La récompense ou le va-tout, le choix déchirant de John Herdman
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AL RAYYAN, Qatar – On le clame sans retenue dans le camp canadien : le match de jeudi contre le Maroc, même si les espoirs de sortir vivant du groupe F sont désormais éteints, sera abordé comme si la vie ou la mort du programme en dépendait.
Le Canada veut rentrer à la maison avec au moins un point, trois de préférence. L'attitude est plus que louable, elle est la seule qui soit défendable. Le sélectionneur John Herdman et ses joueurs font depuis si longtemps l'énumération des objectifs ambitieux qu'ils souhaitent atteindre à cette Coupe du monde, on les verrait mal prétendre que l'important n'est de participer maintenant que quelques-uns d'entre eux leur sont hors de portée.
« Le match de demain représente une occasion en or, pour nos joueurs et pour le pays, de continuer d'avancer, a dit Herdman mercredi en conférence de presse. Collectivement, nous avons fait des avancées considérables dans ce tournoi, que ce soit tactiquement ou d'un point de vue identitaire. Le monde du football nous attendait avec impatience en se demandant ce que nous allions pouvoir montrer. Nous avons abordé la compétition sur l'offensive et ça continuera d'être notre approche. Nous resterons fidèles à notre identité et aborderons ce match avec l'intention de continuer à écrire l'histoire. »
« Tout le monde veut profiter de ce match pour entrer dans l'histoire, avait affirmé le milieu de terrain Jonathan Osorio la veille. On s'est bien tiré d'affaire dans nos deux premiers matchs, mais au football, les gens se rappellent toujours de votre dernier match. On veut conclure ce tournoi sur de belles sensations. »
Indépendamment de la réussite de cette mission, certains joueurs risquent de rentrer au pays avec un goût amer en bouche.
Dans les deux premiers matchs de son équipe, Herdman a fait appel à 17 des 26 joueurs à sa disposition. C'est une réalité dont les joueurs de soccer ont l'habitude. À chaque match, onze joueurs sont désignés comme titulaires et cinq autres peuvent contribuer comme substituts. Les autres doivent trouver du réconfort dans l'idée qu'ils ont aidé à hausser le niveau du groupe en se défonçant à l'entraînement, en distribuant les conseils ou en offrant leur oreille à un coéquipier qui avait besoin de se confier.
Mais dans le contexte de cette Coupe du monde, un événement pour lequel certains vétérans obsèdent depuis quatre ans, la perspective de laisser le rêve derrière sans avoir obtenu la moindre minute de jeu est sans doute une dure pilule à avaler.
Parmi les candidats à cette cruelle déception, les noms qui viennent immédiatement en tête sont ceux des milieux de terrains Samuel Piette et Mark-Anthony Kaye. Après le capitaine Atiba Hutchinson et le gardien Milan Borjan, Piette est celui qui compte le plus d'ancienneté au sein de la sélection canadienne avec 66 apparitions. Il a joué un rôle dans chacune des parties préparatoires que le Canada a disputées contre le Qatar, l'Uruguay, le Bahreïn et le Japon en amont du Mondial, mais n'a pas quitté le banc contre la Belgique et la Croatie. Kaye, dont le compteur est à 38 matchs en sélection, attend lui aussi son tour.
Il apparaît réaliste de s'attendre à ce que les deux hommes voient finalement de l'action contre le Maroc. Stephen Eustaquio a aggravé une blessure contre la Croatie et sa disponibilité pour le prochain match est incertaine. Hutchinson a quant à lui paru chaque jour de ses 39 ans dans ce qui était un deuxième match en quatre jours. Il ne serait pas étonnant de voir Herdman lui accorder une soirée de repos.
David Wotherspoon, Liam Fraser, Iké Ugbo, Derek Cornelius et Joel Waterman sont les autres joueurs de champ qui se croiseront les doigts pour qu'on leur demande d'enlever leur dossard jeudi soir.
« C'est la partie la plus difficile du métier, s'est attristé Herdman en pensant à ces remplaçants. Ce n'est pas du football professionnel, on ne verse pas de salaire à ces joueurs. Ils sont ici parce qu'ils le veulent et on bâtit des relations authentiques avec ces gars-là. Ça donne lieu à des conversations vraiment difficiles. Mais les gars sont totalement investis dans la mission. Ils savent pourquoi on est venus ici. Demain, le but n'est pas de donner des minutes à tout le monde. »
« Même les gars qui ne jouent pas savent qu'ils sont importants, assure Osorio, appelé deux fois comme substitut jusqu'à maintenant. L'ambiance est très bonne et il n'y a pas de pommes pourries dans cette équipe. Notre esprit de corps nous a permis de nous rendre ici et ça n'a pas changé d'un iota dans ce tournoi. »
Herdman : jusqu'en 2026?
Herdman s'est fait demander deux fois mercredi s'il demeurerait à la tête du programme jusqu'à la Coupe du monde de 2026 qui aura lieu en Amérique du Nord. Ses réponses, en apparence d'un enthousiasme sans réserve, ont été juste assez nuancées pour laisser place à l'interprétation.
« Pendant tout ce temps, j'ai essayé de rester dans le moment présent, a-t-il d'abord offert. J'ai travaillé pendant toute ma vie pour arriver ici. Je veux être là pour les gars et en profiter avec eux. J'ai eu une rencontre avec mes leaders pour revenir sur tout le chemin qu'on a fait ensemble. Je veux rester dans le moment présent. »
Quand un journaliste est revenu à la charge, Herdman a répondu qu'il sera « absolument » l'entraîneur de l'équipe « demain » avant de replonger longuement dans ses souvenirs.
« J'ai travaillé pour ce pays pendant 11 ans et je suis un pionnier depuis très longtemps déjà. Vous ne trouverez personne d'aussi passionné que moi envers ce programme, ces joueurs et ce personnel. Vous ne trouverez personne de plus passionné que moi afin de permettre à ce pays de franchir la prochaine étape. Et vous ne trouverez personne qui aura vécu ce genre d'expérience avec cette équipe – et les leçons que nous tirerons de cette aventure afin de les appliquer à la prochaine. »
Herdman a pris la tête de la sélection canadienne masculine en 2018. Il avait au préalable dirigé le programme féminin de Canada Soccer, menant notamment son équipe à la conquête de la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres (2012) et de Rio de Janeiro (2016).