« Savais-tu qui il était » : le 1er combat de Luke Tuch
LAVAL – « Veux-tu y aller? »
Avoir su que c'était Jeffrey Truchon-Viel qui lui lançait cette invitation, Luke Tuch n'aurait... absolument rien changé à sa réaction.
« Je me suis retourné et il avait déjà retiré ses gants, alors je n'ai pas trop eu le choix. »
C'est ainsi, à son premier match de la campagne avec le Rocket de Laval et son troisième chez les professionnels, que l'attaquant américain a fait ses débuts pugilistiques sur glace vendredi dernier à Providence.
Avec aucune expérience en la matière après un stage de quatre ans avec les Terriers de Boston University dans la NCAA, où les bagarres sont proscrites, Tuch « n'a pas choisi son partenaire de danse », faisait remarquer son entraîneur-chef Pascal Vincent, mercredi.
Effectivement.
Cinq jours après cette rixe, le visage de Tuch affichait toujours les traces de son insouciance lorsque rencontré après la séance d'entraînement des siens à la Place Bell. Ses deux yeux au beurre noir et ses deux coupures refermées par des points de suture ne laissent planer aucun doute sur l'identité du vainqueur du face-à-face sur la carte des juges.
« Quand je suis revenu dans le vestiaire après le combat, tout le monde me demandait : "Savais-tu qui il était?". Je ne veux pas lui manquer de respect, mais je n'en avais aucune idée », a confié Tuch, indiquant au passage qu'il n'était sans doute pas dans les parages avant la rencontre lorsque son coéquipier et compagnon de trio Vincent Arseneau, un habitué de la chose, a formulé une mise en garde au sujet de Truchon-Viel.
« Après le match, je suis allé voir sur [le site] hockeyfights.com et j'ai vu qu'il avait un pas pire C.V. »
Avant de percer la défense de Tuch de quelques bonnes droites et uppercuts, Truchon-Viel avait 42 combats à sa feuille de route dans la Ligue américaine et la LNH combinées.
L'espoir du Canadien a beau avoir reçu cet été quelques leçons de son bon ami Patrick Kaleta et Cody McCormick, deux anciens colosses des Sabres de Buffalo – Tuch est originaire de l'État de New York –, il ne pouvait être prêt pour pareil affrontement.
Mais il n'allait pas reculer. Car après tout, ce ne sont là que les risques du métier pour un joueur comme lui qui distribue les coups d'épaules, rappelle-t-il.
« Dans la NCAA, tu peux frapper aussi fort que tu le peux, les combats ne sont pas permis, alors il y a un peu plus de liberté là. Mais dans cette ligue et dans la LNH, si tu es pour appliquer une solide mise en échec, légale ou pas, et jouer physique, tu dois t'attendre à ce que quelqu'un veuille probablement initier un combat », réalise Tuch.
Un spécimen rare
Ce n'est donc pas cette douloureuse défaite par décision unanime, encaissée alors que Truchon-Viel tentait de réveiller les siens, qui refroidira Tuch. S'il a pu étirer sa présence au camp d'entraînement du Canadien jusqu'à obtenir trois matchs préparatoires, c'est justement grâce à ce style de jeu un peu plus rude, juge-t-il.
« Ils (la direction du CH) m'ont demandé d'apporter [à Laval] ce que j'ai bien fait au camp. Ils ont aimé mon jeu physique, mon rythme, le fait que j'amenais la rondelle au filet avec énergie, que je jouais en ligne droite plutôt que de tournoyer, et que je complétais chacune de mes mises en échec. »
« Il n'y en a plus beaucoup des comme lui. Il a des mains, il peut faire des jeux, il va au filet, et il applique des mises en échec », confirme Pascal Vincent, qui réserve déjà une place sur la deuxième vague de l'avantage numérique à son attaquant de puissance repêché en deuxième ronde en 2020 (47e).
« Une fois qu'il a été établi [après son combat] qu'il était correct, je l'observais parce que je voulais savoir s'il allait changer sa façon de jouer. Zéro. Il était encore sur l'échec-avant, il allait au filet et il jouait une game physique.
« Ça, c'est le genre de joueur que t'aimes avoir dans les playoffs. C'est un joueur qu'on peut développer et je pense que lui, il a vraiment une chance d'avoir un impact avec l'organisation, autant ici qu'éventuellement avec le Canadien. »