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Caden Clark à la recherche du temps perdu

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MONTRÉAL – Les cinéphiles avertis auront peut-être gardé le souvenir de l'oncle Rico, ce moustachu nostalgique qui était débarqué sans s'annoncer dans la vie de ses neveux dans le film Napoleon Dynamite, un grand classique des années 2000.

« Si le coach m'avait fait jouer au quatrième quart, on aurait gagné le championnat, aucun doute dans mon esprit. Les choses seraient différentes pour moi aujourd'hui », rêvasse un bon jour l'ancien quart-arrière déchu, un brin délirant, en mastiquant son steak.

Cette savoureuse scène nous est revenue à l'esprit en réécoutant les propos de Caden Clark au bilan de fin de saison du CF Montréal.

Outre le fait que les mots de Clark étaient évidemment davantage ancrés dans la réalité que ceux du personnage un peu cinglé qu'ils nous ont inspiré, on retient une différence principale dans la teneur de leurs discours. L'oncle Rico regrettait une occasion qui n'était pas venue. Clark, lui, aurait juste voulu un peu plus de temps.    

« Je voudrais que [les dix derniers matchs] aient été nos dix premiers de la saison, imaginait Clark la semaine dernière, quelques jours après l'élimination de son équipe dans un match de barrage contre Atlanta. Si vous nous donnez une saison complète, avec en plus un calendrier préparatoire complet, vous verrez que cette équipe pourra accomplir beaucoup plus que ça. »

Si toutes ces années à suivre et à couvrir le sport professionnel nous ont appris quelque chose, c'est qu'une fin de saison réussie n'apporte absolument aucune garantie quant au début de la suivante. Mais l'optimisme de Clark est compréhensible. Le CF Montréal l'a aidé à ressusciter sa carrière en lui redonnant la position et le temps de jeu qu'il avait perdu au Minnesota. Cette confiance, il l'a repayée au centuple en insufflant créativité, énergie et efficacité dans le secteur offensif.

Ce match parfait a produit des résultats presque instantanés. « Les deux premiers matchs ont été très difficiles, mais on ne jouait pas nécessairement mal, a rappelé Clark en faisant référence aux lourdes défaites contre la Nouvelle-Angleterre et Cincinnati. Ça m'a donné l'espoir qu'il y avait quelque chose à faire. »

Dans les huit matchs suivants, Clark a contribué avec quatre buts et quatre passes décisives. L'équipe n'a subi que deux défaites. L'échantillon, mince, a incité le jeune milieu de terrain à l'extrapolation.

« Je crois que la composition de cette équipe est plus qu'assez bonne pour qu'on se rende encore plus loin l'année prochaine. La qualité est là, le personnel d'entraîneurs est là, les idées sont là. Je crois juste qu'on a manqué de temps ensemble. Il ne nous manque de rien, vraiment. J'ai juste hâte de montrer ce qu'on peut faire sur une saison de 34 matchs. »

« J'aimerais vraiment que tout ça ne soit pas déjà terminé. »

La pression des attentes

En deux mois seulement, Clark s'est imposé comme l'un des intervenants les plus intéressants et les plus pertinents dans le vestiaire du CF Montréal. La profondeur de ses réflexions et sa capacité d'introspection impressionnent pour un jeune joueur de 21 ans.

Au bilan, il est revenu sur son arrivée à Montréal après des passages ratés en Europe et dans son Minnesota natal. On l'a questionné sur la rapidité à laquelle il s'était fondu dans son nouvel environnement.

« J'étais comme un animal mourant qui devait manger, a-t-il illustré. J'avais besoin de nourriture, j'avais besoin de quelque chose. Dans ma tête, je n'avais rien à perdre. Où j'étais avant, je ne jouais pas. Si je n'avais pas accepté d'être échangé, rien n'aurait changé. Je devais jouer ou bien je disparaissais de la carte. Un animal mourant, que je vous dis. Et l'équipe était un peu dans la même position. »

Pour un joueur qui n'avait vraiment rien cassé depuis sa deuxième saison avec les Red Bulls de New York en 2021, l'éveil était nécessaire, mais il n'était pas acquis. Au même bilan, Samuel Piette a glissé dans l'une de ses réponses que Clark est arrivé à Montréal précédé d'une certaine réputation, celle d'un gars qui pouvait se prendre la grosse tête.

Le capitaine a précisé qu'il n'avait rien vu de ça en apprenant à connaître son nouveau coéquipier. Le fait d'être acculé au pied du mur semble avoir donné à Clark l'humilité dont il avait besoin pour sortir du cul-de-sac dans lequel il avait abouti.

« Ça fait peur, mais ça t'apporte aussi une nouvelle perspective sur toi-même, l'assurance que tu peux traverser des moments difficiles et ressortir meilleur de l'autre côté. Certaines personnes n'y arrivent pas, ça fait partie de la vie, mais je sais qu'il me reste beaucoup de choses à prouver, beaucoup de choses à accomplir. Je sais qu'il y aura d'autres moments difficiles. Ça vient avec la carrière que j'ai choisie. Mais la façon dont j'ai rebondi cette année me donnera alors la conviction que je pourrai m'en sortir. »  

Quand Clark se présentera au prochain camp d'entraînement, sa réalité ne sera plus la même qu'en août dernier quand Montréal a fait son acquisition pour une bouchée de pain. On attendra de lui qu'il produise. Attendre de lui un rythme équivalent à celui qu'il a maintenu dans les derniers mois n'est probablement pas réaliste, mais une trop longue léthargie l'exposera assurément aux critiques. Il en est conscient.

« Il y a encore beaucoup à faire et je ne veux pas que cette fin de saison soit la fin de mon histoire. Qu'on dise de moi : "il nous a aidés à faire les séries, mais il n'est pas capable d'en faire plus". Cette pression qui m'attend, je la vois d'un oeil positif. Je suis prêt à l'assumer. Je suis prêt à travailler et jouer un grand rôle pour cette équipe. »

Contrairement à l'oncle Rico, Clark aura la chance de prouver que ses regrets étaient fondés et que ce qu'il a montré dans le passé n'était qu'un aperçu de son vrai potentiel.