Le Canada peut être fier d'avoir fait sa place
AL RAYYAN, Doha – Les gesticulations de John Herdman ne laissaient que très peu de place à l'interprétation. Et donc lorsque Samuel Piette s'est fait questionner sur l'essence du message qu'avait livré le sélectionneur canadien sur le terrain du Stade Ahmed bin Ali, il a vite abandonné l'idée de tenter de se censurer.
« Il nous a dit qu'on avait des grosses couilles », a lâché le milieu de terrain québécois dans l'un de ces moments de sincérité pour lesquels on l'adore.
Il lui aurait fallu les trois points pour être comblé, mais Herdman était certainement un entraîneur fier et admiratif après la défaite de son équipe aux mains de la Belgique mercredi soir. Contre une nation qu'aucun calcul logique ne les voyait vaincre, les Canadiens n'ont jamais joué avec l'intention de limiter les dégâts.
Un pressing étouffant et une attitude de conquérants leur ont permis de créer une confusion constante dans la défense belge. Leur appétit vorace pour la surface adverse n'a eu d'égal que leur incapacité à monnayer leurs occasions. L'algorithme du compte Twitter @xGPhilosophy, qui calcule la probabilité qu'un but soit marqué sur une occasion donnée, a conclu que le Canada avait créé 2,83 buts attendu, la Belgique 0,86.
L'entraîneur des Belges, Roberto Martinez, l'a dit dans ses propres mots et sans mettre de gants blancs : son équipe ne méritait pas de gagner.
« Les chiffres disent que nous avons été une équipe sans pitié, mais qui n'a juste pas su trouver le fond du filet », interprétait Herdman après la rencontre.
Tout ça, concrètement, ne vaut pas grand-chose. Après la première journée d'activités dans le groupe F, le Canada occupe le dernier rang. La Croatie et le Maroc avaient fait match nul 0-0 plus tôt dans la journée.
Mais même si les regrets sont inévitables, le Canada n'est pas sorti de son match bredouille, jure Herdman.
« Les gars ont montré ce soir qu'ils ont leur place ici. Ça faisait longtemps qu'on attendait ce moment, nos partisans nous ont fait sentir comme si on était à la maison ce soir et je suis certain qu'ils sont sortis d'ici la tête haute. »
« On avait deux objectifs ce soir : jouer sans peur et donner un spectacle. On voulait vivre certains moments et on n'a pas su le faire, mais avec une performance comme celle-là, les joueurs peuvent envisager le prochain défi sans trembler. Je suis fier, très fier de ce qu'ils ont fait. »
Une chance, un but
Herdman le répète depuis des semaines. À la Coupe du monde, les erreurs qui valent une frousse en CONCACAF finissent souvent dans le fond du but.
Les Canadiens écrivaient seuls l'histoire de la première demie quand, à la 44e minute, un long ballon balancé dans l'axe est passé par-dessus la tête du défenseur Steven Vitoria. Michy Batshuayi l'a réceptionné, s'est faufilé entre Kamal Miller et Richie Laryea et en une touche l'a envoyé du pied gauche au-dessus des gants de Milan Borjan.
Prendre un but à l'approche du temps ajouté, ça fait mal. Quand c'est la seule occasion franche que vous concédez dans la période, ça pince encore plus.
« C'est dur à prendre, c'est sûr, n'a pas caché Vitoria. Mais on sait qu'à ce niveau, si on donne une demi-chance, les autres équipes vont en profiter. Mais il faut voir le verre à moitié plein. Ce n'est pas facile de faire ce qu'on a fait ce soir. »
« C'est un coup qu'il a fallu encaisser et je pense qu'on l'a bien fait. On a continué d'avancer, on a bien réagi. On a terminé le match avec 21 tirs. Mais dans une compétition comme celle-là, un but, une chance et vous pouvez gagner un match comme ça. »
L'histoire échappe à Davies
À quoi pensait Alphonso Davies lorsqu'il s'est présenté au point de penalty avec au bout du pied gauche le but le plus important de l'histoire de son pays?
Davies s'est porté volontaire pour marquer le premier but du Canada à la Coupe du monde lorsqu'un penalty a été accordé au Canada dans les dix premières minutes du match. Sans hésiter, « Phonzie » s'est emparé du ballon et est allé le déposer à l'endroit du duel. Seul l'un des meilleurs gardiens au monde le séparait de la postérité.
Il a raté son coup. Son tir à la droite de Thibaut Courtois a facilement été paré, un dénouement qui menaçait alors de faire dérailler l'amorce enflammée des Rouges. Il s'en trouvera pour dire que Jonathan David, l'un des meilleurs francs-tireurs de la Ligue 1 depuis deux ans, aurait dû hériter de cette mission, mais Herdman n'avait rien à reprocher à sa jeune vedette.
« Je suis fier de ‘Phonzie' pour avoir ramassé le ballon de la façon dont il l'a fait. C'est un gros moment pour n'importe quel joueur. Tu portes le poids d'un pays sur tes épaules, de 36 ans d'attente. Ça prend un gars solide pour accepter cette pression comme il l'a fait. La fraternité a fait le reste, les gars l'ont appuyé. Quand vous avez un gars qui vaut 85 M$ dans votre équipe, avec autant de confiance et de swag, vous le laissez prendre le ballon dans ces circonstances. »
« Ce n'était juste pas sa soirée. Et Courtois n'est pas mauvais non plus, ne l'oublions pas. »