Espionnage de l'équipe masculine avant un match de qualifications pour la Coupe du monde?
Selon les informations qu'une source de premier plan a dévoilées à Rick Westhead de TSN, 17 joueurs de l'équipe masculine de Soccer Canada ont été présents à une rencontre le 31 août 2021 dans un hôtel de Toronto afin de regarder une vidéo présentée par l'entraîneur-chef John Herdman sur laquelle il était possible de voir une séance d'entraînement de l'équipe du Honduras plus tôt dans la journée.
Le Canada allait alors disputer une rencontre de qualification pour la Coupe du monde le 2 septembre suivant contre le Honduras (qui s'est soldé par un match nul de 1 à 1) et Herdman a exhorté ses joueurs de suivre attentivement à l'écran, selon ce qu'a mentionné la source.
Herdman aurait alors expliqué que l'équipe hondurienne favorisait une formation 4-4-2 avec une pression moyenne ou élevée et que la simplicité était la clé afin que le Canada connaisse du succès lors de ce match important.
L'entraîneur du Canada à l'époque aurait aussi mis l'accent sur le fait de « faire tourner le Honduras » dans les 15 premières minutes, toujours selon la source.
Le récit de la source fait suite aux déclarations publiques faites par Herdman plus tôt vendredi. Herdman, qui a entraîné l'équipe féminine de 2011 à 2018, l'équipe masculine de 2018 à 2023 et qui est maintenant entraîneur du Toronto FC dans la MLS, a mentionné aux journalistes vendredi matin qu'il était sûr que son équipe n'avait jamais espionné ses adversaires, du moins lors des grands évènements sportifs.
« Je suis convaincu que depuis que j'ai été entraîneur-chef aux Jeux olympiques ou à la Coupe du monde, nous n'avons jamais participé à aucune de ces activités », a déclaré Herdman ce matin. Il a refusé de commenter autrement, citant l'examen indépendant imminent par Canada Soccer de ce qui s'est passé à Paris.
Soccer Canada a mentionné qu'un examen indépendant sera effectué sur les deux équipes nationales et que le rapport permettrait d'explorer les problèmes historiques. La fédération a mentionné que le rapport serait rendu public lorsqu'il sera complété. Le processus devrait cependant prendre plusieurs mois.
Toutefois, à la suite du rapport de TSN concernant l'espionnage à l'aide de drones, plus de personnes reliées à Soccer canada ont décidé de partager leurs expériences avec les tactiques d'espionnage du programme national.
Selon un ancien employé de Soccer Canada, l'espionnage aurait été une pratique mise en place depuis au moins 2016, lorsque l'équipe féminine U16 a participé dans un tournoi de la Concacaf à Saint George, en Grenade. À ce tournoi, le personnel aurait discuté de comment un collègue avait trouvé un emplacement afin de rester caché et d'espionner les entraînements des adversaires. Le personnel aurait aussi discuté de la protection de son propre terrain d'entraînement, selon la source.
TSN a aussi discuté jeudi et vendredi avec deux anciens sous-traitants de Soccer Canada qui ont mentionné qu'ils ont reçu des demandes des entraîneurs de l'équipe féminine afin d'espionner les entraînements des équipes rivales.
Les deux personnes concernées ont d'ailleurs demandé l'anonymat puisqu'elles travaillent encore dans le monde du soccer et qu'elles craignent de futures conséquences.
L'un des sous-traitants a mentionné qu'il a travaillé avec Soccer Canada en tant qu'analyste à Vancouver lorsqu'il était à l'université en 2017. Cette même personne a d'ailleurs reçu un appareil permettant l'enregistrement vidéo ainsi que des instructions claires d'un entraîneur de Soccer Canada afin de s'infiltrer dans une séance d'entraînement privée des États-Unis et de l'enregistrer.
« L'entraîneur m'a dit "Nous ne pouvons pas y aller puisque si nous sommes pris, nous sommes en sérieux problème, mais s'ils te prennent toi, dis que tu es un étudiant, une personne quelconque", a mentionné le sous-traitant. Ils m'ont donné un appareil pour enregistrer, le genre qu'une mère donnerait à son enfant et ils m'ont envoyé là-bas, me disant d'essayer d'obtenir de l'information sur leurs formations. J'ai trouvé un point pour filmer et j'ai enregistré deux entraînements, mais l'enregistrement était tellement nul puisque je tremblais tout le temps et on pouvait m'entendre hyperventiler ».
« J'étais tellement inconfortable lorsque j'effectuais ces missions-là et je me suis fait dire que si je voulais vraiment travailler dans le soccer féminin, que je voulais avoir un poste, que c'était le genre de choses à travers lesquelles je devais passer et le genre de choses que je devais faire. Je voulais tellement me faire un nom que je n'ai pas réfléchi aux bons ou mauvais côtés, je voulais simplement impressionner les hauts dirigeants. »
Le deuxième sous-traitant a mentionné qu'il a fait partie du personnel de l'équipe féminine en février 2023, durant la Coupe SheBelieves, un tournoi disputé en sol américain, à Orlando et mettant en scène les États-Unis, le Brésil, le Japon et le Canada. Le sous-traitant a indiqué qu'on lui a demandé de filmer deux séances d'entraînement d'un adversaire.
« La première fois l'entraînement a été déplacé donc je n'ai pas eu à refuser, mais la deuxième fois, j'ai simplement dit non, a avoué la source. L'entraîneur m'a vraiment poussé à le faire et m'a mentionné qu'il voulait vraiment que je le fasse. Je suis resté de glace et j'ai dit non. Pourquoi risquer ma carrière ? Pour faire voler un drone, il faut l'enregistrer à un nom et un numéro d'identification. Il était donc très facile pour les forces de l'ordre d'un tournoi d'identifier à qui il appartient. »
TSN a été contacté vendredi par une source proche de l'accord de Soccer Canada visant à utiliser l'Edmonton Soccer Dome en novembre 2021.
À cette époque, Canada Soccer avait obtenu un bail pour utiliser le plus grand dôme intérieur du pays avant les matchs de qualification de l'équipe nationale masculine pour la Coupe du monde contre le Costa Rica et le Mexique. Lorsque la fédération a insisté pour que les dirigeants du dôme refusent l'accès aux équipes visiteuses, ces dirigeants ont accepté.
L'équipe canadienne ne s'est entraînée qu'une seule fois sur le terrain du dôme.
« Lorsque les gestionnaires ont demandé pourquoi, l'équipe canadienne leur a répondu qu'ils n'avaient pas besoin d'utiliser le terrain, mais qu'ils voulaient s'assurer que le Mexique et le Costa Rica s'entraînaient à l'extérieur, afin que les Canadiens puissent les surveiller », a expliqué la source.