« Ça va juste trop vite » : la fulgurante progression de Moïse Bombito
MONTRÉAL – Si vous avez été surpris d'apprendre qu'un Québécois avait été choisi au troisième rang du plus récent repêchage de la MLS, vous n'êtes pas seul. Trois mois après avoir été sélectionné par les Rapids du Colorado, Moïse Bombito peine lui-même encore à y croire.
« C'est toujours pas encore processed, s'exclamait le Montréalais de 22 ans quelques jours avant un déplacement à Seattle, où sa nouvelle équipe amorcera sa saison dimanche. Dans ma tête, je fais juste m'entraîner pour le fun et tout, mais je pense que d'ici la fin de la saison, je vais avoir compris que, ok, là c'est parti! C'est vraiment quelque chose dont j'ai rêvé de faire toute ma vie et là, ça arrive! »
Bombito raconte son parcours avec un enthousiasme juvénile qui n'a d'égal que sa gratitude pour ceux qui l'ont aidé à trouver sa voie.
Son récit commence par une prise de conscience. À la fin de l'adolescence, Bombito rêvasse au soccer professionnel à coup de demi-efforts, sans trop de sérieux. Il s'aligne notamment pour le CS St-Laurent, le même club qui a servi de tremplin vers les pros à Ismaël Koné, mais est loin d'être voué au même avenir.
« Je ne jouais pas trop, je n'étais pas parmi les partants. À moment donné je me suis dit : "Ok, c'est soit tu veux vraiment le faire, soit tu restes là à gratter des minutes. C'est quoi que tu veux?", rejoue-t-il devant la caméra de son portable. J'ai dû faire une introspection et comprendre que j'allais devoir en donner plus. »
En 2020, il se retrouve au CS St-Hubert, un club de la Première Ligue de Soccer du Québec (PLSQ) dirigé par celui qui était aussi son entraîneur au Collège Ahuntsic, François Bourgeais. Sa saison, découpée par la pandémie, ne dure que huit matchs, mais elle est transformatrice.
Dans ce laboratoire éphémère, on le mute de position. Surtout habitué à jouer comme ailier ou milieu défensif, Bombito se fait suggérer d'exploiter son potentiel comme défenseur central.
« Pour moi, c'était impossible, se rappelle celui que la MLS répertorie aujourd'hui à 6 pieds 3 pouces et 183 livres. Dans ma tête, j'étais trop technique pour jouer à ce poste, c'était pas assez intéressant. Mais j'ai fini par me dire que j'allais essayer et que c'était ma dernière chance. Si ça ne marchait pas, j'avais fini avec le foot! »
Grâce à la clairvoyance de Bourgeais, qui lui a insufflé cette confiance qui rend l'ailleurs accessible, ça ne faisait pourtant que commencer. « C'est mon mentor. Tu me dis François Bourgeais, c'est comme si tu me parles de mon père. C'est un des seuls qui m'a fait confiance. »
Une condition sur deux
Après sa courte saison en PLSQ, Bombito caresse encore des objectifs modestes. Dans une entrevue au collègue Marc Tougas, à l'époque, il décline ainsi les prochaines étapes de son plan : séduire une plus grosse équipe du circuit semi-pro québécois, puis attirer l'attention d'un club de la Première Ligue Canadienne.
« Mais je n'avais pas d'agent, je ne savais pas comment ça marchait et j'avais appris que la NCAA, aux États-Unis, c'était un peu comme ici, mais avec plus de visibilité, confie-t-il avec le recul. À Montréal, si t'étais pas dans l'Académie [du CF Montréal] ou si t'étais pas déjà en CPL au moment où ça s'est formé, ça devenait compliqué. »
Il faut deux choses pour être recruté par un programme de première division du réseau universitaire américain : du talent et des bons résultats académiques. Bombito ne respecte qu'une des deux conditions. Devant l'impasse, il discute avec l'ancien joueur de l'Impact Frederico Moojen, qui organise depuis 2012 un camp de détection pour les joueurs québécois intéressés par la NCAA. L'alternative proposée : le Junior College (JuCo).
« Il m'explique que si t'es vraiment bon, tu peux faire un an, un an et demi et ensuite faire le saut en D1 », se rappelle-t-il. Bombito accepte le défi et trouve preneur à Iowa Western. Là-bas, autre prise de conscience.
« Le coach là-bas, il va te dire tes quatre vérités. Que tu le prennes ou pas, c'est sa manière de fonctionner. Dans la vie, je suis quelqu'un qui est un peu relax, qui va mollo dans tout ce qu'il fait, tu vois? Il me regarde et me dit : "Si tu penses que c'est comme ça que tu vas aller en D1, retourne à Montréal!". Il m'a donné un reality check dès le départ. »
Bombito se ressaisit et remplit la promesse qu'il s'était faite. Après 18 mois, il apprend qu'il a reçu une offre pour rejoindre l'équipe de l'Université du New Hampshire, l'une des meilleures aux États-Unis. « Ils me voulaient, moi! », s'émerveille-t-il encore.
« Ça va juste trop vite »
À ce point-ci de son parcours, Bombito refait ses calculs. Il a 22 ans. Dans son scénario le plus optimiste, il passe deux ans en NCAA et cogne à la porte de la MLS à 24 ans. « Je me disais que c'était faisable, mais qu'il y avait des fortes chances que ça se passe plutôt en CPL ou même en USL Championship. Mais moi, ça m'allait, je m'en foutais en vrai. Parce qu'avoir le statut de joueur professionnel, c'est pas donné à tout le monde. C'est quelque chose dont il faut être fier. »
La saison commence en août et se termine en novembre. Bombito est nommé meilleur défenseur de la Conférence America East et se place sur la deuxième équipe d'étoiles au pays. Début décembre, il est invité au camp d'évaluation des plus beaux espoirs de la NCAA organisé par la MLS. À Son retour, ses agents lui annoncent qu'ils sont en discussions pour lui décrocher un contrat « Generation adidas », c'est-à-dire un contrat qui ne compterait pas sur la masse salariale de l'équipe MLS qui le repêcherait.
« Et le jour suivant, on me dit : "Ok Moïse, tu l'as. La college life, c'est fini!" »
Bombito n'est pas au bout de ses surprises. Il se bombe un peu le torse lorsqu'on lui explique qu'il risque de trouver preneur en première ronde du repêchage. Il tombe des nues quand il lit, dans un repêchage simulé trouvé sur internet, qu'il pourrait partir dans le top-10. Le jour du repêchage, il croit presqu'à une blague quand il entend son nom prononcé au troisième rang.
« Ça va juste trop vite », résume-t-il quelques mois plus tard, visiblement grisé par le tournant qu'a pris sa carrière.
« Où je suis vraiment reconnaissant, c'est que j'ai un entourage qui m'a permis de garder les pieds sur terre, précise-t-il. Parce que oui, tu te fais repêcher troisième, mais t'arrives au niveau professionnel, eux, ça fait dix ans qu'ils font ça. Et toi t'arrives dans ce nouveau monde, t'es un bébé dans ce gigantesque océan, tu vois? C'est un niveau totalement différent. Ce qui est bien, c'est que mes nouveaux coéquipiers auraient pu me prendre de haut, comme si pour eux j'étais rien, mais ils ont été bien. Ils m'ont pris sous leur aile et en vrai de vrai, j'ai beaucoup appris d'eux en si peu de temps. »
À la vitesse où vont les choses, il se pourrait que l'élève devienne le maître avant qu'il n'ait le temps de le réaliser.