Le changement culturel vers un sport plus sûr commence lentement au Canada
Après des témoignages bouleversants et choquants sur la Colline du Parlement, et après l'aveu de l'existence d'une crise du sport sécuritaire au Canada, dans quelle mesure les athlètes sont-ils plus à l'abri des abus et des mauvais traitements avant les Jeux olympiques de Paris?
Le système sportif de haute performance du Canada a été mis à rude épreuve depuis que les athlètes ont quitté les Jeux d'hiver de Pékin, il y a deux ans.
Les athlètes ont parlé de cas actuels et historiques d'abus – mentaux, verbaux, physiques et sexuels – et de la crainte de représailles s'ils les signalaient.
Les députés ont entendu dire que le bien-être des athlètes passait au second plan par rapport à la quête de médailles.
La saignée n'est pas terminée. Après que deux comités parlementaires eurent tenu des audiences sur le sport sécuritaire, une commission sur l'avenir du sport au Canada se penchera à nouveau sur ces questions, malgré les appels persistants de nombreux milieux en faveur d'une enquête nationale.
« Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais je dirais que c'est plus sûr, a déclaré la ministre fédérale des Sports, Carla Qualtrough. Le changement de culture que nous réclamons tous et pour lequel nous travaillons n'a pas encore eu lieu. Il y a une meilleure compréhension collective de ce qui est nécessaire. »
Les Jeux olympiques de 2024 sont officiellement lancés vendredi avec les cérémonies d'ouverture, bien que des compétitions préliminaires débutent mercredi. Les Jeux paralympiques se tiendront du 28 août au 8 septembre.
Certains athlètes canadiens qui seront sur la ligne de départ, sur les blocs et sur le tapis à Paris ont ressenti un changement dans leur environnement.
« J'étais sous le règne d'un entraîneur très abusif et ç'a été très dur pour ma santé mentale et physique, a mentionné la championne olympique en aviron à huit Avalon Wasteneys. Au cours de cette période quadriennale, j'ai eu beaucoup de soucis de santé. Je me suis sentie bien plus soutenue que jamais.
« Je me sens simplement beaucoup plus en sécurité dans l'environnement sportif, du personnel de soutien à nos entraîneurs, jusqu'aux athlètes eux-mêmes. »
Mais la joueuse de rugby Olivia Apps affirme que le système est «plus réactif que proactif» en matière de sécurité et que les organisations sportives nationales peuvent faire davantage pour aider les athlètes à se sentir protégés.
Systématiquement, avec les organismes sportives nationales, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose en place à l'heure actuelle pour protéger efficacement et durablement les athlètes sur le long terme», a soutenu Apps.
Depuis 2022, le gouvernement fédéral et le Comité olympique canadien ont dépensé ensemble environ 50 millions de dollars pour la sécurité du sport et pour des mécanismes tels que le Bureau du commissaire à l'intégrité du sport et un outil de vérification et d'évaluation de la culture pour les organisations sportives nationales.
On ne sait toujours pas à quel point les mesures imposées d'en haut peuvent changer la manière dont les gens se traitent les uns les autres. Le changement de culture ne se produit pas rapidement non plus.
« Les roues bougent, a imagé le marcheur Evan Dunfee. J'ai constaté des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire. Ça prendra probablement plusieurs générations, mais nous allons dans la bonne direction, au moins. »
Le coureur Charles Philibert-Thiboutot, qui représente les athlètes au conseil d'administration d'Athlétisme Canada, indique que du changement est dans l'air.
« Il y a une tendance selon laquelle les entraîneurs de la vieille école qui placent la performance des entraîneurs avant le bien-être de l'athlète sont en voie de disparition, a-t-il noté. Les entraîneurs qui émergent maintenant et qui deviennent de plus en plus populaires sont ceux qui respectent des règles d'entraînement qui correspondent davantage au sport sécuritaire. »
Les athlètes canadiens ont remporté 24 médailles, ce qui constitue un record lors de Jeux d'été non boycottés, et sept médailles d'or à Tokyo, en 2021.
David Shoemaker, président-directeur général du COC, et Anne Merklinger, directrice générale d'À nous le podium, affirment qu'il est naturel de vouloir que les athlètes remportent des médailles et de célébrer lorsqu'ils le font, mais ça ne peut pas se faire au détriment de leur bien-être physique ou émotionnel.
« Je n'ai toujours pas rencontré un athlète olympique canadien qui n'a pas un fort désir de gagner, a exprimé Shoemaker. Ils l'ont tous. Il nous incombe de ne pas mettre une seule once de pression pour gagner sur nos athlètes qu'ils ne mettent pas déjà sur eux-mêmes. »
Le personnel de la mission canadienne à Paris comprend trois spécialistes du bien-être mental et plus de 50 agents du sport sécuritaire, a fait savoir Shoemaker.
« Bien gagner » est le thème des athlètes canadiens à Paris, explique Merklinger, dont l'organisation fait des recommandations de financement fédéral et fournit une expertise technique aux organisations sportives nationales.
« Il s'agit de construire une culture saine d'excellence où les gens passent en premier, a laissé entendre Merklinger. C'est de la façon dont ils s'y prennent pour réussir que nous parlons davantage. Si les athlètes ne terminent pas leur parcours sportif en tant que meilleures personnes, alors nous n'aurons pas réussi. »