Jahkeele Marshall-Rutty espère être « le prochain »
MONTRÉAL – En retirant sa tenue d'entraînement pour enfiler pour la première fois son vrai nouveau maillot, celui floqué du numéro 11 qui appartenait anciennement à Ariel Lassiter, Jahkeele Marshall-Rutty a dévoilé un tatouage qui ne laissent aucun doute sur ses allégeances originales. Sur son bras droit, le relief du centre-ville de Toronto.
« Est-ce que j'ai bien reconnu la tour du CN? », lui a-t-on demandé alors qu'il contemplait encore ses nouvelles couleurs. Le jeune homme a laissé échapper un rire gêné. C'est le genre de remarque auquel il anticipait clairement devoir faire face, mais peut-être pas si tôt.
Marshall-Rutty est un fier Torontois et personne ne peut l'en blâmer. Il est né et a grandi à Brampton, dans la banlieue voisine. Il a intégré l'académie du Toronto FC à 12 ans, signé son premier contrat pro à 15 ans, franchi le cap des 1000 minutes avec la première équipe à 19 ans. « Un peu à la Mathieu Choinière », a comparé le président du CF Montréal, Gabriel Gervais, cette semaine.
Mais que ça soit clair : la jeune pépite n'est pas venue à Montréal à reculons.
« Je sais que [la rivalité entre Toronto et Montréal] est importante aux yeux des partisans. Elle l'est pour moi aussi, évidemment. Je suis un gars de Toronto, c'est là que j'ai grandi. Mais au final, je veux seulement jouer au football », a-t-il voulu faire comprendre lors de sa première apparition publique au Centre Nutrilait.
« Je suis jeune, je veux continuer de m'améliorer et de prendre du galon. Je suis reconnaissant que le CF Montréal me donne l'occasion de devenir le joueur que je veux devenir. »
Marshall-Rutty se considère à son mieux à la position de piston droit, mais cette préférence était incompatible avec la façon dont le Toronto FC avait bâti son effectif. Avec la présence du joueur désigné Federico Bernardeschi dans le couloir, il était condamné à une vie de compromis ou à se contenter de miettes.
« Tous les entraîneurs que j'ai eus à Toronto m'ont donné des chances [de me faire valoir]. Je me suis bien développé cette année avec John [Herdman]. Mais l'équipe a fait venir des joueurs de renom, de très bons joueurs qu'ils doivent mettre sur le terrain », a-t-il compris.
Montréal devenait alors une destination logique. Pendant que Toronto continue de signer des gros chèques, son voisin nordique a décidé de baser son modèle d'affaire sur le développement et la revente de jeunes espoirs. C'est le plan que Gervais, son consultant à la stratégie sportive Corey Wray et l'entraîneur-chef Laurent Courtois ont vendu à « JMR ».
En échangeant le vétéran Ruan à Dallas, ils ont ensuite posé le geste qui venait supporter leurs belles paroles. Le tapis rouge était ainsi déroulé pour leur nouvelle trouvaille. Marshall-Rutty a seulement débuté 10 matchs cette année à Toronto. Si tout va comme prévu, il devrait être titulaire pour les neuf parties restantes au calendrier de sa nouvelle équipe.
« Rien n'est garanti dans ce métier, je devrai travailler fort pour prouver que j'ai ma place. Mais il y a un chemin qui est tracé pour les jeunes joueurs comme moi ici », a compris le souriant transfuge.
Sur ce chemin, l'obtention d'un poste de cadre indiscutable n'est qu'une halte et non la destination finale. Marshall-Rutty et ses nouveaux patrons partagent un objectif commun, celui de faire fructifier son talent au point d'attirer, plus tôt que tard, l'attention de clubs européens.
C'est un jeu dont les règles ne sont pas totalement étrangères au jeune athlète de 20 ans. Il y a quelques années, Marshall-Rutty était allé s'entraîner à Arsenal, Liverpool et Bruges. L'un de ces clubs aurait déposé une offre pour enclencher son transfert, mais le Toronto FC aurait été trop gourmand. On racontait à l'époque que ses dirigeants estimaient la valeur du joueur convoité à 20 M$.
« Au football, il y a toujours de la frustration, a répondu Marshall-Rutty lorsqu'on lui a demandé s'il avait senti que sa carrière avait été mal gérée par son club formateur. Ça peut être avec le temps de jeu, les blessures ou d'autres trucs. J'ai appris à gérer ces choses-là. Aujourd'hui, je n'ai que de la gratitude pour ce que Toronto a fait pour m'aider à devenir le joueur et l'homme que je suis devenu. »
À Montréal aussi, on a l'habitude des tractations transatlantiques. En 2022, trois membres du noyau de l'équipe ont quitté pour l'Angleterre, l'Écosse et les Pays-Bas. C'est une stratégie qu'on tente de recréer depuis, sans trop de succès. Marshall-Rutty a bien l'intention d'être à l'origine d'un nouveau cycle.
« C'est quelque chose dont on m'a parlé avant que je n'arrive ici, mais bien sûr qu'en tant que jeune joueur dans cette ligue, j'étais déjà au courant des façons de faire et des réalisations de tous les clubs. J'ai vu ce qui est arrivé avec Alistair Johnston, [Djordje] Mihailovic, [Ismaël] Koné, de très bons jeunes joueurs canadiens qui sont venus ici et qui ont excellé. J'espère être le prochain. »