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Une belle réussite multiculturelle, mais les coûts dérangent

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MONTRÉAL - Vincent Vachon, un impressionnant défenseur adopté du Mali, Malick Lanouette, un talentueux attaquant aux racines haïtiennes et Biagio Daniele fils, un fabuleux défenseur d'origine italienne, ne sont que trois exemples de la merveilleuse mixité sociale derrière le succès de Hockey Montréal Élite. 

Mais cette histoire inspirante ne dit pas tout, certaines familles peinent à payer l'épicerie en raison des frais exorbitants de notre sport national. 

Débutons avec le chapitre rafraîchissant de cette réussite multiculturelle. L'an dernier, pour la première fois, cinq équipes du regroupement Hockey Montréal Élite (HMÉ) ont atteint la finale des championnats provinciaux. 

« À Montréal, dans le hockey, on est comme une famille de toutes sortes de pays. C'était magique », a mentionné Adel Akkouche, gouverneur et directeur des communications de HMÉ. 

« C'était incroyable d'avoir ce succès. Quand on se déplaçait, c'était comme les Nations unies qui arrivaient », a ajouté Dominic Zotti, le président de l'organisation. 

Cette diversité n'enchante pas que les dirigeants, elle fait tout autant plaisir aux adolescents. 

« Je suis très content de ça. Le hockey est un beau sport, c'est bien que tout le monde puisse mieux le connaître et le pratiquer », a confié Vachon, un grand défenseur droitier mobile et très souriant qui porte parfaitement le numéro 76. 

« Le sport, ça peut réunir des gens qui ne se connaissent pas et ils bâtissent des connexions. C'est vraiment beau », a évoqué Daniele fils qui a capté notre regard dès les premiers instants d'un match. 

On ne peut qu'être d'accord avec leurs paroles de sagesse et ça va encore plus loin. Ce portrait multiculturel est essentiel à la santé du Hockey Québec avec la baisse considérable des inscriptions depuis 20 ans. 

« Montréal va être un gros joueur dans la renaissance du hockey au Québec. Je pense que ça passe beaucoup par la diversité et l'inclusion. On veut tester les programmes, être plus inclusif et attirer une clientèle qui n'est pas traditionnelle. On travaille là-dessus », a admis Jocelyn Thibault, le directeur général de Hockey Québec, en entrevue avec le RDS.ca.  

Catherine Vachon, la mère de Vincent, offre un point de vue très intéressant sur la situation. 

« Pour ces familles, le hockey est un moteur d'intégration extraordinaire », lance-t-elle. 

« Tu ne peux pas trouver des parents et des joueurs plus passionnés par le hockey que les familles d'immigrants. Ils vont participer plus que les autres encore, ils ont le hockey tatoué sur le cœur », a poursuivi la mère du défenseur. 

Le coût du hockey demeure le grand problème

Mais le problème persistant se situe à la base. Le hockey est, tout simplement, trop dispendieux comme sport. Par conséquent, plusieurs familles quittent le hockey ou ne peuvent pas se permettre d'y inscrire leurs enfants.  

« J'ai des amis qui jouent à un niveau plus bas parce qu'ils n'ont pas les moyens », a ciblé Manick Lanouette. 

Ainsi, autant que Zotti est fier des résultats obtenus avec une mixité sociale, ça lui fait mal au cœur d'entendre des histoires comme celle-ci. 

Déjà que le hockey à un niveau élite coûte autour de 3000$ par année, le coût explose au moment d'aspirer au M18AAA (anciennement Midget AAA). Le pré-camp coûte 600$ et le camp 750$. Et la saison? Autour de 10 000$! 

« C'est abusif, c'est trop... », a lancé la mère d'un joueur dont on taira le nom par respect. 

« Même que je me chicanais un peu avec mon chum, il me demandait ce que je faisais avec mon argent. Je lui ai dit qu'il a fallu que je paie le hockey. Il m'a répondu que je priorisais le hockey à l'épicerie », a ajouté celle-ci. 

« Quand une famille quitte son pays et s'installe au Québec, la priorité, pour les parents, ce n'est pas le sport, c'est le coût du sport. Et c'est sûr que ça nous tue. Les parents veulent d'abord avoir suffisamment à manger sur la table », a réagi Zotti. 

Ce dirigeant travaille fort pour que les coûts demeurent bas à Montréal et cette discussion lui rappelle un exemple. 

« On avait un jeune qui habitait dans un HLM, près du Stade olympique. Il était un peu devenu mon projet dans le sens que j'allais le chercher moi-même parce que la mère n'avait pas d'auto. Après, j'ai confié la tâche au gérant de l'équipe. C'est pour ça que je fais du hockey », a raconté Zotti.

« On n'a jamais retranché un joueur car sa famille n'avait pas les sous. Ça n'arrivera pas tant que je serai là », a-t-il ajouté. 

À ce propos, une nouvelle entente a été ficelée récemment avec Sports Rousseau alors que cinq joueurs recevront, chacun, 1000$. Le président Pierre Gendron, qui est originaire de Montréal-Nord, a vécu cette réalité durant sa jeunesse et il redonne à la communauté de différentes manières. 

Justement, Catherine Vachon a remarqué l'attrait provoqué par le hockey dans ce quartier. 

« Notre équipe s'entraîne parfois à Montréal-Nord. Il y avait des enfants dans les rues et, quand ils remarquaient que plusieurs noirs entraient dans l'aréna, ils voulaient entrer et voir. Ils se reconnaissaient en eux. Donc l'intérêt est là, mais c'est l'argent...  Ça prendrait vraiment un soutien financier et une implication dans certains quartiers », a-t-elle ciblé.

Quant à l'autre mère sondée, celle qui peine à joindre les deux bouts, elle réfléchit surtout à deux options. 

« Plusieurs jeunes seraient bons au hockey, mais les coûts ne font pas de sens. Au hockey, la plupart des jeunes viennent de familles avec beaucoup de sous. Le système devrait peut-être fonctionner avec un ratio de ton salaire annuel », a-t-elle suggéré. 

L'autre possibilité serait que la Ville de Montréal mette en place un soutien économique. À ses yeux, tous les incidents de violence qui ont touché les jeunes à Montréal constituent un argument valable. 

« Mon garçon va souvent dormir chez ses amis de hockey le week-end. Au moins, il ne traîne pas dans la rue. J'ai un autre fils plus vieux qui joue au soccer. Je sais qu'avec le sport, tu restes avec le même genre de personnes que toi. Si la Ville pouvait aider, ce serait bien. »

Précisons que la Ville de Montréal a refusé notre demande d'entrevue sans justifier la raison. 

Marcel Patenaude, directeur principal hockey à Hockey Québec, espère assister à un effort collectif du gouvernement, des villes, des compagnies d'équipement, de Hockey Canada et Hockey Québec. 

« Il faut trouver des mécanismes pour aider le participant. Pour qu'il puisse jouer, parce que c'est le sport national. Si on veut ‘compétitionner' avec le soccer, le basket, il faut trouver une manière de s'unir », a indiqué Patenaude. 

Ce qui n'aide pas à baisser la facture, c'est que le sport se spécialise et le hockey n'y échappe point. Ça prend donc des entraîneurs plus qualifiés, un soutien d'un psychologue, d'un nutritionniste, d'un préparateur physique, d'un entraîneur des habiletés, d'un entraîneur des gardiens... 

« Si on ne le fait pas, des parents vont dire qu'on ne s'en occupe pas. Une autre partie des parents vont dire ‘Faites-les juste jouer'. On a plusieurs projets qui seraient intéressants, mais il faut rationnaliser et faire attention à ce qu'on peut faire », a exposé Patenaude. 

« Je n'ai pas de problème à arriver avec un système de subventions pour aider certaines familles, mais on compose avec des coûts inévitables, il faut trouver une façon d'alléger le tout », a reconnu Thibault.

Sans pouvoir en dire plus pour le moment, Thibault précise que de nouvelles initiatives verront le jour. Présentement, quelques programmes existent, comme Première présence, pour diminuer le coût de l'initiation au hockey, mais c'est insuffisant.  

*Jeudi, un 2e article sera publié. Des familles quittent Montréal vers la banlieue pour profiter de meilleures ressources au hockey mineur.