur de 31 ans dispute sa septième saison dans les rangs professionnels. Il a joué 140 matchs dans la Ligue américaine avant de signer un premier contrat dans la LNH. Sa persévérance lui a valu deux auditions éphémères avec les Capitals de Washington en 2021. Depuis, toutes ses décisions sont prises en fonction de retourner dans la meilleure ligue au monde.
« C'est sûr que des fois, ce n'est pas facile. C'est la business, a admis le vétéran après l'entraînement lundi. Mais je pense que la chose qui est importante, c'est que pendant que tu es ici, tu gardes la bonne attitude. Ce n'est pas en faisant la baboune ou en ayant un f*** you mentality [que tu vas avancer]. Ça n'apporte rien et ce n'est pas un bon exemple pour les jeunes. »
Une carapace... et une femme au courant
L'ancien des Tigres de Victoriaville est capable de dire qu'il n'est pas imperméable aux conséquences néfastes des attentes déchues. Pas plus tard qu'à l'automne dernier, son expérience ne l'a pas protégé d'un long passage à vide après son exclusion du camp d'entraînement du Canadien. Il montrait un ratio défensif de -10 quand il a marqué son premier but à son neuvième match avec le Rocket.
« Je me suis creusé un trou personnellement et je pensais peut-être un peu trop à ça, admet-il avec le recul. J'avais eu un bon été, je m'en venais ici pour faire le gros club. Ça n'a pas marché, j'ai vécu un retour à la réalité. Ça a pris un peu de temps pour que je retrouve le bon état d'esprit. »
Néanmoins, Maillet estime s'être bâti une carapace au fil des années, une coquille qui lui permet de garder les pieds sur terre. « T'as pas le choix, sinon tu ne dormirais pas de la nuit », dit-il avec humour. Il a aussi pris la décision de fermer ses comptes de réseaux sociaux en signant avec le Canadien après deux années passées en Russie. « Quand quelqu'un se fait rappeler ou rétrograder, c'est ma femme qui me le dit. C'est comme ça que j'ai appris à dealer avec mes affaires. »
Le sympathique barbu s'est drôlement replacé depuis son faux départ. Avec 37 points en 46 matchs, il est en bonne position pour s'approcher de ses marques personnelles pour les buts (18) et les points (54) dans une saison de la Ligue américaine. L'atteinte de ces objectifs pourrait avoir des arômes doux-amers puisqu'elle signifierait sans doute qu'il aurait écoulé son contrat d'un an avec le CH sans être « remonté » dans la LNH.
Mais à ce sujet, son approche pourrait vous surprendre. En gros : il sait que les grains dans son sablier n'échappent pas au concept de gravité, mais il croit qu'il peut contrôler le diamètre de l'ouverture par laquelle ils s'écoulent.
« Je ne sens pas qu'à chaque match, c'est un match de moins pour me prouver. En ce moment, je suis avec le Rocket. Et je pense que la meilleure chose à faire pour moi, c'est de me concentrer sur ce qu'on tente d'accomplir. Moi, je suis un gars de séries. C'est le hockey que j'aime le plus jouer. Éventuellement, le Canadien va vouloir se retrouver dans des situations comme celle-là et des fois, les joueurs avec cet état d'esprit sont durs à trouver. »
« Dans ma tête, je veux leur montrer que même à l'âge que j'ai, je suis un gars fiable. Présentement, ils sont en développement. Les victoires et les défaites, ce n'est pas leur priorité. Mais il y a un moment donné où ça va le devenir et ça ne sera pas dans cinq ans. Ça va peut-être être l'année prochaine. Moi, c'est comme ça que je m'enligne. C'est la seule chose que je peux faire en ce moment. »
Pourquoi Colin White? Il y a longtemps que Philippe Maillet a fait le tour de la question. Et il conseillerait à quiconque caresse les mêmes ambitions que lui de faire pareil.