Il y a à peine un moins, personne ne le connaissait et tous se demandaient qui était ce jeune Suisse venu titiller le futur champion du monde sur une étape du Tour de France qui lui était presque réservée. Pour un peu, on aurait assisté à un crime de lèse-majesté. C’était il y a quatre semaines, mais dans une année où la sensation du temps qui passe est orpheline de toute référence, on a l’impression que c’était il y a tellement longtemps. Marc Hirschi, lui, doit avoir l’impression d’une vie en accéléré depuis ce dimanche 30 août, accumulant de l’expérience aussi vite que les semaines passent : une balade de 100 bornes à travers les Pyrénées qui lui ont forgé un nom, une victoire d’étape pour s’affirmer dans un Tour de France qu’il termine comme super-combatif, une médaille de bronze sur le circuit d’Imola il y a de cela à peine trois jours. Et la victoire au sommet du mur de Huy, dans une course laissée ouverte par le forfait du nouveau roi du monde.
Tout le monde n’avait d’yeux que pour Wout Van Aert, Mathieu van der Pool, Remco Evenepoel, Egan Bernal ou Tadej Pogacar depuis quelque temps, les présentant comme la relève d’un peloton dont les vétérans de plus de 28 ans n’allaient pas tarder à sa faire « kicker out » par cette jeunesse insouciante, voire arrogante. À la table des prodiges, Marc Hirschi s’est fait une place à grands coups de coudes. Et le pire, c’est qu’il ne l’a pas volé. Couvé dans une équipe qui semble lui convenir à merveille, personne ne sait trop où pourra s’arrêter l’ancien champion du monde des moins de 23 ans. Fabian Cancellara en a peut-être une petite idée, lui qui a décidé de le prendre sous son aile et qui clame à qui veut bien l’entendre que son protégé peut gagner à Liège ou en Lombardie. Tiens, ça tombe bien, Liège, c’est dimanche.
Il est bien loin le temps où l’expérience était gage de succès, celle qui pouvait vous donner le ticket d’entrée dans un peloton qui respectait ses anciens. Aujourd’hui, tout fout le camp, ma brave dame, et on est presque soulagé de voir que Julian Alaphilippe est allé chercher l’arc-en-ciel cette année. Parce qu’à la vitesse où tout cela va, on a comme l’impression que tous ces jeunes loups vont tout bouffer, comme le jeunot Hirschi l’a fait dans la grimpette de Huy. Tellement en contrôle que rien ni personne ne semblait pouvoir le faire paniquer. Ah, l’insouciance de la jeunesse, qui fait que ces gamins n’ont peur de rien ni de personne, et surtout pas de ces « vieux » qui ont fait leur temps en haut des classements des plus grandes courses du monde. Et au moment de faire vos pronostics, peut-être que vous feriez mieux de regarder la date de naissance plutôt que l’expérience.
Marc Hirschi est en train de se tailler une solide réputation à seulement 22 ans, une réputation qui lui fait désormais rejoindre le club des enfants prodiges. Mais ce qui est assez amusant, c’est qu’on a beau vouloir fermer la porte de ce club, y en a toujours un qui va venir mettre le pied dans la porte et entrer pour faire coucou. Hirschi à peine installé, y en a déjà qui frappent à la porte. Par politesse, hein, parce que si on ne leur ouvre pas, les Pidcock, Bagioli, Almeida, Bjerg ou Vansevenant de ce monde ne vont surtout pas se gêner : ils vont la défoncer. Quand on vous dit que la jeunesse ne respecte rien.
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