S'il avait fallu que...
Hockey mercredi, 23 nov. 2011. 10:49 vendredi, 20 déc. 2024. 18:58
Sur la galerie de presse du Centre Bell, lundi soir, il fallait avoir les yeux tout le tour de la tête pour ne rien manquer. Il y avait autant de téléviseurs branchés à RDS qu'à la CBC. RDS pour les reprises des jeux importants du match Canadien-Bruins et la CBC pour vivre l'excitant retour de Sidney Crosby.
Il y avait un tel contraste entre les spectacles présentés à Pittsburgh et à Montréal. Les Penguins s'amusaient ferme aux dépens des Islanders pendant que le Canadien s'épuisait contre les Bruins.
En visionnant les deux matchs en même temps, je me suis mis à rêver. Vous vous souvenez sans doute de la loterie qui a suivi la saison perdue à la suite du lock-out de 2004. Comme on ne pouvait s'inspirer d'aucun classement pour établir l'ordre de sélection du prochain repêchage, on a procédé à un tirage au sort en commençant par la 30e équipe.
Le gros lot de ce repêchage étant Crosby, il y avait énormément d'excitation dans l'air. À Montréal, on a constaté avec soulagement que les 20 dernières places avaient été distribuées sans que le Canadien en fasse partie. Puis, le neuvième rang a été octroyé à Ottawa, le huitième à San Jose, le septième à Chicago, le sixième à Columbus, etc.
Au septième étage du Centre Bell, on a commencé à taper du pied. Pierre Boivin, Bob Gainey, son adjoint André Savard, Pierre Gauthier, Claude Julien,Trevor Timmins et Julien Brisebois avaient des sueurs froides. Finalement, coup de chance ou de malchance, le Canadien a entendu son nom au cinquième rang. Au final, le gros lot est tombé entre les mains du premier sauveur des Penguins, Mario Lemieux, qui avait besoin d'un joueur de concession pour convaincre les politiciens de bâtir un nouvel amphithéâtre afin d'assurer la survie de la concession.
«C'est une journée très très chanceuse pour l'organisation», avait clamé l'ex-directeur général Craig Patrick avec insistance.
Chanceux, vous dites, les Penguins. Le meilleur joueur de hockey de la planète a été acquis par le biais d'un tirage au sort. Le joueur le plus électrisant et le plus déterminé, le meilleur vendeur de billets du circuit, ne leur a rien coûté. Ils n'ont même pas eu à terminer dans la cave pour l'obtenir, puisqu'il s'agissait de l'encan suivant l'année du lock-out.
Crosby à Pittsburgh et Carey Price, choisi cinquième, a atterri à Montréal. Deux grands crus, mais le premier en est un d'une qualité supérieure puisqu'il est unique au monde.
J'étais perdu dans mes pensées durant cette soirée magique. S'il avait fallu que le contraire se produise. S'il avait fallu que Crosby, après une brillante carrière junior à Rimouski, vienne s'illustrer à cinq heures de route du Bas-Saint-Laurent. La foule du Centre Bell, qui vénère une équipe de milieu de peloton, ne se posséderait plus si le nouveau dieu du hockey portait un dossard tricolore numéro 87. Partout dans les gradins, les spectateurs porteraient des chandails numéro 87. Une mine d'or pour l'organisation.
Puis, comme je les avais tous les deux sous les yeux, j'ai imaginé un tout petit instant deux multimillionnaires, les plus hauts salariés de leur équipe respective, dans un uniforme différent. Scott Gomez (et ses 7,5 millions) à Pittsburgh, Crosby (et ses 9 millions) à Montréal. Peut-on imaginer plus mauvais rapport qualité-prix dans le premier cas et plus belle aubaine dans le second? Bien sûr, ils n'ont pas le même âge, mais à 32 ans seulement, le réservoir de Gomez, qui n'a jamais eu l'allure d'une pipeline, est étrangement à sec depuis deux ans.
Gomez trouverait le moyen de paralyser l'attaque à cinq des Penguins. Crosby mettrait le feu aux poudres avec le Canadien. Sid the kid ne toucherait pas moins d'argent ici puisque l'ex-propriétaire George Gillett avait déjà prévu accorder un traitement annuel de 10 millions $ à Daniel Brière, puis à Vincent Lecavalier un peu plus tard.
Si on imagine Gomez et Crosby dans un chandail différent de celui qu'ils portent actuellement, c'est évidemment pour s'amuser car, disons-le, si Crosby avait été repêché par le Canadien (il est quand même passé près de l'être), Gomez n'aurait jamais été vu de sa vie dans les rues de Montréal. On n'en aurait pas eu besoin pour attirer des joueurs d'impact au Centre Bell, comme on nous l'a déjà expliqué. Crosby les aurait attirés d'abord et avant tout parce qu'il aurait fait du Canadien une formation gagnante.
Quel spectacle!
Je ne voudrais pas être méchant--ou si peu--mais à sa troisième présence sur la glace, Crosby avait déjà marqué plus de buts que Gomez cette saison. Ce qui se passe à Pittsburgh cette semaine est un grand moment d'extase pour les supporters de l'équipe. Gomez, lui, va dans le sens contraire en irritant le public par son inefficacité. Son interminable léthargie, combinée à l'étonnante clémence de l'entraîneur à son endroit, est devenue une véritable farce.
Revenons à Crosby. Ce qu'il a accompli après une absence de 10 mois et demi est incroyable, même s'il s'agit d'un surdoué. Il a soulevé une bonne partie de l'Amérique et sûrement le public canadien dans son ensemble quand il y est allé d'une manœuvre spectaculaire pour marquer son premier but après 320 jours d'absence. Coïncidence, il l'a fait en contournant facilement l'un de ses rares compatriotes de la Nouvelle-Écosse dans la Ligue nationale, Andrew McDonald.
Crosby n'est pas qu'un joueur étoile. C'est un jeune athlète à qui on en demande énormément depuis le jour 1 de sa carrière. Les attentes sont si élevées dans son cas qu'il ne pouvait pas se permettre d'être juste bon à l'heure de son retour. Il savait qu'il lui fallait faire une entrée remarquée. Comment arrive-t-il à briller soir après soir en sachant que le public s'attend constamment à des coups d'éclat de sa part? Il n'est pas seulement talentueux. C'est un être coriace.
Il a offert une prestation qui l'a fait entrer dans la légende à 24 ans seulement. Ce retour, comme celui de Mario Lemieux à la suite de son cancer, s'inscrit en lettres majuscules dans les grands moments du hockey. Un retour qui a été préparé durant des semaines dans la souffrance et la sueur en gymnase. Des semaines au cours desquelles des idées noires lui ont sans doute traversé l'esprit. Allait-il pouvoir encore être le meilleur? Allait-il pouvoir revenir? Point.
On le dit mince et dans une forme remarquable. Ses jambes, dit-on, sont plus fortes encore. On prédit qu'il va parader parmi les cinq meilleurs marqueurs du circuit à la fin du calendrier si, évidemment, une tête brûlée ne le retourne pas cul par-dessus tête à l'infirmerie.
Des comparaisons qui ne tiennent plus
Durant sa longue absence, non seulement n'a-t-il par perdu son statut de numéro un, mais il a creusé un écart important entre son premier rival, Alexander Ovechkin, et lui. Les comparaisons, qui les ont longtemps placés nez à nez, ne tiennent plus.
On sait maintenant que les deux athlètes ne sont pas tirés du même moule. Ovechkin est un joueur indiscipliné et de moins en moins vaillant qui défie constamment l'autorité alors Crosby, qui mange et dort de hockey et qui est un gagnant né, représente une source d'inspiration pour ses coéquipiers et pour la génération qui le suit.
Samedi, au Centre Bell, Crosby recevra sans doute sa plus belle ovation depuis qu'il s'y produit. La clientèle de l'édifice prend parfois un malin plaisir à conspuer les meilleurs joueurs du circuit, mais comment pourrait-elle huer le plus beau joyau d'un sport auquel les Québécois sont si attachés?
Il y avait un tel contraste entre les spectacles présentés à Pittsburgh et à Montréal. Les Penguins s'amusaient ferme aux dépens des Islanders pendant que le Canadien s'épuisait contre les Bruins.
En visionnant les deux matchs en même temps, je me suis mis à rêver. Vous vous souvenez sans doute de la loterie qui a suivi la saison perdue à la suite du lock-out de 2004. Comme on ne pouvait s'inspirer d'aucun classement pour établir l'ordre de sélection du prochain repêchage, on a procédé à un tirage au sort en commençant par la 30e équipe.
Le gros lot de ce repêchage étant Crosby, il y avait énormément d'excitation dans l'air. À Montréal, on a constaté avec soulagement que les 20 dernières places avaient été distribuées sans que le Canadien en fasse partie. Puis, le neuvième rang a été octroyé à Ottawa, le huitième à San Jose, le septième à Chicago, le sixième à Columbus, etc.
Au septième étage du Centre Bell, on a commencé à taper du pied. Pierre Boivin, Bob Gainey, son adjoint André Savard, Pierre Gauthier, Claude Julien,Trevor Timmins et Julien Brisebois avaient des sueurs froides. Finalement, coup de chance ou de malchance, le Canadien a entendu son nom au cinquième rang. Au final, le gros lot est tombé entre les mains du premier sauveur des Penguins, Mario Lemieux, qui avait besoin d'un joueur de concession pour convaincre les politiciens de bâtir un nouvel amphithéâtre afin d'assurer la survie de la concession.
«C'est une journée très très chanceuse pour l'organisation», avait clamé l'ex-directeur général Craig Patrick avec insistance.
Chanceux, vous dites, les Penguins. Le meilleur joueur de hockey de la planète a été acquis par le biais d'un tirage au sort. Le joueur le plus électrisant et le plus déterminé, le meilleur vendeur de billets du circuit, ne leur a rien coûté. Ils n'ont même pas eu à terminer dans la cave pour l'obtenir, puisqu'il s'agissait de l'encan suivant l'année du lock-out.
Crosby à Pittsburgh et Carey Price, choisi cinquième, a atterri à Montréal. Deux grands crus, mais le premier en est un d'une qualité supérieure puisqu'il est unique au monde.
J'étais perdu dans mes pensées durant cette soirée magique. S'il avait fallu que le contraire se produise. S'il avait fallu que Crosby, après une brillante carrière junior à Rimouski, vienne s'illustrer à cinq heures de route du Bas-Saint-Laurent. La foule du Centre Bell, qui vénère une équipe de milieu de peloton, ne se posséderait plus si le nouveau dieu du hockey portait un dossard tricolore numéro 87. Partout dans les gradins, les spectateurs porteraient des chandails numéro 87. Une mine d'or pour l'organisation.
Puis, comme je les avais tous les deux sous les yeux, j'ai imaginé un tout petit instant deux multimillionnaires, les plus hauts salariés de leur équipe respective, dans un uniforme différent. Scott Gomez (et ses 7,5 millions) à Pittsburgh, Crosby (et ses 9 millions) à Montréal. Peut-on imaginer plus mauvais rapport qualité-prix dans le premier cas et plus belle aubaine dans le second? Bien sûr, ils n'ont pas le même âge, mais à 32 ans seulement, le réservoir de Gomez, qui n'a jamais eu l'allure d'une pipeline, est étrangement à sec depuis deux ans.
Gomez trouverait le moyen de paralyser l'attaque à cinq des Penguins. Crosby mettrait le feu aux poudres avec le Canadien. Sid the kid ne toucherait pas moins d'argent ici puisque l'ex-propriétaire George Gillett avait déjà prévu accorder un traitement annuel de 10 millions $ à Daniel Brière, puis à Vincent Lecavalier un peu plus tard.
Si on imagine Gomez et Crosby dans un chandail différent de celui qu'ils portent actuellement, c'est évidemment pour s'amuser car, disons-le, si Crosby avait été repêché par le Canadien (il est quand même passé près de l'être), Gomez n'aurait jamais été vu de sa vie dans les rues de Montréal. On n'en aurait pas eu besoin pour attirer des joueurs d'impact au Centre Bell, comme on nous l'a déjà expliqué. Crosby les aurait attirés d'abord et avant tout parce qu'il aurait fait du Canadien une formation gagnante.
Quel spectacle!
Je ne voudrais pas être méchant--ou si peu--mais à sa troisième présence sur la glace, Crosby avait déjà marqué plus de buts que Gomez cette saison. Ce qui se passe à Pittsburgh cette semaine est un grand moment d'extase pour les supporters de l'équipe. Gomez, lui, va dans le sens contraire en irritant le public par son inefficacité. Son interminable léthargie, combinée à l'étonnante clémence de l'entraîneur à son endroit, est devenue une véritable farce.
Revenons à Crosby. Ce qu'il a accompli après une absence de 10 mois et demi est incroyable, même s'il s'agit d'un surdoué. Il a soulevé une bonne partie de l'Amérique et sûrement le public canadien dans son ensemble quand il y est allé d'une manœuvre spectaculaire pour marquer son premier but après 320 jours d'absence. Coïncidence, il l'a fait en contournant facilement l'un de ses rares compatriotes de la Nouvelle-Écosse dans la Ligue nationale, Andrew McDonald.
Crosby n'est pas qu'un joueur étoile. C'est un jeune athlète à qui on en demande énormément depuis le jour 1 de sa carrière. Les attentes sont si élevées dans son cas qu'il ne pouvait pas se permettre d'être juste bon à l'heure de son retour. Il savait qu'il lui fallait faire une entrée remarquée. Comment arrive-t-il à briller soir après soir en sachant que le public s'attend constamment à des coups d'éclat de sa part? Il n'est pas seulement talentueux. C'est un être coriace.
Il a offert une prestation qui l'a fait entrer dans la légende à 24 ans seulement. Ce retour, comme celui de Mario Lemieux à la suite de son cancer, s'inscrit en lettres majuscules dans les grands moments du hockey. Un retour qui a été préparé durant des semaines dans la souffrance et la sueur en gymnase. Des semaines au cours desquelles des idées noires lui ont sans doute traversé l'esprit. Allait-il pouvoir encore être le meilleur? Allait-il pouvoir revenir? Point.
On le dit mince et dans une forme remarquable. Ses jambes, dit-on, sont plus fortes encore. On prédit qu'il va parader parmi les cinq meilleurs marqueurs du circuit à la fin du calendrier si, évidemment, une tête brûlée ne le retourne pas cul par-dessus tête à l'infirmerie.
Des comparaisons qui ne tiennent plus
Durant sa longue absence, non seulement n'a-t-il par perdu son statut de numéro un, mais il a creusé un écart important entre son premier rival, Alexander Ovechkin, et lui. Les comparaisons, qui les ont longtemps placés nez à nez, ne tiennent plus.
On sait maintenant que les deux athlètes ne sont pas tirés du même moule. Ovechkin est un joueur indiscipliné et de moins en moins vaillant qui défie constamment l'autorité alors Crosby, qui mange et dort de hockey et qui est un gagnant né, représente une source d'inspiration pour ses coéquipiers et pour la génération qui le suit.
Samedi, au Centre Bell, Crosby recevra sans doute sa plus belle ovation depuis qu'il s'y produit. La clientèle de l'édifice prend parfois un malin plaisir à conspuer les meilleurs joueurs du circuit, mais comment pourrait-elle huer le plus beau joyau d'un sport auquel les Québécois sont si attachés?