Texte tiré du blogue Bulletin sportif consacré au sport étudiant.
Les difficultés que vit le sport étudiant à cause de la pandémie de COVID-19 mettent en relief une série d’incohérences. Bien sûr, des décisions vont inévitablement se contredire dans un contexte où tout doit se coordonner rapidement. Par contre, quand on nous dit depuis plus de six mois que toutes les orientations partent des directives de la Santé publique, on peut s’étonner d’apprendre que cette dernière refuse d’approuver les protocoles des fédérations sportives.
Au Québec, les fédérations sportives sont sous le chapeau de la Direction du sport, du loisir et de l’activité physique (DSLAP) du ministère de l’Éducation du Québec. C’est la DSLAP qui approuve la création des fédérations sportives et octroie les budgets, notamment. Cette direction est sous la gouverne de la sous-ministre adjointe, madame Dominique Breton qui, elle, répond directement au sous-ministre à l’Éducation, M. Éric Blackburn. Ce dernier étant le plus haut fonctionnaire du ministère de l’Éducation dirigé par M. Jean-François Roberge. La ministre déléguée à l’Éducation et responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest a également sous sa responsabilité tout ce qui touche aux sports.
Cette introduction aux dédales de la machine bureaucratique québécoise n’est pas ce qu’il y a de plus sexy, mais elle est nécessaire. C’est qu’au-delà des incohérences et des changements de cap qu’on observe depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, il existe au sein de notre appareil gouvernemental un manque de leadership flagrant. Il y a une crainte chez certains de prendre leurs responsabilités et les répercussions sur les jeunes sportifs, dont les étudiants-athlètes, deviennent de plus en plus négatives.
J’ai expliqué dans mon dernier texte intitulé Feu vert au sport scolaire : trop peu, trop tard? que la décision de corriger la clause 70 était la bonne, mais qu’elle arrivait probablement trop tard avec l’annonce du passage au rouge dans certaines régions du Québec. Plusieurs ligues et institutions scolaires ayant décidé de mettre un terme à leurs activités depuis lundi dernier sans même attendre les directives du gouvernement qui devraient être annoncées lundi prochain (5 octobre).
J’ai aussi eu l’occasion de faire la chronologie des événements sur les ondes du 91,9 Sports au micro d’Anthony Marcotte (pour écouter ou réécouter l’entrevue) et d’expliquer en quoi l’égo du ministre Roberge avait coûté cher en temps et en énergie à des milliers de personnes. Mais si ce n’était que ça.
En discutant avec divers intervenants du monde du sport, on m’a appris que les protocoles de retour au jeu demandés aux fédérations sportives n’ont jamais été approuvés par la Santé publique.
En effet, le retour au jeu annoncé en juin dernier par la ministre Charest a permis aux jeunes et moins jeunes de profiter de l’été en jouant au soccer, au baseball, au football, en faisant de l’athlétisme, etc. Mais pour pouvoir le faire, il fallait que le sport se fasse de façon sécuritaire. Et la sécurité en temps de pandémie n’est pas une simple question d’arbitrage ou de casques, mais une affaire de santé, une affaire médicale.
Alors on a demandé aux fédérations sportives de faire le travail qu’elles ont à faire en temps normal, régir la sécurité dans leur discipline. Celles-ci ont donc planché sur des protocoles afin d’offrir aux athlètes, aux entraîneurs, aux arbitres et même aux spectateurs un environnement le plus sécuritaire possible. Quand les fédérations ont présenté leurs plans à la DSLAP et à la Santé publique, cette dernière a donné quelques indications et corrigé des lacunes. Cependant, elle a refusé d’apposer un quelconque sceau d’approbation sur les plans proposés. Ainsi, les fédérations se sont retrouvées avec la patate chaude entre les mains.
Une à une, les fédérations ont choisi d’aller de l’avant et de lancer leurs activités en espérant que les protocoles seraient respectés, mais surtout qu’aucune éclosion ne surviendrait. C’est qu’on a mis la responsabilité entre les mains de gens qui n’ont aucune compétence en matière de santé. Et on ne peut pas les blâmer d’être allés de l’avant. C’est leur travail de tout faire pour que leur sport soit pratiqué. Mais pourquoi la Santé publique a-t-elle refusé d’approuver les protocoles? Pourquoi ne voulait-elle pas assumer ses responsabilités? Pourquoi mettre la responsabilité entre les mains des fédérations?
Je peux vous dire que ces questions, on se les pose chez plusieurs directeurs généraux de fédérations sportives. On se les pose aussi au RSEQ. Pourtant, tout ce beau monde a travaillé ensemble durant l’été quand est venu le moment d’intégrer adéquatement le sport aux écoles.
Le RSEQ a animé les réunions d’un comité médical qui a accouché d’un rapport durant l’été. Pendant un mois, à raison de 7-8 rencontres de trois heures chacune, des médecins ont discuté avec la DSLAP dans le but d’établir les niveaux de risque médicaux reliés à la pratique des différents sports. La Santé publique a demandé à assister à ces rencontres afin de garder un oeil sur ce qui se dégageait des discussions.
À la fin, le rapport soumis par le comité de médecins, dont plusieurs provenaient des universités, a établi le niveau de risque des différents sports basé sur l’exposition aux liquides corporels. On comprend alors pourquoi le rugby et le football sont plus à risque que le golf ou le cross-country. Ce rapport qui n’a pas été rendu public n’a pas proposé des protocoles, mais a plutôt servi à créer des guides pour les écoles, les cégeps et les universités qui devaient encadrer la pratique sportive dans leurs murs et sur leurs terrains.
Rappelons-nous que la gestion de la sécurité pour la pratique sportive est devenue médicale et non plus sportive. Les fédérations sportives n’ayant pas toutes accès à des médecins pour travailler, le comité se voulait un moyen d’offrir des lignes directrices aux institutions d’enseignement et aux fédérations.
Il est toutefois important de savoir que les fédérations n’ont pas eu accès au dit rapport. Le RSEQ a parlé directement avec certaines fédérations et leur a présenté les enjeux spécifiques à leur sport soulevés dans le rapport, mais pas davantage.
D’ailleurs, les risques soulevés pour certains sports et les modifications proposées pour qu’ils puissent être pratiqués de manière sécuritaire faisaient peut-être en sorte que certaines fédérations avaient intérêt à ce que ce rapport reste privé. Du moins, on peut se poser la question.
Il n’en reste pas moins que les universités ont pris la décision de ne pas se lancer dans les compétitions sportives cet automne. Les cégeps et les écoles secondaires ont pris la chance d’aller de l’avant en suivant les protocoles des fédérations.
Sachant cela, peut-on maintenant nous expliquer la suite des décisions? La Santé publique refuse d’approuver les protocoles des fédérations sportives qui sont sous la responsabilité du ministère de l’Éducation. Elle ne refuse pas parce que les protocoles ne sont pas bons, mais parce qu’elle ne veut pas en prendre la responsabilité. Ainsi, une partie du gouvernement ne veut pas prendre la responsabilité pour une décision d’une autre partie du gouvernement. Qui plus est, le ministre de l’Éducation laisse les fédérations sportives, qui sont sous sa charge, travailler à créer des protocoles auxquels il ne fera pas assez confiance pour laisser les étudiants-athlètes jouer en septembre.
On nous dira ensuite que la décision du MEQ de retarder le début des saisons sportives et la publication subséquente d’un document Foire aux questions ont été dictées par des enjeux de santé publique. Pourtant, on a appris plus tard que la clause 70 de la Foire aux questions envoyées aux écoles le 11 septembre n’allait même pas dans le sens de la Santé publique.
Avec tout ça, on peut comprendre pourquoi Hockey Québec et Basketball Québec hésitent avant de passer aux prochaines phases de leur plan de relance. Les zones rouges et le fait qu’elles pourraient être tenues responsables si leurs protocoles ne permettent pas d’empêcher une éclosion ont de quoi refroidir les ardeurs.
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