Texte tiré du blogue Bulletin sportif consacré au sport étudiant
Sujet délicat s’il en est un, le racisme, et surtout la lutte contre celui-ci, exige qu’une discussion s’ouvre. À tous les niveaux de la société et dans toutes ses sphères. C’est d’ailleurs ce qu’ont voulu faire deux étudiantes de l’Université Concordia en interpelant le RSEQ sur leur compte Instagram.
Plus tôt cette semaine, certains médias rapportaient le cas de la basketteuse Nelly Owusu et de la joueuse de rugby Keyara Valencia-Hinds qui ont rédigé une lettre ouverte où elles demandaient au RSEQ d’en faire davantage pour combattre le racisme. Après avoir vu l’organisme afficher son soutien à la cause Black Lives Matter sur les réseaux sociaux en juin dernier, les deux femmes constatent que rien de plus n’a été fait depuis.
J’ai contacté Nelly Owusu pour mieux comprendre ce qu’elle attendait du RSEQ. « Je m’attends à plus d’action de la part de RSEQ, à ce qu’ils prennent la parole à propos des injustices raciales. C’est un sujet important parce que plusieurs athlètes et entraîneurs dans la ligue sont des gens de couleur. »
Elle ajoute : « Je pense aussi que c’est important de s’éduquer et d’éduquer les autres. Ce n’est pas tout le monde qui comprend de quelle façon le racisme peut être un enjeu dans le sport parce que ça dépasse le simple cadre du sport. Plusieurs personnes m’ont envoyé des messages pour me demander pourquoi je voulais mêler le RSEQ à ces histoires alors que ce n’est pas vraiment leur problème. Personnellement, je pense que c’est justement un problème. Nous taisons les injustices et les remarques à propos de la couleur de notre peau. Maintenant, peut-être que le RSEQ ne s’en rend pas compte parce qu’il ne fait rien de mal ou parce qu’il n’observe pas ces comportements, mais ils existent. »
Nelly Owusu est une jeune femme dotée d’une grande force de caractère. Elle a d’ailleurs été la représentante du RSEQ mise en nomination pour le prix Tracy MacLeod qui récompense la détermination, la persévérance et le courage en 2019-2020 pour être revenue au jeu après deux importantes blessures qui lui ont fait rater une saison et demie.
Elle ne fait pas que condamner. Elle propose des pistes de solutions. Par exemple, en mettant sur pied un groupe d’athlètes de partout au Québec qui pourrait prêter main forte au conseil d’administration quand vient le temps de parler de sujets comme le racisme. Nelly Owusu pense qu’un tel groupe pourrait notamment concevoir un guide établissant des règles à suivre face à des cas de discrimination provenant des spectateurs, des athlètes ou des entraîneurs. Il pourrait également aider à créer un programme afin d’enseigner aux équipes les mots qui peuvent être utilisés ou comment adresser les cas de racisme.
À cela, le RSEQ a répondu par la bouche de son directeur général adjoint Stéphane Boudreau. « On a eu plusieurs conversations à l’interne à ce sujet. Malheureusement, ce n’est pas le RSEQ en tant que tel qui peut gérer ça. Dans les règles de gouvernance du RSEQ, on ne peut pas intervenir directement dans une école. »
M. Boudreau continue : « Les conversations doivent avoir lieu. On pense qu’on peut y participer, mais ça doit se faire avec toutes les instances. Aussi, on a déjà un programme qui s’appelle 3R qui fait la promotion de l’éthique dans la pratique du sport via trois éléments, le respect de soi, le respect des autres et la responsabilité de nos actions. «
À cette étape-ci, il est important de rappeler ce qu’est le RSEQ. Le Réseau du sport étudiant du Québec n’est pas une ligue sportive à proprement parler comme la LNH ou la LCF. Le RSEQ ne régit pas les sports, ce sont les fédérations sportives qui le font. En fait, le RSEQ est un rassemblement des institutions scolaires qui veulent faire du sport ensemble. La direction du RSEQ organise les ligues, gère l’admissibilité, les calendriers, etc. Mais surtout, le RSEQ fait ce que ses membres lui demandent de faire.
Ceci étant dit, personnellement je pense que la direction du RSEQ ne peut pas non plus se cacher entièrement derrière les écoles pour justifier une forme d’inaction. Et pour justifier ma position, je vais reprendre les mots du pdg Gustave Roël dans son message d’introduction au dernier rapport annuel du RSEQ diffusé le mois dernier :
« Le RSEQ s’engage à poursuivre ses actions comme leader du sport et de l’activité physique en milieu étudiant en mettant de l’avant l’importance d’assurer la santé et la sécurité de toutes les étudiantes et tous les étudiants afin de contribuer à leur réussite éducative. Se donner le moyen de nos ambitions financières, humaines et organisationnelles : voici le défi que le RSEQ saura relever«
Je me permets d’ajouter que la vision du RSEQ est d’être reconnu comme le leader du développement du sport et de l’activité physique dans le milieu étudiant et un incontournable de la concertation avec les différents partenaires. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le RSEQ lui-même.
Je n’aurais pas pu aborder ce sujet sans avoir une discussion avec un homme qui était tout désigné pour me donner son point de vue. Duane John est directeur des sports au Collège Montmorency en plus de siéger au conseil d’administration du RSEQ et d’en être le seul membre de couleur.
Cet homme mériterait d’ailleurs d’être entendu plus souvent dans nos médias. Calme et réfléchi, ses prises de position sont nuancées tout en étant claires. Il m’a proposé une image intéressante pour parler de la situation du racisme. « Le sujet est très délicat, mais il faut l’aborder. C’est comme si on devait traverser un pont dont le sol est rempli d’oeufs. On a le choix de rester où on est et on ne brisera rien ou d’avancer en sachant qu’on va casser des oeufs. Sauf que la solution est de l’autre côté. Je pense qu’il faut traverser ce pont. »
Ainsi, oui, il y aura des erreurs qui seront commises, des paroles maladroites qui seront prononcées et des coups d’épée dans l’eau. Mais si on se concentre sur qui peut mal aller, on ne faire rien.
L’ancien footballeur étoile des Spartiates du Vieux-Montréal et du Rouge et Or de l’Université Laval ne pense pas que la solution soit à un endroit plus qu’à un autre. « Le RSEQ est composé de ses membres, il ne se limite pas à sa permanence. Il faut que les membres se demandent ce qu’ils peuvent faire. Certaines institutions y travaillent. Je pense qu’il faut trouver un moyen d’unir les forces de ceux qui travaillent à trouver des solutions avec ceux qui n’ont pas encore commencé. Le forum que peut représenter le RSEQ est certainement un bon point de départ pour le faire. »
Duane John pose la question : « Qui doit prendre le leadership sur cet enjeu? Tout le monde peut faire son bout. Et c’est clair que le réseau peut contribuer. La force du nombre avec plus de 220 000 athlètes et les entraîneurs fait qu’on peut certainement être des acteurs de changement. »
En réponse à la démarche de Nelly Owusu et Keyara Valencia-Hinds, il a toutefois ceci à dire : « De l’extérieur, on peut avoir l’impression qu’il n’y a rien qui se fait, mais il y a des gens qui travaillent. On a commencé l’été dernier à Montmorency et justement cette semaine on a annoncé des initiatives en ce sens. Et nous ne sommes pas les seuls, d’autres cégeps en préparent aussi. La pandémie n’a pas le dos assez large pour cacher cet enjeu humain, mais c’est clair que ça a ralenti des choses. En temps normal, on aurait lancé nos initiatives plus tôt. »
L’initiative en question qui porte le nom Diversité et Inclusion propose notamment une séance de visionnement du documentaire québécois Briser le Code suivi d’une discussion avec l’entrepreneur social Fabrice Vil. Puis quelques semaines plus tard, une conversation avec l’ancienne porte-couleur des Nomades Joëlle Martina, cofondatrice de la Société les Lilas.
À noter que de son côté, l’Université Concordia a annoncé le 29 octobre dernier le lancement du President’s Task Force on Anti-Black Racism dont l’objectif est de se pencher sur le racisme systémique
Les solutions au problème du racisme peuvent sembler simples pour certains. Elles ne le sont assurément pas pour la majorité. Par contre, si les événements peuvent nous enseigner quelque chose, c’est qu’il faut amorcer des discussions ouvertes pour essayer de se comprendre. Et pour ça, il faut commencer par écouter ce que des femmes comme Nelly Owusu et Keyara Valencia-Hinds ont à dire. Et il faut commencer à souhaiter et à exiger une vraie représentativité dans nos organisations.
À cet effet, je ferai confiance au tout nouveau président du C.A. du RSEQ David Heurtel qui me disait lors de notre conversation (si vous souhaitez relire ce texte, c’est ici) à quel point l’inclusion et l’ouverture à la diversité étaient des sujets qui le préoccupaient. Disons que l’occasion est belle de mettre de l’avant la vision du rôle de leader et d’incontournable de la concertation que le RSEQ s’est donné.
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