Texte tiré du site Bulletinsportif.ca consacré au sport étudiant.
Le hockey masculin québécois est régulièrement placé sous la loupe pour le petit nombre de ses joueurs à atteindre la LNH ou à faire partie des équipes nationales. Certaines personnes aimeraient voir le développement des jeunes joueurs se faire via le système scolaire. Mais est-ce vraiment une option? En 2019-2020, un seul joueur d’une équipe universitaire québécoise provenait directement de la ligue collégiale.
Le hockey étudiant au Québec est-il en mesure de développer les meilleurs talents? La structure du hockey scolaire, collégial et universitaire peut-elle être une alternative viable à la LHJMQ? À l’heure actuelle, la réponse est un non catégorique. Et une des raisons à cela est en partie le manque d’équipes de hockey universitaire au Québec.
Tant qu’il n’y aura que trois universités dans la province à avoir une équipe de hockey masculin, le système sera bloqué. C’est en gros la conclusion à laquelle arrive l’ensemble des intervenants à qui j’ai pu parler.
Au Québec, trois universités offrent un programme de hockey masculin. Cela représente une équipe pour chaque 2,86 millions d’habitants. En comparaison, les provinces atlantiques ont sept équipes, soit une pour 349 000 habitants. En Ontario, 17 équipes universitaires s’ajoutent aux trois du Québec pour former la ligue de la conférence ontarienne. Il y a donc une équipe pour 876 000 personnes chez les Ontariens et dans l’ouest, le ratio est de une équipe pour 1,517 million d’habitants.
Du côté junior majeur, le Québec a 12 équipes (ratio de une équipe pour 715 000 habitants), l’Atlantique a six équipes (1:407), l’Ontario en a 20 (1:737) et l’Ouest en a 19 (1:639). Bref, au niveau junior majeur, le Québec est assez près de la moyenne alors que ce n’est pas le cas au niveau universitaire.
Ceci dit, la réalité du hockey est que les joueurs qui souhaitent devenir professionnels misent beaucoup sur le repêchage de la LNH comme tremplin et celui-ci arrive alors que les joueurs ont 18 ans, soit au moment où ils sont au cégep. L’alternative devrait donc passer par la ligue collégiale pour ces joueurs. Mais visiblement, le niveau de jeu n’est pas comparable à celui de la LHJMQ. Et pour ceux qui croient que la LHJMQ n’est pas une bonne option à qui souhaite privilégier les études, les choses ont bien changé depuis quelques années.
En effet, un système de bourses a été mis sur pied permettant aux joueurs qui ont évolué dans la LHJMQ de recevoir jusqu’à 24 000$ pour payer leurs frais d’études universitaires. Et plusieurs en profitent. À cela s’ajoute un encadrement beaucoup plus complet pour ceux qui continuent leurs études secondaires et collégiales durant leur stage junior majeur. Sans oublier le partenariat de la LHJMQ avec l’Alliance Sports-Études qui permet à de nombreux joueurs d’obtenir des bourses supplémentaires.
Il n’en reste pas moins que le hockey tel qu’il est constitué au Québec fait en sorte que l’élite voit dans la LHJMQ une finalité en soi. Une réalité que souhaite changer Stéphane Auger, ex-arbitre dans la LNH et coordonnateur du hockey au RSEQ, en poste depuis septembre 2019. « C’est mon mandat. On travaille actuellement sur la structure du sport scolaire, mais il est clair qu’on devra trouver des façons d’augmenter le nombre d’équipes universitaires si on souhaite offrir des débouchés aux joueurs qui choisissent la voie des équipes collégiales. »
Il ajoute du même souffle : « Quand on regarde du côté américain par exemple, les joueurs repêchés par les équipes de la LNH ne sont généralement pas encore rendus dans la NCAA. Ils sont repêchés et ensuite ils se dirigent vers l’université pour continuer leur développement. Aujourd’hui, la majorité des joueurs autonomes signés dans la LNH proviennent de la NCAA. Et ce n’est pas surprenant quand on sait qu’un joueur de hockey atteint son apogée vers 27-28 ans. Une structure qui accompagne les joueurs jusqu’au milieu de la vingtaine est idéal pour ça. »
Cet aspect du développement des joueurs est primordial dans la structure du hockey. Un élément repris par Alexandre Dandenault, entraîneur-chef du Boomerang d’André-Laurendeau, lorsqu’il parle des changements à faire pour que le Québec retrouve sa position comme pépinière de joueurs de hockey. « Le modèle de la NCAA est idéal pour le développement des athlètes parce que ceux qui en sortent ont 22, 23, voire 25 ans. Si notre structure permettait de prolonger le développement des joueurs en offrant aux jeunes de demeurer au Québec, on garderait pas mal plus de joueurs. Actuellement, la ligue collégiale est un tremplin vers le niveau universitaire, mais comme il n’y a que trois équipes au Québec, le parcours doit se faire en regardant ailleurs au Canada et évidemment vers les États-Unis où il y a 150 écoles prêtes à recevoir nos joueurs. »
Dandenault offre un point de vue très intéressant sur la situation du hockey au Québec. « Je pense qu’il serait intéressant que la Ligue canadienne de hockey (NDLR : qui regroupe la LHJMQ, la OHL et la WHL) soit une une ligue de développement qui dirigerait ses joueurs vers le hockey universitaire. Évidemment, les meilleurs qui arrivent à se tailler une place parmi les pros à 19-20 ans continueront de le faire, mais pour les autres, ça devrait être le cheminement normal de continuer à l’université. Mais pour ça, c’est clair qu’il faudra plus d’équipes. On veut que les Québécois qui sortent de nos structures soient les meilleurs. Pour ça, il faut continuer de les développer et non pas arrêter à 20 ans. »
Comme le dit Dandenault, le hockey collégial est une excellente avenue offrant un programme de hockey scolaire de haut niveau tout en permettant aux joueurs de conserver leur admissibilité à la NCAA. Il faut savoir qu’un joueur qui joue un match au niveau junior majeur est considéré comme ayant évolué au niveau professionnel et est dès lors disqualifié s’il tente de jouer au sein d’une université américaine.
Pour un joueur comme Nathan Morin par exemple, qui a été le premier choix (19e au total) des Tigres de Victoriaville au dernier repêchage de la LHJMQ, jouer un match avec cette équipe l’aurait empêché de poursuivre son parcours d’étudiant-athlète au sein de la prestigieuse université Harvard. Il n’a donc jamais revêtu l’uniforme de l’équipe des Bois-Francs.
Qui plus est, un joueur évoluant dans le junior majeur canadien repêché par une équipe de la LNH doit signer une entente avec son équipe dans les deux années suivant sa sélection. Pour les joueurs provenant de programmes comme celui de la NCAA, la règle est de quatre ans. Ce qui encourage les jeunes joueurs à continuer leur parcours universitaire tout en se développant. Au Canada, un joueur a intérêt à viser les niveaux professionnels le plus rapidement possible. Pourtant, on constate que la grande majorité des joueurs autonomes à signer une entente dans la LNH provient de la NCAA. Ce n’est pas un hasard.
C’est un changement de culture qui est proposé. On veut trouver des façons de garder les joueurs de hockey au Québec. Pour le moment, le hockey junior majeur et AAA offrent des options, mais pour le hockey scolaire, le chemin qui passe par le collégial mène vers l’extérieur de la province.
Stéphane Auger a mené un comité qui s’est penché sur les structures du hockey scolaire et dont le rapport a été rendu public cet automne. « On doit évidemment commencer par les fondations pour assurer un bon bassin de joueurs, mais le hockey universitaire devrait être la finalité du système de développement et non le hockey junior. Après 20 ans pour un joueur québécois, il n’y a pas vraiment d’option ici. On travaille fort actuellement pour y arriver avec divers intervenants. Ça fait un peu plus d’un an que je suis en poste et il y a beaucoup à faire. Évidemment, on a des objectifs en terme de temps et de nombre d’équipes universitaires qu’on aimerait voir s’implanter. »
Pour Guy Chouinard, entraîneur-chef des Lions de Champlain-St.Lawrence, membre du Temple de la renommée de la LHJMQ et ancien marqueur de 50 buts dans la LNH, c’est une question de temps avant que le hockey collégial ne devienne un véritable tremplin vers le hockey universitaire d’ici. « Le hockey scolaire est en pleine progression. Ceux qui placent le hockey au centre de leurs priorités vont vouloir venir vers le hockey collégial. On a de plus en plus d’équipes et cette année devait être le début d’une nouvelle division 2. Ceux qui aiment jouer au hockey n’arrêteront pas parce que les ouvertures vont être de plus en plus nombreuses et il est évident que le calibre va augmenter. »
Chouinard ajoute : « Ça prend plus d’équipes dans les universités québécoises. S’il y avait une équipe ici à Québec par exemple, ça offrirait plus de choix pour nos joueurs. Par contre, notre ligue est encore jeune. Ça fait 11 ans que la ligue collégiale est revenue. Mais en ce moment, les recruteurs universitaires ont un bassin suffisamment grand avec les joueurs provenant du junior majeur sans avoir à venir piger chez nous. »
Ces propos sont corroborés par Marc-Étienne Blackburn Hubert, entraîneur-chef des Patriotes de l’UQTR, une des trois équipes universitaires masculines au Québec. « Il n’y a pas assez d’équipes universitaires au Québec. En fait, les universités d’ici n’ont pas un assez gros appétit pour le hockey. On fait partie de la ligue ontarienne. Ils ont 17 équipes, on en a trois. Dans les Maritimes, il y a sept équipes.
Celui qui a pris les rênes du club trifluvien en 2013 est clair : « On souhaite gagner alors on veut les meilleurs. Avec tous les joueurs qui sortent de la LHJMQ, on a un assez grand bassin. Et puis, on n’a pas nécessairement les ressources pour aller voir tout ce qui se fait partout dans la province alors on se concentre sur les matchs du junior majeur. On reste ouverts, on écoute, mais il n’y a pas beaucoup de places à combler à chaque année. »
Parmi ses équipiers à Trois-Rivières, Blackburn Hubert pouvait miser sur un des rares joueurs à avoir réussi à se tailler une place au sein d’une formation universitaire québécoise après son stage collégial. Nicolas Larivière, qui a évolué pour les Dragons du Collège Laflèche, a vu une bonne différence entre le niveau collégial et universitaire. « J’ai passé ma première demi-saison à pratiquer uniquement avant de jouer un premier match. Mais c’était une bonne chose parce que ça m’a permis d’être prêt lorsque j’ai finalement joué. »
Larivière explique ainsi le fait que si peu de joueurs provenant du collégial arrivent à se tailler une place au niveau universitaire : « J’ai joué avec d’excellents joueurs au collégial qui ont tenté leur chance à l’université et ça n’a pas fonctionné. Je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas réussi, mais il faut comprendre que ce n’est pas facile. Il y a tellement peu d’équipes et le taux de roulement est assez bas. À mon année recrue, nous n’étions que six nouveaux joueurs. Personnellement, j’ai été chanceux d’être à la bonne place au bon moment. Après un match collégial où j’avais bien performé, un bon ami du coach des Patriotes m’a vu et il m’a approché pour savoir si je serais intéressé à jouer à l’université. Il a ensuite placé un bon mot pour moi à Marc-Étienne et j’ai réussi à faire l’équipe. »
Le réseau du hockey collégial québécois offre effectivement des perspectives très intéressantes. Les entraîneurs qu’on y trouve sont particulièrement chevronnés. En plus des Guy Chouinard et Alexandre Dandenault, il y a notamment Stéphan Lebeau avec Champlain-Lennoxville, Christian Larue à Ste-Foy, Mathieu Chouinard à St-Laurent ou Stéphane Fiset, adjoint avec Thetford Mines. Certainement des noms qui rayonnent bien au-delà des murs des cégeps. Une avenue à explorer pour les joueurs de hockey québécois, mais qui doit pouvoir offrir des débouchés pour les étudiants-athlètes.
Beaucoup de travail reste à faire avant que la structure du hockey au Québec ne soit recréée pour offrir des options plus plus complètes aux athlètes d’ici. L’objectif est toutefois assez clair. Garder les joueurs ici et créer plus d’équipes universitaires. On sait déjà que l’UQAM travaille depuis un certain temps à mettre sur pied une équipe de hockey masculin. Bien hâte de voir quelles universités souhaiteront emboîter le pas. Tout un chantier que celui-là.
À suivre…
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