Pour Mathieu Choinière, tout est à recommencer
ORLANDO, Floride – Mathieu Choinière s'excuse de ne pas pouvoir nous serrer la main. Le retour au Québec après deux semaines passées en Arizona a surpris son système immunitaire et il préfère limiter les risques de propagation.
Il s'enfonce dans les coussins de la chaise qu'on lui présente et fixe son regard dans le nôtre. La conversation est lancée. Si le Québécois n'a jamais été le plus bavard en entrevue, il a certainement gagné en aisance avec les années. Ses réponses sont plus longues, plus loin des formules préparées à l'avance.
Mais certains traits de sa personnalité n'ont pas changé. Au camp d'entraînement du CF Montréal à Orlando, on a retrouvé le même jeune homme un peu timide, respectueux et poli qui fait son chemin depuis l'Académie. Si vous pensiez que les honneurs et la reconnaissance allaient affecter le petit gars de St-Alexandre, on vous invite à retirer le doigt qui est inséré dans votre œil.
« Jamais, jamais, jamais », répond Samuel Piette lorsqu'on lui demande s'il avait déjà vu ne serait-ce que la pointe d'un égo chez son coéquipier.
« Ce gars-là ne s'est jamais pris pour un autre, n'a jamais eu la tête enflée. On l'a vu [donner le crédit à ses coéquipiers] dans son discours [après avoir été nommé au match des étoiles]. C'est sûr que c'est très cliché, mais il était vraiment sincère. C'était notre MVP, il marquait des buts, mais il restait la même personne. Il sait d'où il vient. Il a eu des années un peu plus difficiles. Quand Rémi Garde était à la barre, il jouait un peu moins. Avec Wilfried aussi, il ne jouait pas autant que l'année passée. Je pense qu'il est très reconnaissant envers Hernán [Losada] pour ça. »
La réussite de Choinière fut en effet l'une des belles plumes que le tacticien argentin a pu accrocher à son chapeau durant son règne éphémère. En 2023, le Québécois a été l'étincelle dans la botte de foin qu'était le CF Montréal. En MLS, il a établi des sommets personnels avec 28 départs, cinq buts et cinq passes décisives. Il a ajouté un but et une passe décisive en Coupe des Ligues et deux passes décisives en Championnat canadien.
Si le moment était important et que Montréal s'avérait à la hauteur, il était probablement le premier joueur dans votre champ de vision.
En juillet, il a joué une vingtaine de minutes contre Arsenal. En octobre, il a fait ses débuts en équipe nationale et a reçu le trophée Giuseppe-Saputo remis au joueur par excellence de l'Impact.
Il est retourné à la maison et s'est assis sur les lauriers pendant combien de temps, vous pensez?
« Je ne vais pas te mentir, j'ai fini la saison et j'étais content, c'est sûr, mais après je sais que ça recommence, a partagé Choinière. J'ai vite tourné la page sur cette saison-là et j'ai envie de mieux faire encore. Je me suis donné de nouveaux objectifs. Parce que oui, j'ai eu une bonne saison, mais le but c'est de la répéter et de tout le temps être au meilleur niveau. J'arrive avec la même mentalité où j'ai envie de performer, d'être bon et surtout d'aider l'équipe. »
Choinière comprend que le succès peut être un « gros piège ». Il est le petit voisin baveux qui se cachait derrière le banc de neige et qui vient vous pousser dans le dos au moment où vous pensiez être le premier rendu en haut de la butte. Plutôt que de s'y complaire sans méfiance, Choinière reste aux aguets. Quand il entend le nouvel entraîneur Laurent Courtois affirmer qu'il se fiche de ce que ses joueurs ont fait dans le passé, il le prend comme un défi bien plus qu'un affront.
« Je comprends parfaitement. Un nouveau coach, il veut voir ses joueurs, il veut voir ce qu'il a devant lui. Il veut voir quel joueur cadre le plus dans son style de jeu. On a tout à prouver, tout le monde est en compétition. Une compétition saine, mais il faut se prouver. Le soccer, ça change tellement vite, on ne sait jamais ce qui peut se passer. C'en est la preuve encore cette année. »
Reste maintenant à régler la question qui suit Choinière comme une guêpe peut tourner autour d'une pinte de bière sur une terrasse estivale : à quelle position risque-t-on de le voir évoluer sous les ordres de Courtois? La position du principal intéressé n'a pas changé. « Peu importe ce qu'ils veulent, je suis prêt à m'adapter. »
Les acquisitions hivernales du CF Montréal devraient permettre au club d'offrir un peu plus de stabilité au plus accompli des joueurs qu'il a formés. Celui-ci s'entraîne d'ailleurs exclusivement comme milieu central depuis le début du camp d'entraînement. Une récente réponse de Courtois en point de presse suggère toutefois qu'il ne se gênera pas pour tenter d'autres expériences.
« Je veux que mes joueurs explorent leur capacité à développer deux ou trois positions dans deux ou trois formations. Je crois que c'est l'avenir du sport. Les entraîneurs veulent s'entourer de joueurs polyvalents. On n'a pas testé la sienne encore, mais ceux qui sont capables de l'être ont un gros avantage. »
Piette, un autre joueur qui a démontré une grande capacité d'adaptation par le passé, entend ça et entrevoit de belles choses pour son jeune compatriote, dont il dit que « son potentiel est encore très haut. »
« Je pense que Mathieu va être un joueur important pour l'équipe. Comment le coach va l'utiliser? Je ne sais pas encore. Je ne pense pas qu'on va le voir sur les côtés en début d'année, mais je pense que le coach a un très beau et bon casse-tête avec tout ça. »