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Électrocardiogramme et Instagram : l'itinéraire européen de Brandon Davidson

Brandon Davidson Brandon Davidson - Peter Ekholm
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ÄNGELHOLM, Suède – Notre hôte avait cru bon nous prévenir. De toutes nos demandes d'entrevues, celle avec Brandon Davidson serait peut-être la plus compliquée à coordonner. Il y avait match en soirée et Davidson, qui était encore dans la Ligue nationale il n'y a pas si longtemps, avait gardé l'habitude de suivre une routine stricte dans ces circonstances. Nos attentes devaient être revues à la baisse.

Et pourtant, une vingtaine de minutes après l'entraînement matinal, voici Davidson qui sort du vestiaire, sans le moindre stress, et qui vient à notre rencontre. « J'ai une minute ou deux », dit-il, un sourire bienveillant sous la moustache, en s'écrasant dans un fauteuil. Il y restera pendant un bon quart d'heure avant qu'on décide finalement de lui donner congé.

Plus la conversation s'étire et plus on comprend Davidson d'être aussi avenant et détendu. Des matins comme ceux-là – le son des lames creusant la glace dans le silence d'un aréna vide, la préparation tranquille dans la discrétion du vestiaire, les éclats de rire entre boys – offrent exactement le genre de moments qu'on prend pour acquis quand on pense qu'on a la vie devant soi, mais qui forment les souvenirs auxquels on s'accroche en premier quand tout est fini.

En Suède, l'ancien défenseur du Canadien – il a joué 26 matchs pour Montréal après avoir été échangé contre David Desharnais – voit sa carrière européenne décoller après un faux départ malheureux l'année dernière en Russie. Un faux départ qui lui a foutu la trouille, disons-le ainsi.

Davidson avait signé une entente de deux ans avec le Red Star de Kunlun, un club de la KHL basé en Chine, mais qui avait déplacé ses opérations en banlieue de Moscou depuis l'éclatement de la pandémie. Une fois sur place, il s'est soumis aux tests médicaux d'usage. Quand les résultats sont rentrés, on lui a dit que son contrat serait résilié.

Naturellement, il s'est inquiété.

« Je savais depuis mon année de repêchage que j'avais un souffle au cœur. Mais dans la LNH, j'avais un suivi médical à chaque année et jamais ça n'avait été un souci. Je me suis dit que j'avais peut-être été touché sournoisement par la COVID, qu'elle s'était attaquée à mon cœur. »

Davidson est revenu au Canada et s'est de nouveau soumis aux examens habituels, qui n'ont rien démontré d'anormal. Il a éventuellement compris que la KHL, après le décès en plein match du jeune Alexei Cherepanov en 2008, avait resserré ses critères d'admissibilité pour les joueurs souffrant d'un problème cardiaque, aussi bénin soit-il. « Tolérance zéro », lui a-t-on expliqué.  

Petite annonce

Soulagé, Davidson s'est vite retrouvé avec un autre problème sur le dos. Les équipes de la LNH venaient de conclure leurs camps d'entraînement. Les postes avaient pratiquement tous été comblés dans la Ligue américaine. Il est donc allé s'entraîner avec les Hurricanes de Lethbridge, un club de la Ligue junior de l'Ouest.

Au même moment, le défenseur alors âgé de 31 ans a coupé les liens avec son agent. Sans intermédiaire pour offrir ses services à une équipe dans le besoin, il a lui-même pris le téléphone et... a publié un message sur Instagram.

« J'ai intégré le compte de la LNH à ma publication juste pour que tout le monde sache que j'étais disponible. Je ne savais pas trop ce que ça allait donner », se remémore-t-il avec le sourire du gars qui réalise l'absurdité du geste.

Mais son initiative a fonctionné. À la fin octobre, Davidson a obtenu un essai professionnel avec les Americans de Rochester. Un mois plus tard, il a signé un contrat de la Ligue américaine avec les Monsters de Cleveland. Et durant ce processus, il a reçu un message de l'agent de joueurs Nicola Riopel.

« Je pensais déjà à l'Europe à ce moment et Nic avait de l'expérience de l'autre côté de l'Atlantique. On a jasé et il en commencé à faire des démarches. Ça a été une bénédiction pour moi de rencontrer ce gars-là sur mon chemin. »  

Le vétéran de 180 matchs dans la LNH a fini la saison dans le nord de la Suède avec le Färjestad BK. L'été venu, il s'est engagé avec le Rögle BK, un club basé à Ängelholm, plus au sud. L'équipe a connu un début de saison difficile, mais a commencé à remonter au classement depuis l'arrivée d'un nouveau directeur général et d'un nouvel entraîneur-chef.  

Sa copine et leur chien ont fait le voyage avec lui. C'est le nouveau départ qu'il espérait avoir en Russie.

« J'aimerais pouvoir m'établir au même endroit pendant un petit bout, souhaite celui qui n'a fait que passer dans la plupart des douze marchés qui l'ont accueilli pendant onze saisons en Amérique du Nord. Je ne rajeunis pas et on pense à avoir des enfants, toute la patente. J'aimerais bien un peu de stabilité. »

Au moins, il a maintenant un agent à qui passer le message.